Comment la France voulait entraver le retour à la démocratie .
La communauté internationale circonspecte . "Nettoyer la maison"

 

Comment la France voulait entraver le retour à la démocratie
L'attitude de la France face aux mouvements enclenchés par les insurgés depuis le jeudi 23 décembre dernier a fait courir bien des dangers à la République. Tout laisse penser que les Français ont cultivé un malin dessein à entraver la restauration de l'Etat et le retour à la démocratie en Côte d'Ivoire.
Dès que la mutinerie a tourné au coup de force dans la matinée du vendredi la France s'est engagée dans une sordide négociation avec les militaires pour sauver la tête de Bédié.
Malgré un accord de principe entre le Général Robert Guéi, nouveau président de la République et le Quai d'Orsay pour un convoyage rapide de Bédié hors du territoire de la République, la France a continué à traîner des pieds pour s'exécuter.
Le compromis en apparence, achoppait sur deux points.
D'abord Bédié voulait quitter le pays avec le Gruman présidentiel.
Refus des militaires au motif que l'appareil appartient à la République de Côte d'Ivoire. Le Général Guéi craignait de ne plus voir l'avion revenir un jour dans le patrimoine national.
Ensuite, le président déchu suppliait pour partir avec son ex-Premier ministre Daniel Kablan Duncan, et son ministre de la Défense.
Nouveau refus des militaires prêts à laisser Bédié partir mais sans les collaborateurs précités.
Ceux-ci devaient demeurer sur le territoire pour les passations de charge, mais pour rendre compte le cas échéant.
Mais ces tractations semble-t-il, étaient qu'un écran de fumée attisé par la France pour brouiller son jeu.
De fait l'ex-puissance tutélaire caressait, depuis l'annonce du changement de régime par le Général Guéi, l'idée d'un retour de Bédié aux affaires. Au grand dam des aspirations profondes d'une très grande majorité d'Ivoiriens au changement. Pour ce faire, elle a d'abord permis à Bédié de lancer un appel à la résistance ce vendredi à 16h30 depuis son refuge du 43ème Bataillon d'infanterie marine aéroporté (BIMA). Et ce sur les antennes de Radio France Internationale (RFI). L'objectif était de susciter une fracture au sein des Forces armées, et peut-être une riposte de la gendarmerie nationale, fidèle à Bédié sous son règne.
Dans le même temps, les autorités hexagonales mobilisaient des renforts. D'abord, 40 hommes transportés de Libreville pour la base de Port-Bouët. Et ensuite 300 hommes mobilisés de Corse pour stationner à Dakar. Tout cela officiellement pour préparer l'évacuation des ressortissants Français au cas où la situation se dégrade. Beaucoup d'observateurs cependant ont vu dans ce mouvement de troupes un appui logistique possible aux forces qui éventuellement resteraient fidèles à Bédié.
Et ce n'est pas tout. Le plus grave, c'est l'activisme souterrain de la France dans la sous-région Ouest-africaine. Selon certaines sources enjoint, le chef de l'Etat Burkinabé de convaincre ses pairs dans la région pour condamner vigoureusement et unanimement l'arrivée des militaires au pouvoir en Côte d'Ivoire. Le président du Faso ne semble pas encore avoir choisi de souscrire à cette démarche.
Dans tous les cas, le petit jeu de la France a raidi l'atmosphère dans la zone d'Abidjan. Les militaires ont dû prendre des mesures de sécurité draconiennes qui ont abouti à un couvre-feu et la suspicion a été de mise au sein des Forces armées.
Nulle doute que la France joue ainsi à un jeu dangereux. Le changement jusqu'ici s'est opéré sans effusion de sang. Mais de telles bisbilles à terme mettront le feu à la poudrière. Et tout le monde en pâtira y compris les 20 000 ressortissants Français présents en Côte d'Ivoire, malgré le stationnement des forces françaises à Port-Bouët et à Dakar.

Méité Sindou

Comment la France voulait entraver le retour à la démocratie
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La communauté internationale circonspecte
Le changement de régime politique intervenu en Côte d'Ivoire le week-end dernier, suite à un soulèvement militaire, a suscité, naturellement des réactions de la part des Etats amis à la Côte d'Ivoire et des organismes internationaux.
Le coup de force de notre armée que l'on sait salvateur pour le processus démocratique, n'a pas été du goût de la France. Mme Anne-Gazeau Secret, porte-parole du Quai d'Orsay a dit vendredi que "la France condamne le coup de force en cours avant d'appeler au rétablissement immédiat de l'ordre et de la sécurité". La Grande-Bretagne a aussi condamné "le coup d'Etat apparent", quant à Washington, c'est que la prudence était de mise.
Tout en affirmant "surveiller" la situation, les Etats-unis ont dit ne pas émettre de réaction pour affecter ce qui se passe ou précipiter les événements. Du côté des organisations internationales, M. Kofi Annan, Secrétaire général de l'ONU s'est dit "troublé par les informations". Il a aussi condamné" "l'usage de la force armée pour renverser les institutions légales d'un pays". M. Salim Ahmed Salim, Secrétaire général de l'OUA n'a pas dit autre chose, qui a appelé à "un retour immédiat de l'ordre". Il s'est dit "consterné" et a appelé les éléments des forces de l'ordre "à rechercher une solution pacifique à leurs revendications".
Pour sa part, le Malien Alpha Oumar Konaré, président en exercice de la CEDEAO, s'est dit également "préoccupé par la situation" et il a souhaité "le dialogue dans un cadre républicain". Toutes ces réactions ont été publiées le vendredi avant que le Général Guéi, le chef du Comité national de salut public (CNSP) ne livre à la Nation les raisons de son action et ne rassure tous les partenaires de la Côte d'Ivoire en leur disant que les accords internationaux seront respectés. D'ailleurs, des missions d'explication sont prévues pour informer les amis de la Côte d'Ivoire sur les dangers vers lesquels était conduite la Côte d'Ivoire sous le régime Bédié. Mais, faut-il s'étonner de ces condamnations du reste apparentes, de la communauté internationale ? Que non ! Elles sacrifient à un rituel diplomatique. Sinon, la France sait que notre pays, pour se remettre sur les rails, avait besoin de se débarrasser du régime cinquantenaire, sclérosé par le temps. Question de bon sens donc !

