Guerre ou paix et la question des troupes angolaises en Côte d'Ivoire


Côte d'Ivoire: situation tendue dans l'ouest, tentative de médiation à Bouaké

ABIDJAN (AFP), 17 octobre 2002 14h06 - La situation restait tendue jeudi dans la région de Daloa (ouest de la Cote d'Ivoire) où forces gouvernementales et rebelles se font toujours face, alors que la négociation piétine et que plusieurs pays occidentaux ont conseillé à leurs ressortissants de quitter le pays.

Les soldats mutins qui tiennent Vavoua, à une cinquantaine de kilomètres au nord de Daloa, une des capitales du cacao de l'ouest ivoirien, semblaient particulièrement nerveux jeudi matin et fourbissaient leurs armes, en préparation d'une contre-offensive ou dans l'attente de l'arrivée des loyalistes.

Après avoir pris Daloa dimanche, les rebelles ont été contraints de se replier à l'issue de deux jours d'intenses combats à l'arme lourde avec les troupes loyalistes dans la ville. Devant la situation incertaine qui prévaut dans le pays, dont toute la moitié nord est aux mains des mutins, cinq Etats de l'Union européenne - la Grande-Bretagne, la Belgique, les Pays-Bas, le Portugal et l'Espagne - ont conseillé à leurs ressortissants dont la présence n'est pas indispensable de quitter la Côte d'Ivoire.

Dès vendredi, les Etats-Unis avaient pressé leurs quelque 2.800 ressortissants encore présents en Côte d'Ivoire de quitter le pays par crainte que la situation n'échappe à tout contrôle. Et mercredi, en écho à différentes organismes des Nations unies, des experts du département d'Etat américain ont averti que le pays pourrait être prochainement en proie une catastrophe humanitaire.

Les militaires en rébellion depuis le 19 septembre au régime du président Laurent Gbagbo ont affirmé mercredi qu'ils étaient prêts à discuter avec la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'ouest (CEDEAO) de la reprise des négociations pour une cessation des hostilités. Le ministre sénégalais des Affaires étrangères, Cheikh Tidiane Gadio, devait se rendre jeudi à Bouaké (centre), la deuxième ville de Côte d'Ivoire, pour renouer le contact avec les mutins.

Les précédentes rencontres avec M. Gadio, porteur de nouvelles propositions du président sénégalais Abdoulaye Wade, également président en exercice de la CEDEAO, n'avaient pas permis de déboucher sur un accord. Les mutins avaient annoncé lundi qu'ils suspendaient toute négociation tant que des soldats angolais qui, selon eux, combattent aux côtés des troupes du président Gbagbo, se trouveraient sur le territoire ivoirien.

 

"Nous devons nous voir avec la délégation de la CEDEAO et la délégation sénégalaise jeudi", a déclaré l'adjudant Tuho Fozié, un des porte-parole et négociateur des mutins. "Nous devons nous voir pour qu'ils nous présentent les preuves qu'il n'y a pas d'Angolais sur le terrain et que nous présentions les nôtres prouvant leur présence", a-t-il indiqué.

Dans une interview publiée jeudi par le quotidien français Le Figaro, M. Gbagbo a rejeté ces accusations. "Il n'y a pas de soldats angolais ici", affirme le président Gbagbo qui admet avoir "acheté des armes et des munitions (en Angola) au début de cette crise".

"Nous avons payé et c'est maintenant que ces armes arrivent. C'est tout à fait privé, et c'est tout. Je ne vois pas le problème. Là, où il faut acheter pour renforcer nos capacités, on le fait", poursuit le chef de l'Etat.

Interrogé sur les négociations avec les mutins, le président ivoirien a déclaré: "S'ils refusent, on est condamnés à faire la guerre. On nous l'a imposée. Si la médiation échoue, je ne vais quand même pas laisser occuper une partie de mon territoire. Je n'ai pas d'autre choix que de faire la bataille...", ajoute-t-il.

Le chef de l'Etat togolais, le général Gnassingbé Eyadéma, également président du groupe de contact de la CEDEAO chargé de résoudre la crise ivoirienne, a réaffirmé que "la paix doit se négocier en Côte d'Ivoire". "Il n'y a pas d'autres solutions pour mettre fin à une guerre. La paix doit se négocier dans ce grand pays frère. La paix ne se gagne pas par la force", a estimé M. Eyadéma.


Côte d'Ivoire: les forces loyalistes contrôlent Daloa

ABIDJAN (AFP), jeudi 17 octobre 2002, 9h28 - Les troupes loyalistes ont repris mercredi matin le contrôle de Daloa, capitale du cacao de l'ouest ivoirien tombée dimanche aux mains des rebelles, que le chef de la diplomatie sénégalaise compte rencontrer dans la journée pour tenter de relancer les négociations sur un cessez-le-feu.

