Les réfugiés du RDC erre à Bangui

La guerre du Congo Kinshasa s'étend inexorablement vers les pays frontaliers, notamment celle de la République Centrafricaine : terre d'accueil pour des réfugiés, Rwandais, Burundais, Tchadiens et surtout des populations du dit Congo démocratique qui affluent sur les deux rives de l'Oubangui. L'embrasement est toujours évité au-delà de cette limite mais la crainte est évidente; pourvu que le bons sens puisse l'emporter.

L'ex-colonel des FAC, menacé de mort à Bangui, veut retrouver son honneur

"Ma vie est menacée": A 57 ans, le colonel d'état-major des Forces armées congolaises (FAC) "X", père de six enfants, en est réduit à mendier pour nourrir sa famille dans la capitale centrafricaine.

Déchu fin juillet 1999 de l'armée de Laurent-Désiré Kabila pour d'obscures raisons, il a trouvé refuge à Bangui où il attend que son honneur soit enfin lavé.

"Je sais qu'un jour ou l'autre, les services de renseignement congolais finiront par me retrouver et me liquider, parce que je suis pour eux le témoin privilégié de l'incompétence de l'armée katangaise de Kabila", explique-t-il à un journaliste de l'AFP.

Officier pendant 30 ans, des Forces armées zaïroises (FAZ), rallié aux FAC après la chute du maréchal Mobutu, le colonel "X", préfère garder l'anonymat pour des raison de sécurité.

Comme 16 autres de ses compagnons d'armes, soldats oubliés d'une guerre sans fin, il s'est retrouvé malgré lui poussé par les événements en territoire centrafricain sans savoir maintenant où aller.

"Je ne peux ni rentrer à Kinshasa, où ma tête a été mise à prix par le régime, ni rester ici, sans aucune garantie de sécurité, ni même rejoindre la rébellion congolaise parce que je suis avant tout un loyaliste et que j'aurais l'impression de trahir mon pays", affirme cet homme "désespéré".

Assis à ses côtés, à la tombée de la nuit, dans un endroit "neutre" de la capitale centrafricaine - toujours par peur d'être arrêté -, le commandant "Y", 32 ans, a connu lui aussi les "incohérences" et "errements" de l'armée de Kinshasa. Il acquiesce en silence.

Les deux hommes partagent le fardeau de l'exil, "mais surtout de l'oubli et de la trahison"; "même les animaux vivent mieux que nous", disent-ils.

Le colonel, revêtu d'habits civils élimés, raconte qu'il ne comprend toujours pas ce qui lui est arrivé en juillet 1999 sur le front de Gemena (Equateur); à la tête de son unité, il combattait alors dans cette région les hommes du Mouvement de libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba.

"Je me battais depuis plusieurs mois contre les rebelles, quand un ordre de Kinshasa me relève de mes fonctions pour me remplacer par un Katangais; à partir de ce moment là, j'ai compris que j'avais été sacrifié sur de simples raisons ethniques", raconte-t-il.

Pour le colonel "X", c'est "le début de la fin". Son remplaçant, peu habitué aux combats dans cette région hostile fuit devant l'ennemi; lui-même est obligé de franchir le fleuve Oubangui pour la RCA où il entame une longue errance avant de se retrouver "acculé et sans ressources" à Bangui.

L'histoire du commandant "Y" est sensiblement la même: "en juillet 99, nous étions acculés par les troupes de Bemba dans la région de Gbadolite; j'ai demandé à Kinshasa du renfort en armes et en munitions, mais tout ce que nous avons reçu c'était une cargaison de savonnettes et de denrées alimentaires pour le commerce d'un ami Libanais du chef d'état-major".

"Nous avons donc fui. Une fois arrivé à Bangui, on m'a dit que si je repartais à Kinshasa on allait m'égorger. J'ai été plusieurs fois menacé par la sécurité congolaise et les hommes de Bemba, mais grâce au HCR et à la MINURCA, j'ai pu m'en sortir jusqu'à présent", dit-il.

Les deux hommes, comme leurs 15 autres frères d'armes, affirment que "si nous sommes ici, ce n'est pas de notre volonté. Nous étions marginalisés dans l'armée de Kabila et nous nous retrouvons maintenant en danger de mort".

Lançant un appel à la communauté internationale pour qu'on leur vienne en aide, ils demandent au président Kabila de "ne pas donner qu'à ses seuls frères katangais qui ne connaissent rien de la guerre".

"Notre souhait le plus cher, concluent les deux hommes, c'est que tous les Congolais puissent enfin s'entendre. Alors nous pourrons rentrer la tête haute à Kinshasa, une fois que notre honneur aura été publiquement et définitivement lavé".

(AFP, Bangui, jeudi 19 octobre 2000 - 11h46)


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