Washington, la France, la Chine et l'Afrique, en attendant le 17 mars 2003 à l'ONU dans l'affaire IRAK
Washington et
Londres jouent leur va-tout sur l'Irak à l'Onu
par Irwin Arieff
NATIONS UNIES (Reuters), 14 mars 2003 08:33 - Les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ont bataillé âprement mardi à l'Onu pour surmonter l'opposition à leur projet de résolution justifiant un recours à la force contre l'Irak.
Le secrétaire américain à la Défense Donald Rumsfeld n'a pas exclu que les Etats-Unis envahissent seuls l'Irak, sans l'appui des forces britanniques, mais il a indiqué qu'une telle décision devrait être prise par le président George W. Bush en personne.
Le vote à l'Onu aura lieu cette semaine, a promis la Maison blanche, tandis que Londres n'exclut pas de repousser la date d'un ultimatum, mais pas au-delà du mois de mars.
Jeremy Greenstock, ambassadeur de Grande-Bretagne auprès de l'Onu, a dit que son pays était prêt à repousser de plusieurs jours la date du 17 mars comme ultimatum à Bagdad en vue de son désarmement, qui constitue le coeur de la proposition de résolution que Washington, Londres et Madrid souhaitent soumettre au Conseil.
"Nous avons fixé la date exemplaire du 17 mars pour souligner au Conseil de sécurité que le temps presse", a-t-il déclaré lors d'un entretien à la chaîne de télévision CNN. Mais, a-t-il ajouté, "le Royaume Uni est en négociation et il est prêt à examiner ensemble les dates et les tests".
Londres a proposé d'amender le projet de résolution en fixant à l'Irak une série de tâches à accomplir d'ici une date limite pour faire preuve de sa coopération. Au-delà de ce délai, l'imposante force de frappe anglo-américaine massée dans le Golfe pourrait intervenir en Irak.
"Le vote aura lieu cette semaine", a déclaré Ari Fleischer, porte-parole de la Maison blanche.
PAS "AU-DELA DE MARS"
Pour être adoptée, une résolution doit être votée par neuf des quinze pays du Conseil de sécurité, sans qu'aucun de ses membres permanents n'y oppose son veto.
Or lors des dernières 24 heures, Paris et Moscou ont réaffirmé qu'ils ne voyaient pas l'utilité d'un nouveau texte et menacé de bloquer son adoption avec leur droit de veto.
La Chine a réaffirmé mardi qu'elle ne voyait pas l'utilité d'une nouvelle résolution, sans se prononcer directement sur la nature de son vote.
Confronté à une opinion publique méfiante vis-à-vis de sa politique irakienne et à une fronde au sein même de son Parti travailliste, le Premier ministre britannique Tony Blair a averti mardi matin que l'utilisation du veto risquait de mettre en péril les relations transatlantiques et de donner à Saddam Hussein l'impression qu'il est "tiré d'affaires".
Washington affirme de son côté ne pas avoir besoin du feu vert de l'Onu pour attaquer l'Irak, désarmer ce pays et assurer un changement de régime à Bagdad.
Malgré tout, Washington cherche à obtenir les neuf voix nécessaires au Conseil pour mettre Paris et Moscou dans la position délicate d'avoir à bloquer un processus majoritaire avec ce pouvoir controversé que constitue le veto.
Mardi, les six membres "indécis" du Conseil - Angola, Cameroun, Chili, Guinée, Mexique et Pakistan - ont proposé de donner 45 jours à l'Irak pour remplir ses engagements en matière de désarmement, a annoncé Martin Belinga-Eboutou, ambassadeur du Cameroun auprès de l'Onu. Mais Greenstock a déclaré un peu plus tôt sur CNN qu'il ne fallait pas envisager de repousser la date-butoir "au-delà de mars".
Le Canada, qui n'est pas membre du Conseil mais qui a beaucoup oeuvré auprès des "indécis", a proposé de donner à l'Irak trois semaines pour se conformer aux exigences de l'Onu sur son désarmement sous peine de subir une guerre.
REEXAMEN TURC DES DEMANDES AMERICAINES
Les autorités irakiennes ont procédé mardi à la destruction de nouveaux missiles Al Samoud II interdits par l'Onu pour leur trop grande portée. Bagdad affirme ne dissimuler aucune arme de destruction massive prohibée.
Mais la récente découverte d'un drone en Irak a donné de nouveaux arguments aux partisans de l'intervention armée. Les inspecteurs ont fait savoir qu'ils devaient vérifier ses caractéristiques avant de pouvoir conclure à une éventuelle nouvelle infraction des résolutions de l'Onu.
"Il y a encore un certain nombre de questions en suspens et l'Irak doit remettre documents, preuves et autres explications supplémentaires pour y répondre", a par ailleurs déclaré mardi Hiro Ueki, représentant de l'Unmovic (Commission de contrôle, de vérification et d'inspection de l'Onu), à propos des gaz neurotoxiques VX et des germes de bacille du charbon que Bagdad est soupçonné de posséder.
Washington et Londres disposent actuellement de plus de 250.000 hommes dans le Golfe, prêts à intervenir. Signe selon certains de l'imminence d'une intervention, les hommes du génie américains ont reconstitué la frontière irakienne dans le désert du nord du Koweït pour entraîner les soldats.
Des ouvriers koweïtiens ont entrepris de démolir des murs de terre érigés non loin de la frontière entre l'émirat et l'Irak, a fait savoir l'armée américaine, qui a de son côté largué une bombe de près de dix tonnes sur une zone d'essai en Floride. Cet engin, surnommé "la mère de toutes les bombes", a une puissance 40% supérieure à la plus puissante bombe américaine non nucléaire en service à l'heure actuelle, la "Daisy Cutter."
Selon des sources de l'industrie maritime, l'armée va faire acheminer près de 500.000 barils de kérosène sur la base de Diego Garcia, dans l'océan Indien, où l'US Air Force a déployé des bombardiers.
Les préparatifs de guerre anglo-américain avaient été contrariés le 1er mars par le refus du parlement turc d'approuver un déploiement américain en Turquie pour créer un second front au nord de l'Irak. A Ankara, on affirme que la première tâche de Tayyip Erdogan, qui a été appelé mardi à former un nouveau gouvernement turc, lorsqu'il sera au pouvoir, sera de réexaminer la requête américaine, fortement soutenue par la puissante armée turque.
Des voyageurs arrivant en territoire kurde depuis le nord de l'Irak ont fait savoir que Bagdad préparait également la guerre et aurait commencé à miner ses champs de pétrole de Kirkouk, dans le nord du pays. Cette information n'a pu être confirmée de source indépendante.
La nervosité a perduré sur les marchés. Le dollar a touché un nouveau plus bas de quatre ans contre l'euro. A Tokyo, l'indice Nikkei a clôturé sous la barre des 8.000 points, pour la première fois depuis 1983. De son côté l'Opep a dit avoir la capacité d'empêcher des pénuries de pétrole en cas de guerre qui entraîneraient une hausse des prix du brut.
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