ABIDJAN, dimanche 26 décembre, 0h13 (AP) -- Le général Robert Gueï, auteur du coup d'Etat en Côte d'Ivoire, a entrepris de consolider son pouvoir samedi alors que le président déchu Henri
Konan Bédié se préparait, semble-t-il, à quitter le pays pendant que l'armée française acheminait des renforts.
M. Konan Bédié s'est placé sous la protection des militaires français et Paris a annoncé le renforcement de son dispositif militaire pour assurer la protection de ses ressortissants
Le général Gueï a créé un Comité national de salut public composé de neuf hauts chefs militaires, une instance chargée de diriger la période de transition et dont il s'est autoproclamé président.
Pour assurer la continuité, il a décidé que les administrateurs des régions et les fonctionnaires ministériels demeureraient à leur poste.
Le chef de la diplomatie, Amara Essy, conserve son portefeuille. ``L'homme change mais la nation reste'', a déclaré le nouvel homme fort en citant le père de la Côte d'Ivoire, l'ancien président Félix Houphouët-Boigny, dans un discours de Noël diffusé à la radio et à la télévision.
Le général Gueï a aussi annoncé l'arrestation de Laurent Dona Fologo, secrétaire général du Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI), la formation de M. Bédié, et du ministre du commerce, Guy-Alain Gauze. Ils sont détenus dans des casernes ``pour leur propre sécurité'', selon lui.
Samedi soir, pour la deuxième nuit consécutive, le couvre-feu était en vigueur dès 18h00 et les militaires avaient l'ordre de tirer sur toute personne qui le violerait.
En dépit de la tension et des pillages, qui ont suivi le coup d'Etat vendredi, de nombreux Ivoiriens semblent favorables aux putschistes dans ce pays qui n'avait jamais connu de coup d'Etat depuis l'indépendance en 1960. Beaucoup espèrent entre autres choses que la situation économique va s'améliorer. Samedi,
les gens se rassemblaient autour de postes de radio dans la rue pour écouter les communiqués militaires et certains sautaient même de joie en criant ``plus de Bédié''.
A l'étranger, on demeure cependant plus circonspect, voire hostile à ce changement par la force. La France, les Etats-Unis et plusieurs pays africains ont demandé un retour à un gouvernement civil.
L'armée française a annoncé qu'elle positionnait ``par hélicoptère une quarantaine d'hommes en provenance de Libreville (Gabon) sur Port-Boué'' près de l'aéroport d'Abidjan et qu'un contingent d'''environ 300 hommes arriverait à Dakar par voie aérienne en fin de soirée'' samedi pour servir de renforts si nécessaire.
Quant au président Henri Konan Bédié, il ``se trouve à sa demande'' sous la protection des soldats français, ``dans le camp du 43e BIMA (Bataillon d'infanterie marine)'' à Port-Boué, a annoncé samedi un porte-parole du ministère français des Affaires étrangères.
Pour le général Gueï, le président déchu cherche à ``fuir vers la France''. Le chef putschiste a prévenu samedi qu'il empêcherait le
départ du président si celui-ci
``continuait d'appeler à la résistance armée'' face à la junte. Un peu
plus tard, un responsable militaire, Maurice Bouho, a fait savoir que la junte comptait empêcher Henri Konan Bédié de fuir dans un avion présidentiel ivoirien mais qu'elle ne s'opposait en revanche pas à ce qu'il quitte le territoire dans un avion privé.
Après plusieurs semaines de tension politique entre le pouvoir et une opposition que le président Bédié tentait de museler à un an de l'élection présidentielle, les événements actuels ont débuté jeudi par une mutinerie d'une partie de l'armée furieuse de conditions de vie lamentables. A la surprise générale, l'épreuve de force a viré au coup d'Etat. Celui-ci semble avoir réussi.