Cinq pays de l'Union européenne, la Grande-Bretagne, la Belgique, les Pays-Bas, le Portugal et l'Espagne ont conseillé à leurs ressortissants dont la présence n'est pas indispensable de quitter la Côte d'Ivoire, a-t-on appris mercredi soir de source diplomatique à Abidjan.

Le ministre Cheikh Tidiane Gadio avait rencontré à plusieurs reprises à Bouaké (centre) des représentants des militaires en rébellion depuis le 19 septembre contre le régime du président ivoirien Laurent Gbagbo, avant que ceux-ci ne suspendent brutalement toute négociation lundi. M. Gadio, porteur de "propositions" pour un arrêt des hostilités, a manifesté son intention de retourner discuter à Bouaké mercredi, mais le déplacement n'était pas encore confirmé en fin de matinée.

Des éléments de la gendarmerie et de l'armée régulière ivoirienne patrouillaient dans Daloa mercredi, mais la plupart d'entre eux ont pris position aux sorties de la ville, vraisemblablement pour sécuriser le périmètre, a expliqué un habitant. "Les mutins ont été pris par surprise et beaucoup sont tombés en se repliant", a ajouté un témoin qui habite dans le centre ville. Il a affirmé que de très violents combats à l'arme lourde s'étaient déroulés mardi après-midi, faisant de nombreux morts. Les soldats gouvernementaux "nous disent que tout va bien et que les policiers et les gendarmes vont revenir dans l'après-midi" de mercredi.

Des soldats rebelles avaient fait leur entrée dimanche midi dans Daloa, en provenance du nord, sans rencontrer de résistance de la part des troupes loyalistes ou des forces de l'ordre, dont beaucoup avaient fui à leur arrivée.

Plusieurs habitants ont signalé la présence au sein des forces loyalistes à Daloa de combattants "métis" équipés de treillis neufs, l'air extrêmement aguerri et complètement silencieux, relançant les spéculations sur l'arrivée de soldats angolais en Côte d'Ivoire. L'Angola, qui dispose de l'une des armées les plus expérimentées d'Afrique, a fermement démenti mardi soir toute implication dans la crise ivoirienne.

"Je démens avec vigueur toute implication directe ou indirecte", a déclaré à Paris, au cours d'un point de presse impromptu, l'ambassadeur d'Angola en France, Assunçao dos Anjos. "Je tiens à l'affirmer, l'Angola n'a pas de troupes, d'armes, de matériel militaire en Côte d'Ivoire", a-t-il ajouté. Dimanche matin, deux transports de troupes blindés angolais, de fabrication soviétique, ont pourtant été déchargés à l'aéroport militaire d'Abidjan, selon des sources militaires concordantes. Et un Boeing 737 d'environ 120 places de la compagnie aérienne angolaise TAAG, qui ne dessert pas Abidjan, a également été vu à l'aéroport.

Washington a également affirmé mardi n'avoir aucune information sur une éventuelle présence angolaise en soutien au président Laurent Gbagbo. "Nous n'avons vu aucune confirmation de cela", a déclaré le secrétaire d'Etat adjoint chargé des affaires africaines, Walter Kansteiner, lors d'un point de presse. Les militaires en rébellion contre le régime de M. Gbagbo depuis le 19 septembre avaient précisément invoqué lundi la présence "inadmissible" de 500 Angolais aux côtés des troupes loyalistes pour suspendre les négociations sur un éventuel cessez-le-feu.

Le même jour, le président Gbagbo les avait avertis que l'issue à la crise se ferait avant la fin de la semaine, "par la paix ou par la guerre". M. Kansteiner, qui a rencontré M. Gbagbo début octobre à Abidjan, a renouvelé son soutien au président ivoirien, tout en le pressant de faire preuve de "flexibilité". "La Côte d'Ivoire connaît des tensions énormes. On assiste au commencement de ce qui pourrait être une grave guerre civile", a déclaré M. Kansteiner à la presse à son retour aux Etats-Unis. "Nous avons envoyé un signal fort pour dire au gouvernement que la flexibilité devait être le mot d'ordre", a-t-il affirmé.


Le représentant des rebelles ivoiriens écarte l'idée d'un régime militaire

PARIS (AP), jeudi 17 octobre 2002, 9h05 - L'adjudant Tuo Fozié, représentant des rebelles ivoiriens chargé de signer un éventuel cessez-le-feu en leur nom, assure dans un entretien à France Info qu'il n'envisage pas de remplacer le président Laurent Gbagbo par un militaire.