Charles Sanga

Numéro 144 Lundi 27 Décembre 1999
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"Nettoyage" à marche forcée de la maison ivoirienne par Stéphane ORJOLLET

Le nouvel homme fort de Côte d'Ivoire, le général Robert Gueï, a annoncé lundi la formation rapide d'unGouvernement faisant une large place aux civils et s'est engagé à "nettoyer la maison" ivoirienne avant de remettre le pouvoir à un président démocratiquement élu.
Devant les représentants de 38 partis politiques convoqués au siège de l'état-major de l'armée, le général Gueï a prononcé un véritable discours programme, débutant une semaine de "concertations" avec les partis et la société civile sur l'avenir du pays.
Il a demandé aux représentants des partis de lui présenter "dans les 48 heures" des candidats aux postes ministériels, afin de pouvoir former un gouvernement dès la semaine prochaine.
Le Comité national de salut public (CNSP), qui a renversé le 24 décembre le président Henri Konan Bédié, entend se réserver les portefeuilles de la Défense - pour le général Gueï -, de la Sécurité, de l'Intérieur et des Affaires étrangères.
Le gouvernement sera chargé de "nettoyer la maison" ivoirienne, et le général Gueï, dont le discours de plus d'une heure a été interrompu à de nombreuses reprises par les applaudissements de l'assistance, a indiqué que la junte avait déjà lancé un "audit de tous les secteurs économiques du pays".
Il s'est à nouveau engagé à remettre le pouvoir aux civils, demandant également aux partis de participer à une commission chargée d'élaborer "de nouveaux textes" régissant la vie politique.
"Lorsque nous aurons fait ensemble que la maison soit propre et que ce qui sera fait aura reçu l'approbation du peuple ivorien, alors nous nous retirerons après avoir arbitré des élections libres et transparentes", a ajouté le général Gueï.
Il n'a toutefois fourni aucun calendrier précis pour ce retour annoncé à la vie démocratique, mais a souligné qu'il "ne recherchait pas le pouvoir" pour lui même.
Justifiant le coup d'Etat, le général s'est livré à un réquisitoire en règle contre le régime du président déchu. "Nous étions devenus un pays de pilleurs de fonds publics, de rongeurs des deniers de l'Etat", a-t-il lancé.
Il a aussi fustigé l'attitude de l'ancien régime pour conserver le pouvoir, parlant d'une "politique de division, de haine et de mépris", mais s'est défendu de "déblayer le terrain pour monsieur Alassane Dramane Ouattara", l'ancien Premier ministre.
L'attitude du président Bédié à l'encontre de M. Ouattara, à qui le président déchu déniait la nationalité ivoirienne et le droit de briguer la présidence de la République à l'élection prévue en octobre 2000 avait énormément crispé la situation politique dans le pays, faisant craindre à de nombreux observateurs un basculement de la Côte d'Ivoire dans la violence.
"Il fallait mettre balle à terre et aider les hommes politiques à reprendre le bon chemin", a encore lancé le général Gueï.
Les représentants des principaux partis ont semblé réagir favorablement à ce discours, mais n'ont pas souhaité immédiatement commenter les propos du général Gueï.
"Je dois rendre compte à mes militants", a déclaré Laurent Gbagbo, président du Front populaire ivoirien (FPI, socialiste), principal parti d'opposition à M. Bédié.
Mais il a chaleureusement salué le chef du nouveau pouvoir qu'il "connaît depuis 1972", lorsqu'il avait servi sous ses ordres comme sous-officier.
Henriette Diabaté, numéro 2 du parti de M. Ouattara, qui lui doit regagner le pays dans les prochains jours, a souligné la "bonne impression" que lui avait faite le discours du général Gueï.
Les responsables du CSPN devaient poursuivre toute la semaine leur campagne d'explication et de mobilisation, recevant tour à tour les diplomates étrangers, les syndicats, chefs religieux et traditionnels ou encore les organisations non-gouvernementales.

"Nettoyage" à marche forcée de la maison ivoirienne par Stéphane ORJOLLET
Abidjan, 27 décembre 1999,16h32, (AFP)

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