Le Hutu Domitien Ndayizeye nouveau président du Burundi
BUJUMBURA (AFP), mercredi 30 avril 2003, 12h37- L'ancien vice-président burundais, le Hutu Domitien Ndayizeye, a prêté serment mercredi à Bujumbura comme nouveau président du pays, succédant ainsi au Tutsi Pierre Buyoya, en vertu d'un accord de paix d'août 2000 prévoyant la transition au pouvoir entre les deux principales communautés ethniques du pays.
"Je jure de chercher le bien de tous les Burundais, de combattre le génocide et l'exclusion, et de faire respecter les droits de l'Homme", a déclaré le nouveau président lors de sa prestation de serment en Kirundi, la langue nationale. "Je jure de poursuivre la mise en application de l'accord de paix d'Arusha", a-t-il ajouté, évoquant l'accord signé le 28 août 2000 dans cette petite ville du nord de la Tanzanie, prévoyant notamment une période de transition de 3 ans au cours de laquelle la minorité ethnique tutsie doit partager équitablement le pouvoir avec la majorité hutue.
Le major Buyoya, au pouvoir depuis 1996 à la suite d'un coup d'Etat sans effusion de sang, a présidé les 18 premiers mois de la transition, avec M. Ndayizeye comme vice-président. Le nouveau chef de l'Etat prend les rênes de l'Etat pour les 18 derniers mois de ce mandat.
L'accord de paix d'Arusha avait été signé par le gouvernement, alors dominé par les Tutsis et les partis politiques Hutus et Tutsis. Mais les principaux mouvements rebelles hutus avaient refusé de le parapher et ne le reconnaissent pas. L'accord d'Arusha n'a cependant jamais permis de mettre un terme à la guerre civile qui ensanglante le pays depuis une décennie. Depuis 1993, les combats entre l'armée, dominée par les Tutsis, et divers mouvements rebelles hutus, ont fait quelque 300.000 morts, essentiellement des civils, selon les Nations unies.
Aussitôt après le serment de M. Ndayizeye, le major Buyoya a remis les symboles de l'Etat à son successeur, drapeau et constitution notamment, et les deux hommes se sont embrassés sous les applaudissements nourris des personnalités réunies dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale. Immédiatement après, le nouveau vice-président, le Tutsi Alphonse Marie Kadege, a également prêté serment, dans les mêmes termes que M. Ndayizeye.
Dans l'assistance, outre les personnalités et corps constitués burundais, figuraient l'ancien président sud-africain Nelson Mandela, le vice-président sud-africain Jacob Zuma, le vice-Premier ministre belge et ministre des Affaires étrangères Louis Michel, le président intérimaire de la Commission de l'Union africaine (UA), Amara Essy, le Premier ministre rwandais Bernard Makuza, et l'envoyé spécial du président français Jacques Chirac, Bernard Debré, ancien ministre français de la coopération.
Le vice-président du Burundi Domitien Ndayizeye, un Hutu, a succédé mercredi à Bujumbura au chef de l'Etat sortant Pierre Buyoya, un Tutsi, dans un pays déchiré par une guerre civile ayant fait 300.000 morts depuis une décennie. Pedro Ugarte (AFP - mercredi 30 avril 2003, 12h37
L'heure de la relève sonne
pour les Tutsis au Burundi
Par William Maclean
BUJUMBURA (Reuters) - L'heure de la relève politique a sonné pour le Burundi, un pays de 6,5 millions d'habitants de l'Afrique des Grands lacs qui tarde à émerger d'une terrible guerre civile qui a fait quelque 300.000 morts depuis 1993.
Mercredi, le major Pierre Buyoya, membre de la minorité tutsie qui domine traditionnellement la vie politique de cette ancienne possession belge, cédera son fauteuil au vice-président Domitien Ndayizeye, un Hutu, aux termes d'un accord de partage du pouvoir conclu il y a trois ans.
Il sera le premier chef de l'Etat burundais membre de la majorité hutue depuis le renversement par son prédécesseur Buyoya du président Sylvestre Ntibantunganya en 1996.
Ndayieze assumera les fonctions présidentielles pendant la seconde moitié de la période de transition de trois ans vers la démocratie qui a été négociée sous l'égide de l'ex-président sud-africain Nelson Mandela en 2000.