"Nous ne voulons pas faire une ingérence militaire dans cette situation si jamais nous arrivions au bout", affirme-t-il, interrogé dans le fief des mutins à Bouaké (centre).

"Gbagbo a encore le temps de se ressaisir pour nous dire réellement ce qu'il peut faire de la Côte d'Ivoire pour l'amener à la paix. Mais s'il refuse et qu'il devait partir, vous pouvez compter sur moi, nous ne mettrons pas de militaire. Moi, ce n'est pas mon souhait", conclut Tuo Fozié. AP


Le président Laurent Gbagbo dément la présence de soldats angolais (presse)

PARIS, 17 oct (AFP) - 4h18 - Le président ivoirien Laurent Gbagbo a rejeté, dans une interview publiée jeudi dans le quotidien français, Le Figaro, les accusations lancées par les mutins selon lesquelles des soldats angolais se trouvent sur le sol ivoirien.

"Il n'y a pas de soldats angolais ici", affirme le président Gbagbo qui admet avoir "acheté des armes et des munitions (en Angola) au début de cette crise". "Nous avons payé et c'est maintenant que ces armes arrivent. C'est tout à fait privé, et c'est tout. Je ne vois pas le problème. Là, où il faut acheter pour renforcer nos capacités, on le fait", poursuit le chef de l'Etat.

Lundi, l'un des chefs de la rébellion ivoirienne avait justifié l'interruption des négociations en vue d'un cessez-le-feu par la présence "inadmissible" de 500 soldats angolais en Côte d'Ivoire.

L'Angola, qui dispose de l'une des armées les plus aguerries d'Afrique, a fermement démenti mardi soir toute implication dans la crise ivoirienne aux côtés des forces du président Gbagbo.

Interrogé sur sa propension à négocier avec les mutins, le président ivoirien déclare: "Il ne s'agit pas d'être prêts". "S'ils refusent, on est condamnés à faire la guerre. On nous l'a imposée. Si la médiation échoue, je ne vais quand même pas laisser occuper une partie de mon territoire. Je n'ai pas d'autre choix que de faire la bataille...", ajoute-t-il.

A propos de la position de la France qui réclame un cessez-le-feu, le président ivoirien déclare: "La France dit qu'elle soutient la CEDEAO (Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest). J'attends. Ce n'est pas la France qui est agressée, c'est nous. Nos amis nous aident s'ils veulent. Je ne répondrai pas au nom de la France. Je ne suis pas chef d'Etat français."

Enfin, au sujet de l'identité et des projets politiques des mutins, M. Gbagbo estime qu'"en 1940, en France, on a parlé de la +drôle de guerre+. L'expression vaut aussi pour 2002 en Côte d'Ivoire. On imagine bien qu'il y a autre chose que les caporaux ou les sergents qui sont au front. Nous, pour l'instant, on se bat contre ceux qui sont armés. Pour l'instant, notre problème, c'est eux. Ils ont deux caractéristiques. Ce sont des petits soldats. Le plus gradé doit être adjudant, je crois".

Interrogé sur les signes prouvant qu'il s'agit d'une agression extérieure, M. Gbagbo affirme: "L'extérieur est impliqué par le fait que ces déserteurs vivaient dans un pays, s'y entraînaient, recrutaient dans toute la région. C'est cela que nous appelons l'implication."


Les Ivoiriens fuient Daloa, l'armée cherche les rebelles

DALOA, BOUAKE, Côte d'Ivoire (Reuters), 2002-10-17 08:30 - De nombreux habitants de Daloa, effrayés par quatre jours de combats, ont fui cette ville du centre de la Côte d'Ivoire où des soldats gouvernementaux procédaient à une fouille minutieuse des quartiers pauvres à la recherche d'éventuels rebelles.

D'après Diomande Tiekoma, un habitant de Daloa - occupée dimanche par les rebelles puis reprise lundi par les forces gouvernementales et où des fusillades se produisent encore régulièrement -, les gens s'enfuient dans toutes les directions, nul ne sachant comment la situation va tourner.

La police anti-émeute patrouille les rues de la ville située au coeur de la "boucle du cacao", à 450 km au nord-ouest d'Abidjan, et les forces de sécurité recherchent des rebelles maison par maison.

A Genève, le Haut Commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, Sergio Vieira de Mello, a appelé rebelles et soldats loyalistes à laisser les civils en dehors des combats, en rappelant que les violations des droits de l'homme étaient passibles de poursuites judiciaires, a fait savoir son secrétariat dans un communiqué.

