Paris: "soutien logistique" mais recherche d'une solution africaine pour la Côte d'ivoire

PARIS (AFP), samedi 28 sept 02, 17h56 - La France, accusée par la presse ivoirienne proche du pouvoir d'abandonner la Côte d'Ivoire en proie à une insurrection militaire depuis le 19 septembre, a annoncé samedi apporter son "soutien logistique" à Abidjan, mais privilégie une solution africaine pour sortir de la crise.

"Mobilisés pour assurer la sécurité de la communauté française en Côte d'Ivoire, nous apportons par ailleurs un soutien logistique aux autorités ivoiriennes", a déclaré samedi un communiqué du ministère français des Affaires étrangères, sans préciser la nature de l'aide.

De son côté, le Premier ministre ivoirien, Pascal Affi N'Guessan, a annoncé samedi sur Radio France internationale (RFI) que la Côte d'Ivoire avait demandé une aide militaire "logistique" à la France.

Selon lui, "compte tenu de la force de l'armement qui est en face, de la capacité meurtrière des armes qui sont déployées par l'ennemi, il nous faut un minimum de précautions pour ne pas envoyer à l'abattoir les soldats ivoiriens. Et c'est en cela que nous souhaitons un appui logistique pour nous permettre de faire face à l'agression".

De source diplomatique, on indiquait à Paris que l'appui logistique de la France était déjà effectif notamment en moyens de transports.

Devant la gravité de la crise ivoirienne, la préoccupation prioritaire de la France reste la sécurité de ses 20.000 ressortissants qui vivent dans le pays.

"La France a quatre lignes d'action. La première est celle de la sécurité de la communauté française, c'est ce qui a motivé l'envoi des militaires français", a expliqué à l'AFP le porte-parole adjoint du ministère français des Affaires étrangères, Bernard Valero.

"La deuxième est le contact permanent avec Abidjan au plus haut niveau pour encourager la recherche d'une solution pacifique", a-t-il ajouté.

"La troisième ligne consiste à encourager les efforts africains pour résoudre un problème africain, c'est le sens de notre soutien au sommet de la CEDEAO" (Communauté économique des Etats d'Afrique de l'ouest), qui se tiendra dimanche à Accra et sera consacré à la crise en Côte d'Ivoire, a-t-il poursuivi.

Enfin, "dans le cas ou le sommet venait à décider d'une force d'interposition, nous soutiendrons cette décision", a-t-il dit, en estimant que "le sang a trop coulé".

"L'ancienne puissance coloniale affiche sa neutralité dans le conflit et refuse de jouer les médiateurs, même si elle a des contacts des deux côtés", a écrit le quotidien français Le Figaro samedi.

Le quotidien fait remarquer que l'ambassadeur de France à Abidjan, Renaud Vignal, héberge dans sa résidence l'opposant ivoirien Alassane Ouattara mais aussi l'épouse du ministre de la Défense, l'homme fort du régime, et leurs enfants.

Cette position française irrite la presse ivoirienne. Plusieurs journaux, dont la plupart sont proches du pouvoir, ont fait samedi leur Une sur la France qu'ils accusent d'"abandonner la Côte d'Ivoire".

Le plus virulent, le quotidien Le National, a titré: "Complot contre la Côte d'Ivoire: Jacques Chirac abandonne les Ivoiriens".

Dans un article intitulé "la complicité des médias français", Notre Voie, journal du Front Populaire ivoirien (au pouvoir), a accusé la presse française de "manipuler l'information au profit des agresseurs".

Les combats ont fait plus de 270 morts et 300 blessés pour la seule ville d'Abidjan, selon un bilan officiel, et des journalistes de la presse internationale ont dénombré plus d'une centaine de morts à Bouaké (centre).

Samedi, troupes régulières ivoiriennes et insurgés s'affrontaient à une quarantaine de kilomètres au nord de Yamoussoukro, pour le contrôle de la ville de Tiébissou.

Disciplinés et très bien équipés, les soldats qui se sont mutinés depuis le 19 septembre progressent. Ils contrôlent désormais Bouaké, la deuxième ville de Côte d'Ivoire, Korhogo (nord) et Odienne (nord-ouest).


Abidjan demande l'aide de Paris
Par Alistair Thomson

BROBO, Côte d'Ivoire (Reuters), samedi 28 septembre 2002, 16h22 - De nouveaux affrontements entre mutins et loyalistes ont éclaté dans le centre de la Côte d'Ivoire samedi alors que l'opération militaire française d'évacuation des étrangers de Bouaké arrive à son terme.

