Gbagbo accepte de partager le pouvoir en Côte
d'Ivoire
PARIS (Reuters), 25 janvier 2003 2003 20:10 - Le président ivoirien Laurent Gbagbo s'est plié samedi à l'accord de paix de Marcoussis en acceptant la nomination d'un gouvernement de "réconciliation nationale" avec à sa tête un Premier ministre de "consensus", Seydou Diarra.
Au terme de la première journée de la Conférence des chefs d'Etat africains, à Paris, Jacques Chirac a exprimé sa "très grande satisfaction" de voir "la paix et la réconciliation revenir en Côte d'Ivoire".
Cet accord sur la formation d'un gouvernement ouvert aux rebelles, conformément au compromis de Marcoussis, n'a pas été obtenu sans mal: deux suspensions de séance et plusieurs heures de tractations, menées par Jacques Chirac et Kofi Annan, secrétaire général de l'Onu, ont été nécessaires pour obtenir l'aval de Laurent Gbagbo.
Les partisans du président ivoirien, évincé de fait du pouvoir par l'accord de Marcoussis, ont dénoncé "un coup d'Etat institutionnel" de la France, qui avait fait savoir dès la mi-journée par des canaux diplomatiques que Seydou Diarra, un "nordiste" musulman, prendrait la tête du gouvernement de réconciliation nationale.
Après des discussions dans l'après-midi sur la composition du futur gouvernement, Laurent Gbagbo a pris acte de cette nouvelle phase politique lors d'une brève déclaration à l'ambassade de Côte d'Ivoire à Paris.
"Je viens à l'instant de signer le décret nommant Premier ministre du gouvernement M. Seydou Diarra", a-t-il dit.
Seydou Diarra, ancien président du Forum de réconciliation nationale en 2001 et Premier ministre en 1999-2000 sous la junte du général Gueï, présentera la liste de son cabinet à Laurent Gbagbo "dans les prochains jours".
En "posant cet acte", Laurent Gbagbo a dit donner à la Côte d'Ivoire "un gouvernement dont les deux objets essentiels sont de sortir le pays de la guerre et de ramener la prospérité".
Le président ivoirien, dont le mandat prend fin théoriquement en octobre 2005, a annoncé qu'il s'adresserait prochainement à la nation ivoirienne.
"LA PORTE OUVERTE AUX AVENTURES"
Aux termes de l'accord de paix, Seydou Diarra disposera des "prérogatives de l'exécutif". Il sera chargé de préparer les prochaines échéances électorales. Il ne sera pas autorisé à se présenter à l'élection présidentielle.
Un millier de manifestants se sont rassemblés devant l'ambassade de Côte d'Ivoire, à Paris, pour clamer leur soutien à Laurent Gbagbo et dénoncer "l'ingérence" de la France.
"Chirac ne peut pas nous imposer le Premier ministre. La Côte d'Ivoire est un pays souverain", déclaraient les manifestants.
Un conseiller ministériel favorable à Laurent Gbagbo a dit à Reuters que "l'entrée des rebelles au gouvernement, c'est la reconnaissance de la lutte armée, c'est la porte ouverte aux aventures dans la sous-région".
Les rebelles représentés à Paris affirment avoir obtenu les portefeuilles de la Défense et de l'Intérieur.
La situation était également tendue à Abidjan où un millier de jeunes pro-Gbagbo ont manifesté dans un stade en brûlant un drapeau français. L'armée et les rebelles n'ont pas fait état de combats samedi.
Le gouvernement sera composé de neuf ministres d'Etat répartis entre les principales forces ivoiriennes "de façon à marquer l'unité nationale retrouvée", a-t-on précisé de source autorisée française.
Deux seront issus du Front populaire ivoirien (FPI, parti de Laurent Gbagbo), deux du Mouvement patriotique (rébellion), deux du Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI, le parti "houphouëtiste" d'Henri Konan Bédié) et deux du Rassemblement des républicains (RDR d'Alassane Ouattara).
Le neuvième ministre d'Etat sera désigné par consensus des autres formations ivoiriennes représentées à la table ronde de Marcoussis.
"En sus, le gouvernement sera composé pour un quart environ de représentants de chacun des grands partis", a-t-on précisé.
Un étape décisive est franchie, mais Jacques Chirac, prudent, a prévenu qu'il restait "encore beaucoup à faire" et que toutes les parties devaient "respecter la règle du jeu".
Le sommet reprend dimanche à 10h00 et s'achèvera par un déjeuner des délégations à l'Elysée. Les délégués débattront de l'aide financière nécessaire à la reconstruction de la Côte d'Ivoire, "poumon économique" de l'Afrique de l'Ouest.