Le porte-parole de l'armée, Jules Yao Yao, a appelé ses concitoyens à ne pas transformer cette rébellion en conflit ethnique, comme le craignent de nombreux observateurs.

Or, Daloa a dans le passé déjà été le théâtre de violences ethniques. La ville est en effet située à la limite entre le Sud à majorité chrétienne et animiste, favorable au président Laurent Gbagbo, et le Nord à dominante musulmane, dont est issue la majorité des chefs rebelles. Et elle est, à l'image du pays, divisée entre chrétiens et musulmans.

NOUVELLE TENTATIVE DE MEDIATION A BOUAKE

Les organisations non gouvernementales craignent désormais une catastrophe humanitaire, le soulèvement des rebelles du Mouvement patriotique de Côte d'Ivoire (PCI) le 19 septembre ayant provoqué le déplacement de dizaines de milliers de personnes.

"La situation humanitaire dans le Nord (...) semble se détériorer de jour en jour", a estimé le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR).

On estime ainsi à 200.000 le nombre de personnes ayant fuit la ville de Bouaké, deuxième agglomération du pays, aux mains des rebelles.

Par ailleurs Le ministre sénégalais des Affaires étrangères, Cheikh Tidiane Gadio, doit se rendre dans la journée à Bouaké, tenue par les insurgés, avec le secrétaire exécutif de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cedeao), Mohammed ibn Chambas.

Les rebelles se sont retirés lundi de négociations en accusant le gouvernement du président Laurent Gbagbo d'avoir fait appel à des renforts militaires angolais.

Le chef politique de ces derniers, Guillaume Soro Kigbafori, a cependant assuré à Reuters que son mouvement prévoyait de s'entretenir avec les médiateurs.


L'Angola n'a pas envoyé de blindés à Abidjan (presse gouvernementale)

LUANDA, 16 oct (AFP) - 16h07 - L'Angola "n'a pas envoyé de blindés en Côte d'Ivoire", en proie à un soulèvement armé depuis le 19 sepetmebre, affirme mercredi à Luanda le seul quotidien angolais, le Jornal de Angola (gouvernemental), citant une source à la présidence de la République.

Cette source "a démenti catégoriquement que des blindés angolais soient arrivés dimanche à Abidjan et que l'un d'eux ait eu une panne sur la route vers le centre-ville", affirme le quotidien.

Dimanche matin, deux véhicules blindés angolais de fabrication soviétique avaient été déchargés à l'aéroport militaire d'Abidjan à bord d'un appareil de type Illyouchine, selon des sources militaires à Abidjan.

Un de ces blindés était tombé lundi en panne non loin du Plateau, le quartier administratif et d'affaires du centre de la capitale économique ivoirienne.

Le Jornal de Angola affirme par ailleurs que sa source à la présidence a nié "une fois encore l'engagement présumé des Forces Armées Angolaisesdans la crise interne en Côte d'Ivoire".

Mardi soir, après plusieurs jours de mutisme à Luanda, l'ambassadeur d'Angola à Paris, Assunçao dos Anjos, a démenti "avec vigueur" devant la presse "toute implication directe ou indirecte" de son pays dans la crise ivoirienne.

Un des chefs de la rébellion ivoirienne a justifié l'interruption des négociations en vue d'un cessez-le-feu par la présence "inadmissible" de 500 soldats angolais en Côte d'Ivoire.

Un Boeing 737 d'environ de 120 à 130 places de la TAAG, qui ne déssert pas Abidjan, a par ailleurs été vu à l'aéroport de cette ville.


Washington craint une catastrophe humanitaire en Côte d'Ivoire

WASHINGTON, 16 oct (AFP) - 0h13 - La Côte d'Ivoire pourrait être prochainement en proie à une catastrophe humanitaire, ont averti mercredi des experts du département d'Etat près d'un mois après le début d'une rébellion dans l'ouest du pays.

Cette crise pourrait également déborder dans les pays voisins que sont le Ghana, le Burkina Faso, le Mali et la Guinée, si la crise provoque un exode de réfugiés, avertissent ces experts.

"La situation humanitaire est devenue plus complexe ces derniers jours, et les organismes humanitaires en place ne peuvent plus évaluer ni remédier à la situation dans plusieurs zones", selon ce rapport obtenu par l'AFP.

Certains enfants montrent déjà des signes de malnutrition, et les diplomates et employés humanitaires craignent une épidémie de choléra, selon le rapport.

La situation sanitaire est encore compliquée par le fait que de nombreux employés des services de santé fuient des zones où on a particulièrement besoin d'eux, particulièrement des zones de combat.


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