Alassane Ouattara sort du silence
RFI Actualité, 21 décembre 2002

Réfugié au Gabon depuis le 28 novembre dernier, le président du Rassemblement des républicain, Alassane Ouattara, est sorti de son silence en appelant vendredi soir à la convocation d’élections générales en Côte d’Ivoire. Dans un texte intitulé «Appel de Libreville du président du RDR», lu lors d’une conférence de presse tenue dans la capitale gabonaise et remis quelques heures plus tôt à des journalistes à Dakar où il effectuait un bref séjour, l’opposant a également lancé un «appel à tous les belligérants pour rechercher ensemble une solution définitive à la crise». Sur le terrain, les rebelles du Mouvement populaire du grand Ouest (MPIGO), ont poursuivi vendredi leur avancée en prenant la ville de Bangolo, située à une quarantaine de kilomètres au sud de Man, déjà tombée la veille entre leurs mains.

«Des élections truquées ne sont pas source de stabilité» peut-on lire dans l’appel lancé vendredi soir par le président du RDR. Alassane Ouattara, qui estime en outre que la Constitution ivoirienne a été «manipulée et acquise frauduleusement», a donc appelé à la convocation de nouvelles élections présidentielle et législatives pour sortir la Côte d’Ivoire de la grave crise qu’elle traverse depuis le 19 septembre dernier. «Nous ne pouvons pas accepter des Ivoiriens de différentes catégories, il nous faut une nouvelle constitution», a-t-il par ailleurs souligné. Selon lui en outre «le renouveau de la Côte d’Ivoire, dont l’urgence n’est plus à démontrer, passe par la participation à la vie nationale de toutes les composantes du pays, par l’acceptation des différences et par l’avènement d’un pouvoir véritablement démocratique». En se prononçant ouvertement pour un nouveau scrutin général, le président du principal parti d’opposition ivoirien, s’aligne ainsi sur la principale revendication politique des rebelles du Mouvement patriotique de Côte d’Ivoire (MPCI) qui tiennent le nord du pays et qui ne reconnaissent pas légitimé du président Laurent Gbagbo.

Alassane Ouattara a toutefois souligné «sa détermination et sa disponibilité à participer à toute initiative visant à rétablir la paix et à relancer la reconstruction de la Côte d’Ivoire». C’est dans cette perspective qu’il a souhaité que la rébellion soit associée aux discussions politiques qui doivent prochainement se tenir à Paris. La France a en effet proposé d’organiser une rencontre entre les formations politiques ivoiriennes pour tenter de sortir de la crise dans laquelle s’enfonce le pays depuis trois mois, sans toutefois mentionner une éventuelle présence des rebelles. «Tous les acteurs doivent être associés à ce processus, les grands partis politiques mais aussi ceux qui détiennent des portions du territoires tel le MPCI, le MPIGO et le MJP». Le Mouvement pour la justice et la paix est un des deux mouvements rebelles présents dans l’ouest du pays et qui se réclament du général Robert Gueï, l’ancien chef de la junte militaire, assassiné au début de la crise ivoirienne. Pour Alassane Ouattara, la rencontre de Paris, que la France se dit toujours disposée à accueillir à condition que cette proposition recueille l’assentiment des différents protagonistes du conflit, devrait permettre à tous les acteurs concernés d’étudier «le plan global de sortie de crise» que le président Laurent Gbagbo s’est engagé mercredi, lors du sommet de Dakar, à présenter «dès la semaine prochaine» à la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).


Les rebelles ont pris la ville de Bangolo

Sur le plan diplomatique, le Conseil de sécurité des Nations unies, réuni à huis clos, a apporté vendredi soir son soutien au pouvoir en place à Abidjan. Il a condamné «l’usage de la force pour renverser un gouvernement élu». Dans une déclaration lue par son président en exercice, le Colombien Alfonso Valdivieso, il a en outre souligné que la crise en Côte d’Ivoire, «ne peut être résolue que dans le cadre d’une solution politique négociée», appuyant notamment les efforts déployés par la CEDEAO en vue de promouvoir un «règlement pacifique du conflit». Le Conseil de sécurité a par ailleurs exprimé «sa profonde préoccupation face aux informations faisant état de massacres et de graves violations des droits de l’homme» et a appelé à ce que tous ceux qui s’en sont rendus coupables soient traduits en justice.

Sur le terrain, les rebelles du MPIGO ont poursuivi vendredi leur avancée dans l’ouest du pays en prenant notamment la ville de Bangolo située à une quarantaine de kilomètres au sud de la Man que le mouvement avait déjà repris la veille aux forces gouvernementales. Ils n’auraient, selon des témoignages recueillis par l’AFP, rencontré aucune résistance de la part des forces de sécurité ivoiriennes. En prenant Bangolo, les rebelles progressent de plus en plus en profondeur dans la «boucle du cacao», dont la Côte d’ivoire et le premier producteur mondial. S’ils parvenaient à prendre et à tenir la ville de Duékoué vers laquelle ils se dirigent, ils ne seraient plus qu’à une centaine de kilomètres de Daloa, la capitale du Cacao. Selon un exportateur, la prise de Man et d’autres villes frontalières du Liberia, aurait déjà paralysé environ 10% de la production cacaoyère ivoirienne, soit 4% du cacao mondial.

MOUNIA DAOUDI
RFI, 21 décembre 2002


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