La tournée africaine de George W. Bush: étape Sénégal, mardi 08 juillet 2003
George W. Bush condamne l'esclavage mais ne demande pas pardon
Par Patricia Wilson
ILE DE GOREE, Sénégal (Reuters), mardi 8 juillet 2003, 17h29 - Depuis les rivages du Sénégal d'où partaient les esclaves pour les Amériques, le président américain George W. Bush a qualifié l'esclavage "d'un des plus grand crimes de l'histoire".Bush a choisi l'île de Gorée, au large du Sénégal, pour son premier discours depuis son arrivée en Afrique. C'est là qu'a transité une grande partie des 20 millions d'Africains réduits en esclavage.
"En ce lieu, la liberté et la vie étaient volées et vendues", a-t-il déclaré. "Une des plus grandes migrations de l'histoire a aussi été un de ses plus grands crimes."
Le président américain, tout en reconnaissant que l'esclavage avait corrompu la société américaine et laissé des traces qui doivent encore aujourd'hui être combattues, n'a pas formulé d'excuse explicite, comme certains Afro-Américains et d'autres l'avaient souhaité.
"L'intolérance raciale laissée par l'esclavage n'a pas disparu avec l'abolition de l'esclavage ou de la ségrégation. Et de nombreux problèmes qui touchent encore l'Amérique ont leurs racines dans l'expérience amère d'un autre temps."
Il a rejeté l'idée qu'on puisse excuser le recours à l'esclavage au nom de valeurs différentes à l'époque.
"Certains ont dit que nous ne devrions pas juger ces erreurs à l'aune des valeurs actuelles, mais de tout temps, des hommes et des femmes ont clairement vu ce péché (l'esclavage) et l'ont appelé par son nom."
"Une république fondée sur l'égalité pour tous est devenue une prison pour des millions", a-t-il ajouté.
Depuis l'élection présidentielle aux Etats-Unis en 2000, où les Noirs américains avaient massivement voté contre lui, Bush s'efforce de s'attirer les faveurs de cet électorat.
La tournée africaine de Bush débute au Sénégal
Le président américain est arrivé tard mardi soir à la base de Waterkloof, près de Pretoria, en provenance du Sénégal, pour la deuxième étape d'une tournée africaine de cinq pays qui doit aussi le conduire au Botswana, en Ouganda et au Nigeria.
M. Bush, soumis à de fortes demandes africaines d'intervention au Liberia, n'a toutefois pas précisé si Washington allait envoyer des troupes dans ce pays d'Afrique de l'Ouest en proie à une guerre civile. Au moment où le président entamait sa tournée, des experts militaires américains qui voulaient procéder à une évaluation humanitaire et sécuritaire dans un camp de réfugiés au Liberia, ont été forcés de rebrousser chemin par des forces loyales au président libérien Charles Taylor.
Cette équipe de 32 experts, arrivée lundi à Monrovia, est chargée officiellement d'évaluer la situation humanitaire, mais probablement aussi d'examiner la faisabilité d'une intervention militaire. "Nous avons eu une bonne discussion sur le Liberia", a déclaré à la presse à Dakar le président américain à l'issue d'un sommet avec huit chefs d'Etat d'Afrique de l'Ouest, dont le ghanéen John Kufuor, qui assure la présidence en exercice de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO, 15 pays membres).
"Je lui ai dit que nous participerions aux côtés de la CEDEAO" aux efforts pour rétablir la paix au Liberia, a poursuivi M. Bush, ajoutant: "nous sommes maintenant en train d'établir le degré de notre participation". La CEDEAO presse les Etats-Unis de prendre la tête d'une force d'interposition au Liberia.
George W. Bush a également réitéré son voeu de voir le président Taylor quitter le pouvoir. "Les Etats-Unis travailleront avec la CEDEAO. Nous sommes en train de déterminer ce qui est nécessaire", a-t-il insisté.
La CEDEAO a annoncé vendredi qu'elle approuvait l'envoi de 3.000 hommes pour participer à une "force d'interposition" au Liberia.
Selon les médias américains, M. Bush envisage l'envoi de 500 à 2.000 soldats américains au Liberia. Arrivé tôt mardi à Dakar pour une tournée qui doit le conduire dans cinq pays africains jusqu'au 12 juillet, M. Bush, accompagné de son épouse Laura, a été accueilli par son homologue sénégalais, Abdoulaye Wade, à qui il dit vouer de "l'admiration". Ce périple africain est officiellement axé sur la lutte contre le sida, les efforts de développement et la lutte anti-terroriste.
L'étape sénégalaise, entourée d'impressionnantes mesures de sécurité qui ont suscité l'irritation de nombreux Dakarois, a cependant été pour M. Bush l'occasion d'un déplacement à forte portée symbolique, sur l'île de Gorée, face à Dakar, qui fut l'un des plus sinistres centre de traite d'esclaves déportés vers les Amériques.
"Une République fondée sur l'égalité de tous était devenue une prison pour des millions" d'Africains déportés, a déclaré M. Bush parlant des Etats-Unis, ajoutant, dans un discours destiné à la fois aux Africains et à l'électorat noir américain: "les Hommes vendus comme esclaves ont aidé à construire une Amérique libre".
Comme son prédécesseur Bill Clinton, qui avait visité Gorée en 1998, le président n'a toutefois pas présenté d'excuses pour le rôle des Etats-Unis dans cette période sombre de l'Histoire. Après son discours, George W. Bush a quitté le Sénégal pour l'Afrique du Sud. Sa tournée le mènera ensuite au Botswana, en Ouganda et au Nigeria.
Actualité internationale et africaine 6 (La tournée africaine de George W. Bush du 08-12 juillet 2003)