Soupçonnés de cannibalisme, 8 000 miliciens Maï-Maï sont désarmés au Sud Katanga (RDC)
NAIROBI, 13 février 2003, Nations Unies (IRIN)
- Un nombre estimé à 8 000 miliciens Maï-Maï,
soupçonnés d’avoir commis des actes de cannibalisme, ont été désarmés le
week-end dernier dans le district de Haut Lomami, dans la province du Katanga
(au sud de la RDC), a révélé à IRIN, mercredi, le gouverneur de cette province,
Aimé Ngoy Mukena Lusa.
Ces miliciens ont accepté de déposer les armes le 7 février, à la suite de
négociations entre le gouverneur de la province, M. Mukena Lusa, et leurs
dirigeants, réunis pour la circonstance dans le village de Musau, tenu par l’un
des plus influents chefs de faction, le général Lendu, aussi appelé Makabé.
"Quatre factions des principaux groupes Maï-Maï, ayant à leur tête un homme que
l'on surnomme Makabé, ont accepté d'être désarmés. Il ne reste dans le
territoire de Malemba-Nkulu qu'un petit groupe que (le général) Makabé se
charge de convaincre (de rendre également les armes)", a déclaré le gouverneur.
Selon M. Mukena Lusa, chaque groupe ou faction Maï-Maï est constitué de près de
2 000 hommes, d'où un total approximatif de 8 000 miliciens, étant donné que
quatre groupes ont été désarmés. Les quatre factions opéraient dans les
territoires de Kabongo et Bunda, à environ 400 km au nord-ouest de la capitale
provinciale, Lubumbashi.
Toujours selon le gouverneur, ces factions étaient menées par des chefs
spirituels connus sous des pseudonymes tels que "général Makabé", "Kabale", Gédéon" et "Mangi".
Des militants des droits de l'homme ont vivement déploré que les autorités
provinciales aient désarmé ces combattants, soupçonnés d’avoir commis des actes
d'anthropophagie à grande échelle, mais sans intenter de poursuites judiciaires
contre eux.
"Le gouverneur du Katanga a (donné) aux chefs des miliciens et à la population
locale de Musau des motos, vélos, du sel de cuisine et des (vêtements usagés),
mais rien n'a été dit sur une éventuelle enquête judiciaire pour
l'établissement des responsabilités pénales ou une condamnation pour les graves
violations des droits de l'homme et du droit international humanitaire, dont se
sont rendus coupables Makabé, Gédéon, Kabale, Mangi et leurs (partisans
fanatiques)", a affirmé, dans un communiqué publié mercredi, le Centre des
droits de l'homme et du droit humanitaire (CDH), une ONG de défense des droits
de l'homme basée a Lubumbashi.
La même ONG avait dénoncé, en janvier, des actes présumés de cannibalisme
commis par des bandes de miliciens armés. Elle avait fait état de cas "de
miliciens qui paradent dans les villages en arborant les organes génitaux
séchés de leurs victimes". "Ils se promènent avec des têtes au bout de leurs
lances, pour impressionner les villageois soupçonnés de soutenir les Forces
armées congolaises [FAC, l’armée du Gouvernement de Kinshasa]. Dans le
territoire de Malemba-Nkulu, le chef Makabé circule avec un bébé séché autour
du cou", signalait le CDH, dans un communiqué émis le 8 janvier.
Le Centre soutient, en outre, que l’impunité consentie jusqu’à maintenant par
les autorités provinciales risque de rendre possibles de nouveaux cas
d’anthropophagie, ainsi que d’autres violations graves des droits de l'homme,
régulièrement perpétrées dans cette partie de la RDC. Le CDH blâme, à cet
égard, les responsables politiques, policiers et militaires pour ne pas avoir
fait inculper devant les tribunaux les individus qui s’étaient rendus coupables
de meurtres, d’enlèvements, d’amputations et de trafic d’organes humains.
Le gouverneur du Katanga a toutefois rétorqué que ses propres enquêtes
n'avaient pas réussi à prouver que les Maï-Maï avaient commis des actes de
cannibalisme. "C'est faux. Tous les chefs des Maï-Maï ont admis qu'il y a
eu
quelques cas d'exactions, et parfois des prises de corps (humains), mais pas de
cannibalisme", a insisté M. Mukena Lusa.
Ces 8 000 miliciens Maï-Maï n’étaient pas les premiers à se faire désarmer dans
cette zone. En août dernier, sept autres factions Maï-Maï avaient rendu leurs
armes aux autorités de la province, de rappeler le gouverneur.
Même si les milices Maï-Maï sont généralement considérées comme des alliés des
FAC, parce qu’elle sont demeurées hostiles à l’occupation du territoire
congolais par le Rwanda, des factions Maï-Maï ont souvent affronté des éléments
des FAC.
"Il y a souvent des conflits entre des régiments Maï-Maï, qui sont des forces
d'autodéfense populaire, et les FAC. Les Maï-Maï se révoltent contre les
exactions des militaires des FAC à l'endroit de paisibles citoyens, et, de leur
côté, des éléments de l'armée s'emploient souvent a désarmer les Maï-Maï,
qu’ils considèrent comme des civils", d’ajouter M. Mukena Lusa.
Les actes de cannibalisme récemment confirmés et dénoncés par la Mission des
Nations Unies en RDC, la MONUC, ont été perpétrés au nord-est du pays. Des
membres du Mouvement de libération du Congo (MLC) et de son allié, le
Rassemblement congolais pour la démocratie - National (RCD-N), ont été accusés
d'en être les auteurs. À la suite d’une enquête effectuée par le MLC, 27 de ses
combattants ont été arrêtés et doivent être jugés à compter du 18 février.