Côte d'Ivoire: les mutins marchent sur Yamoussoukro

Par Fiacre Vidjingninou

BOUAKE, Côte d'Ivoire (Reuters), samedi 21 septembre 2002, 23h30 - Les soldats mutins se sont emparés d'une armurerie militaire de Bouaké, deuxième ville de Côte d'Ivoire, avant de prendre la direction de Yamoussoukro tandis qu'un convoi des forces loyalistes s'apprêtait à leur barrer la route.

Le ministre de la Défense, Moïse Lida Kouassi, a déclaré à Reuters qu'un contingent mobilisé pour affronter les rebelles qui contrôlent Bouaké ainsi que certaines villes du Nord avait quitté Abidjan ce samedi.

"Nos hommes ont quitté Abidjan pour monter vers Bouaké. Le pays sera libéré avant demain (dimanche) matin", a-t-il affirmé.

Les combats liés au soulèvement de soldats mutins depuis jeudi en Côte d'Ivoire ont fait 270 morts et environ 300 blessés, selon un bilan provisoire, a annoncé la télévision d'Etat samedi soir.

Rentré précipitamment de Rome à l'annonce du coup de force, le président Laurent Gbagbo a, quant à lui, promis de livrer une guerre totale aux mutins.

La crise semble avoir pris une dimension régionale, des responsables ayant révélé que les rebelles recevaient des renforts d'un pays voisin et que les forces de sécurité avaient commencé à brûler dans des quartiers d'Abidjan des maisons d'immigrés du Burkina Faso à la recherche des auteurs présumés du coup d'Etat.

Du côté des insurgés, un porte-parole du mouvement a fait savoir que des mutins avaient quitté Bouaké samedi matin pour prendre la direction de Yamoussoukro, la capitale administrative située à 106 km au Sud, sur l'autoroute menant à Abidjan.

"Nous avons le personnel, le matériel pour accomplir cette mission. Nous sommes convaincus qu'on va arriver à Yamoussoukro ce soir (...)", a-t-il affirmé.

Des témoins ont aperçu des mutins distribuant des armes à des jeunes de Bouaké. Selon des journalistes présents sur place, une armurerie a été pillée et les armes ont été chargées à bord de camions qui ont pris la direction du Sud.

"L'HEURE DE LA BATAILLE A SONNE"

Des combats ont par ailleurs éclaté à Ouangolodougou, localité du Grand nord ivoirien située à 55 km de la frontière avec le Burkina Faso, sur la route menant au bastion rebelle de Korhogo, capitale de la province des Savanes.

Les troubles font craindre un conflit majeur sur le territoire du premier pays producteur mondial de cacao qui compte plus de 16 millions d'habitants. Jusqu'au coup d'Etat de 1999, le pays était un havre de stabilité dans une région meurtrie par les conflits affectant le Liberia et la Sierra Leone.

"L'heure du patriotisme a sonné, l'heure du courage a sonné, l'heure de la bataille a sonné. On nous impose une bataille et nous la mènerons", a déclaré vendredi soir Laurent Gbagbo à la télévision nationale, ajoutant que si quelqu'un se présentait faca à lui armé d'une épée, il sortirait la sienne.

"Ce sont ceux qui sont au pouvoir qui veulent la guerre civile, pas nous", a répondu un commandant insurgé à Bouaké, tombée aux mains des rebelles après les attaques lancées jeudi avant l'aube.

Pour sa part, la télévision nationale RTI a invité la population à donner son sang dans les grandes villes pour venir en aide aux blessés.

Les rebelles affirment faire partie d'un groupe de 775 soldats protestant contre leur démobilisation prévue en décembre.

Le gouvernement les accuse d'essayer de prendre le pouvoir par un coup d'Etat fomenté par l'ancien chef de la junte qui avait pris le pouvoir à Noël 1999, le général Robert Gueï, qui a trouvé la mort lors du soulèvement en cours en compagnie de son épouse.

Le général Gueï, ancien chef d'état-major du président Félix Houphouët-Boigny, avait été chassé du pouvoir en 2000 à la suite d'une élection qu'il avait essayé de truquer.


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