Des accrochages se sont produits autour de positions loyalistes au nord de la ville de Tiébissou, située à 60 km au sud de Bouaké sur la route vers Yamoussoukro, la capitale administrative, a-t-on confirmé de source militaire française.

Les rebelles ont affirmé avoir repoussé un assaut dans la nuit de vendredi à samedi et ont promis d'avancer vers Yamoussoukro, où les troupes françaises ont acheminé des centaines de ressortissants étrangers évacués de Bouaké depuis jeudi.

Soutenu par la plupart des pays de l'Afrique de l'Ouest, le président ivoirien Laurent Gbagbo a, une nouvelle fois, promis que le gouvernement allait bientôt lancer une offensive contre les mutins, accusés d'avoir déclenché une tentative de coup d'Etat depuis le 19 septembre.

La Côte d'Ivoire a demandé samedi le soutien logistique de la France pour permettre à ses troupes d'en finir avec les rebelles.

A Paris, le Quai d'Orsay a indiqué que la France apportait "un soutien logistique aux autorités ivoiriennes". Jusqu'à présent, les autorités françaises estimaient qu'il n'existait aucune preuve d'implication étrangère dans cette tentative présumée de coup d'Etat et qu'elles n'étaient donc pas tenues de venir militairement en aide à leur ancienne colonie aux termes d'un accord de défense liant Paris et Yamoussoukro.

Mais ce soutien logistique apporté par la France ne constitue pas une activation de cet accord, a-t-on précisé de source diplomatique française.

 

LA CRAINTE SE PROPAGE DANS L'OUEST

Le ministère français des Affaires étrangères a réitéré "le soutien de la France à tous les efforts africains visant à une solution pacifique" ainsi qu'à "l'idée avancée au sein de la Cedeao de mise en place d'une force d'interposition africaine".

Le chef de l'Etat sénégalais Abdoulaye Wade, dont le pays préside la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest, souhaite que lors de leur sommet extraordinaire d'Accra, dimanche, les 15 membres de la Cedeao mettent sur pied une force militaire ouest-africaine de 3.000 à 4.000 hommes, qui serait capable d'intervenir dès la semaine prochaine en Côte d'Ivoire.

L'Union africaine, qui a succédé à l'OUA, a également apporté son soutien au gouvernement ivoirien.

Les rebelles semblent toutefois accroître leur emprise sur le pays.

Des habitants d'Odienné, dans le nord-ouest de la Côte d'Ivoire limitrophe de la Guinée, ont indiqué vendredi que les rebelles étaient arrivés dans leur ville.

La crainte s'est ensuite rapidement propagée le long de la route vers Man, centre important de culture du café situé à 275 km au sud d'Odienné.

Les autorités ont conseillé aux habitants de fermer leurs magasins et de rester à leur domicile au cours de l'après-midi, a indiqué un négociant en café de Man, les autorités craignant que cette ville ne tombe dans les mains des rebelles après Odienne.

 

MANIFESTATION AU BURKINA FASO

Vendredi soir, de nombreux soldats français envoyés pour établir un couloir de sécurité afin d'évacuer les ressortissants étrangers de Bouaké se sont retirés dans un camp de Brobo, à une vingtaine de km à l'est de la deuxième ville de Côte d'Ivoire.

Les Ivoiriens qui souhaitaient également fuir Bouaké ont reçu l'ordre de rebrousser chemin de la part des rebelles, qui affirment vouloir les protéger d'une éventuelle offensive gouvernementale.

Parmi les personnes qui ont réussi à sortir du piège de Bouaké figurent toutefois les ministres ivoirien des Sports, François Amichia, et de la Jeunesse, Lazare Koffi Koffi. Les deux hommes ont affirmé avoir été brièvement détenus, puis relâchés.

A Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso accusé par la Côte d'Ivoire de soutenir les rebelles, la police a dispersé samedi des centaines de manifestants qui s'étaient massés devant l'ambassade de Côte d'Ivoire.

Les manifestants exigeaient que l'ambassade abaisse son drapeau ivoirien après les attaques dont ont été victimes les consulats burkinabés d'Abidjan et de Bouaké.

"Gbagbo assassin" pouvait-on lire notamment sur les pancartes brandies par les manifestants.

Le Burkina Faso dément toute implication dans les troubles qui secouent son voisin ivoirien.


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