Cet accord de réconciliation nationale a pour objectif non seulement de mettre fin aux violences, mais aussi de consolider un processus de partage du pouvoir entre ethnies rivales, de réformer l'armée nationale et la fonction publique dominées par les Tutsis et d'ouvrir la voie à des élections dans une période de 18 mois.
Le processus de transition avait débuté en novembre 2001 avec la nomination du major Buyoya au poste de président intérimaire pour 18 mois.
A Bujumbura, la capitale nichée dans les collines verdoyantes dominant les rives du lac Tanganyika, l'ambiance est aujourd'hui plutôt feutrée.
Certes, les premiers soldats sud-africains, mozambicains et éthiopiens de la future "Mission africaine" de l'Union africaine chargée de superviser un cessez-le-feu précaire entre l'armée et les rebelles hutus sont arrivés à pied d'oeuvre.
La présence de cette force, qui atteindra les 3.000 hommes quand elle sera au complet dans les semaines à venir, rassure les Burundais, même si ces derniers restent globalement sceptiques.
Ils font ainsi valoir que les combats continuent de faire rage malgré le cessez-le-feu conclu en décembre entre le gouvernement et les Forces pour la défense de la démocratie (FDD), et cela alors que le désaccord persiste sur les modalités de démobilisation et de désarmement des combattants.
LE SPECTRE DE 1993
"Des troupes étrangères ne pourront rien si les Burundais ne veulent pas mettre en oeuvre les accords qu'ils ont signés", explique Floribert Ndikumana, électricien de son état à Kinama, une banlieue hutue de la capitale.
Un autre mouvement rebelle, les Forces pour la libération nationale (FLN, extrémistes hutus), refuse obstinément de signer un quelconque accord avec le gouvernement.
"Tout seul, Ndayizeye sera incapable d'ordonner aux auteurs des violences de mettre un terme à leurs exactions. Pour cela, il aura besoin du renfort de l'ensemble de la communauté internationale", estime Emmanuel Manikariza, qui gagne sa vie comme "taxi-bicyclette" dans ce même faubourg hutu.
Pendant son mandat, Buyoya n'a entrepris que de timides réformes et il appartiendra donc à son successeur hutu de négocier des changements radicaux tout en s'efforcant de consolider la trêve de décembre.
La tâche qui attend le président Ndayizeyze est immense, d'autant plus que nombre de rebelles hutus le traitent de "traître" qui servirait de caution purement décorative au maintien de la suprématie des Tutsis.
Il lui faudra en outre coopérer avec des extrémistes tutsis qui craignent qu'un retour au pouvoir de la majorité hutue ne débouche sur un génocide anti-tutsi comme ce fut le cas au Rwanda voisin au printemps 1994.
Mais pour des diplomates, si le nouveau président fait la preuve qu'il tient réellement les rênes du pouvoir, les insurgés auront beaucoup de mal à persuader la majorité hutue du bien-fondé de la poursuite de leur combat contre un chef de l'Etat hutu.
Pour leur part, bailleurs de fonds occidentaux et pays africains comme l'Afrique du Sud souhaitent ardemment stabiliser la région, toujours très volatile, des Grands lacs et épargner par dessous-tout au Burundi un génocide à la rwandaise.
Les Tutsis, descendants de pasteurs nomades qui forment environ 15% de la population, dominent traditionnellement le pouvoir au Burundi, généralement par le biais de putsches de jeunes officiers tutsis.
Aujourd'hui, la majorité hutue reste traumatisée par le précédent tragique de 1993 lorsque le premier président hutu démocratiquement élu depuis l'indépendance en 1962, Melchior Ndadaye, avait été assassiné par des extrémistes tutsis quatre mois après son arrivée au pouvoir.
Le vice-président sud-africain Jocob Zuma (au centre) est accueilli par le ministre burundais des Affaires étrangères à son arrivée à l'aéroport de Bujumbura. Le major Pierre Buyoya, membre de la minorité tutsie qui domine traditionnellement la vie politique de cette ancienne possession belge, cédera son fauteuil au vice-président Domitien Ndayizeye, un Hutu, aux termes d'un accord de partage du pouvoir conclu il y a trois ans. / Photo prise le 29 avril 2003 / REUTERS/ Antony Njuguna. (Reuters - mardi 29 avril 2003, 22h49)