100 morts au Nigeria en marge du concours Miss Monde
AFP, KADUNA (Nigeria), vendredi 22 novembre 2002, 20h06 - Les émeutes provoquées par des musulmans en colère après la parution d'un article sur l'élection de Miss Monde se sont répandues jeudi à Abuja, la capitale fédérale du Nigeria, ainsi qu'à d'autres quartiers de Kaduna (nord), ville où les violences ont démarré mercredi.
Au moins 100 personnes ont été tuées à Kaduna au cours des dernières 48 heures avant que les affrontements entre chrétiens et musulmans ne commencent à s'étendre à de nouveaux quartiers de cette ville, a indiqué un porte-parole de la Croix rouge nigériane, Patrick Bawa.
Avant le Nigeria, l'Inde a connu elle aussi des troubles sérieux lors de la tenue de l'élection de Miss Monde, en 1996.
Des milliers de civils fuyaient vendredi dans les rues de Kaduna jonchées de cadavres. Ces civils tentaient de trouver refuge dans les casernes de la police, a constaté un correspondant de l'AFP.
A Abuja, des fidèles qui sortaient de la grande mosquée d'Abuja après la prière du vendredi ont incendié des dizaines de voitures, notamment deux véhicules de police, au marché Wuse situé à proximité, selon des témoins.
"Après la sortie de la grande mosquée, ils sont venus comme des fauteurs de trouble, en chantant 'Allah est grand'. Et ils ont commencé à casser des voitures", a déclaré à l'AFP un commerçant.
Des témoins ont affirmé à l'AFP qu'ils avaient vu des nuages de fumée monter près de la mosquée située à proximité de l'hôtel où sont logées les candidates à l'élection de Miss Monde, prévue le 7 décembre.
La police a réussi à disperser les manifestants en utilisant des gaz lacrymogènes. Plusieurs manifestants ont été arrêtés.
La tension est montée mercredi quand le bureau à Kaduna du quotidien This Day a été incendié par quelques centaines de musulmans qui protestaient contre la parution le 16 novembre d'un article jugé blasphématoire. Son auteur affirmait que le prophète Mahomet aurait pu choisir une des ses épouses parmi les candidates à l'élection de Miss monde.
Le lendemain, une manifestation a dégénéré en attaques contre des églises et des bâtiments appartenant à des chrétiens. Plusieurs lieux de culte ont été incendiés et des policiers et des soldats ont été déployés dans les rues de la ville, qui compte l'une des plus importantes minorités chrétiennes du nord du pays.
Le couvre feu décrété jeudi (bien jeudi) à Kaduna a été prolongé de 24 heures après une nouvelle nuit d'émeutes au cours de laquelle des églises et des mosquées ont été détruites.
"La nuit dernière, il y a eu des représailles contre les musulmans dans le nord de Kaduna", a affirmé le révérend James Wuye, représentant d'un groupe interconfessionnel créé pour rétablir la paix entre les communautés.
"La situation sécuritaire reste extrêmement instable", a déclaré à l'AFP le porte-parole de la Croix-rouge.
"On nous a dit que les troubles s'étendent à d'autres parties de la ville et même hors de Kaduna", a-t-il ajouté.
Des habitants de la ville ont indiqué à l'AFP que les affrontements qui jusqu'à présent avaient eu lieu dans le nord de la ville s'étaient étendus aux quartiers défavorisés du sud.
Beaucoup de morts qui jonchent les rues de Kaduna ont été abattus avant d'être brûlés. Des témoins affirment que la police a abattu des manifestants alors que d'autres victimes ont été tuées lors des affrontements entre chrétiens et musulmans.
"A 5 heures du matin, des jeunes musulmans sont venus chez nous avec des machettes", a raconté à l'AFP Isaac Bigimba, un fonctionnaire chrétien, 32 ans, qui vit dans le district de Kabalan Boki.
"Nous sommes à proximité de la caserne de la police, mais ces garçons nous ont malgré tout attaqués", a-t-il poursuivi.
Plus de 2.000 personnes ont été tuées en 2000 dans des affrontements à Kaduna entre chrétiens et musulmans, qui s'étaient rapidement étendus aux quartiers périphériques.
Les organisateurs de l'élection de Miss Monde ont affirmé vendredi que le concours ne serait pas annulé malgré les affrontements.
L'élection de Miss Monde va se poursuivre selon le programme prévu avec un défilé de mode samedi à Port Harcourt (sud-est du Nigeria), une région très majoritairement chrétienne, a annoncé Stella Din, une porte-parole.
"Nous croyons qu'il est de notre devoir de laisser les autorités répondre aux questions soulevées par ce problème", a déclaré un autre porte-parole lors d'une conférence de presse à Abuja,
"Il est cependant pertinent d'insister sur le fait que la situation présente n'a rien à voir avec l'accueil de cet événement, nous recevons des informations sérieuses émanant des autorités qui le confirment", a-t-il ajouté.