NIAMEY (AP), mardi 24 février 2004, 18h50 - Auparavant, le chef de l'Etat nigérien Mamadou Tandja ainsi que plusieurs personnalités de haut rang, nigériennes et étrangères, avaient assisté à la levée du corps à la morgue de Niamey.
"Avec lui, le Niger et la France perdent un ami. Il était un homme de talents multiples, de courage, de combat et de projets", a déclaré dans son hommage Valérie Terranova, chargée de mission à la présidence française. La contribution de Jean Rouch au cinéma et à l'ethnologie lui a valu "d'être considéré comme le fondateur du cinéma-vérité", a-t-elle affirmé.
Dans son oraison funèbre, le ministre d'Etat nigérien, chargé des sports, de la culture et des cinquièmes jeux de la Francophonie, Abdou Labo, a déclaré: "Pour l'ensemble de la nation nigérienne, tu resteras un de ses illustres et dignes fils, car Nigérien, tu l'as toujours été, toute ta vie durant".
"Anthropologue, ethnologue, cinéaste, photographe (...), il est très difficile de te classer, car très accomplie a été ta vie", a-t-il ajouté.
Jean Rouch a trouvé la mort dans la nuit du 18 au 19 février dans un accident près de Birni N'Konni, 550km à l'est de Niamey.
Son décès est survenu alors qu'il était de retour à Niamey, entouré de sa femme et de ses amis, pour présenter son dernier film et assister à la rétrospective du cinéma nigérien.
Jean Rouch, né le 31 mai 1917, était arrivé dans les années 40 en Afrique subsaharienne. Il considérait le Niger, où il a passé de longues années, comme sa seconde patrie. Il a tourné plus de 140 films, la plupart consacrés à l'Afrique. AP
L'ethnologue Jean Rouch inhumé à Niamey au son du "gogué"
NIAMEY (AFP),
mardi 24 février 2004, 13h25 - L'ethnologue et cinéaste français Jean Rouch, décédé le 18 février au Niger dans un accident de la route, a été inhumé mardi matin au cimetière chrétien de Niamey au son du "gogué", le violon magique de la tradition nigérienne qu'il affectionnait et qui l'a accompagné dans ses films.Le cimetière, vieux de plus d'un demi-siècle, peinait à contenir la foule silencieuse, amis et anonymes venus dire adieu à l'ethnologue amoureux du Sahel et de leur pays depuis les années 40. "Jamais le cimetière n'a connu un tel monde", assure un habitant du quartier Terminus, qui jouxte le cimetière.
La cérémonie funéraire avait commencé dès 9h00 (heure locale, 8h00 GMT) avec la levée du corps à la morgue de l'hôpital de Niamey, au cours de laquelle le chef de l'Etat Mamadou Tandja a élevé le défunt au grade de Grand officier de l'Ordre national du Mérite. Mais à trois kilomètres de là, en lieu et place du clairon de la garde républicaine, c'est le son envoûtant du "Gogué", violon traditionnel aux pouvoirs réputés magiques et exclusivement utilisé lors des cérémonies d'évocation des esprits et de transe, abondamment filmées par Jean Rouch, qui a plané sur la cérémonie d'inhumation.
Hamidou Yayé, un vieux compagnon de Jean Rouch, a choisi de jouer un air qui figure de la bande sonore du dernier film du cinéaste, "Le rêve est plus fort que la mort". "Rouch aimait le gogué et nous l'avons surnommé le Zima-blanc ("féticheur-blanc" en langue djerma, une des principales ethnies du Niger), a expliqué Hamidou.
L'ambassadeur de France à Niamey, Denis Vène et de nombreuses personnalités nigériennes et cinéastes africains étaient présents aux côtés de la veuve de Jean Rouch, Jocelyne Lamothe, qui se trouvait avec son mari lors de l'accident mortel mais n'a pas été grièvement blessée. Vêtue de noir et soutenue par un proche, Jocelyne Lamothe voulait prononcer quelques mots à la mémoire du défunt mais l'émotion l'en a empêché. "Elle a la gorge serrée", a expliqué Bernad Souriguef, ancien élève de Rouch qui travaille à l'Institut de recherche et du développement (IRD) à Niamey.
Rouch a été enterré au flanc sud du cimetière, aux côtés de Paul Kaziendé, ancien ministre et homme de culture nigérien. Dans son oraison funèbre, le ministre de la Culture Abdou Labo a rendu hommage au "fondateur du cinéma nigérien", dont les "oeuvres seront gravées en lettres d'or" dans le patrimoine culturel du pays. "On t'aurait donné un prénom local, personne ne s'en offusquerait (...) Nigérien tu l'as été toute la vie, Nigérien tu resteras pour l'éternité."
Jean Rouch, 86 ans, a trouvé la mort près de Birnin N'Konni (centre-sud du Niger) lorsque la voiture qui l'amenait de Niamey à Tahoua a percuté un poids lourd en stationnement. Il séjournait au Niger dans le cadre d'une "rétrospective du cinéma nigérien", organisée par le Centre culturel franco-nigérien (CCFN). Né en mai 1917, disciple de Marcel Griaule (1898-1958 - pionnier de l'ethnologie en Afrique et spécialiste des Dogons du Mali), Jean Rouch a cherché à mettre l'outil cinématographique au service des études ethnologiques.
A partir de 1941, il voyage au Sénégal, au Niger, au Mali et au Ghana pour des missions d'étude en tant qu'ingénieur. Caméra à la main, il filme en amateur - définition qu'il a toujours revendiquée - les rites et les rituels de ces Africains qu'il côtoie quotidiennement. Après une série de courts-métrages, il tourne en 1954 "Les Maîtres fous", un documentaire montrant les rites de possession d'une secte, primé à Venise en 1957 et suivi de nombreux autres repo
rtages. Au total, en cinquante ans de carrière, il a tourné quelque 120 films, dont certains sont devenus des classiques de l'"anthropologie visuelle". Directeur de la Cinémathèque française de 1987 à 1991, il était également un spécialiste des Songhaïs, une ethnie peuplant le Niger, le Mali et le Nord du Bénin.L'ethnologue cinéaste Jean Rouch tué dans un accident de la route au Niger (19 février 2004)
Page spéciale de sangonet (hommage à Jean Rouch)