Côte d'Ivoire: Gueï proclamé vainqueur, Gbagbo conteste
par Nicholas Phythian - (Reuters, Abidjan - mardi, 24 octobre 2000, 18h10)
Le ministère de l'Intérieur a proclamé le général Robert Gueï vainqueur de l'élection présidentielle du 22 octobre et a dissous la Commission nationale électorale (CNE) qui avait organisé le scrutin
.Tension à Abidjan
De son côté, le QG de campagne de Gbagbo avait donné son poulain vainqueur du scrutin avec 62,83% des voix, contre 34,3% à Gueï, affirmant que ses chiffres étaient basés sur les résultats de deux-tiers des circonscriptions électorales du pys
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DEPECHES AFP :
Côte d'Ivoire: victoire de Gueï, dissolution de la commission électorale
La junte au pouvoir depuis dix mois en Côte d'Ivoire a annoncé mardi à Abidjan la victoire de son chef le général Robert Gueï, à la présidentielle du 22 octobre, et appelé les Ivoiriens au calme.
Dans le même temps, la commission chargée du décompte des voix et de l'annonce des résultats a été dissoute et son président emmené sous escorte au siège de la présidence occupée par les militaires depuis le coup d'état de Noël 1999.
L'annonce de la victoire du général Gueï --alors que son seul opposant M. Laurent Gbagbo soutient avoir gagné-- a été faite par le ministère ivoirien de l'Intérieur devant la presse mardi en début d'après-midi. Le directeur de l'administration territoriale M. Bamba Cheikh, également membre de la Commision nationale électorale (CNE), a affirmé que le général Gueï a obtenu 52,72% des suffrages. Selon le ministère de l'Intérieur, le leader socialiste, M. Gbagbo, a recueilli 41,02% des voix. Le taux de participation est de 47,56%.
M. Bamba Cheik a également annoncé la dissolution de la CNE chargée de l'organisation de la présidentielle et de la publication des résultats. Le ministère a affirmé que les résultats collectés par la CNE sont "inexploitables" et que la compilation de ces chiffres s'est faite "dans la confusion".
M. Bamba Cheik a fait également état de "fraudes massives organisées par certains partis politiques, constatées par des huissiers", notamment des "votes multiples" en province et à Abidjan.
Il a appelé les Ivoiriens à "rester sereins et dignes" et à faire preuve de "patriotisme".
Des militaires ivoiriens ont emmené sous escorte mardi après-midi le président de la CNE, M. Honoré Guié, et plusieurs membres de la commission vers à la présidence. M. Guié accompagné d'une demi douzaine de membres de la CNE se sont entassés dans un véhicule 4x4 et ont quitté le siège de la CNE, suivis par un autre 4x4 et un camion avec à son bord des soldats de la garde présidentielle.
Auparavant, les membres de la CNE s'étaient battus contre des hommes en civil parmi lesquels les journalistes ont reconnu plusieurs militaires de la garde rapprochée du chef de la junte.
Côte d'Ivoire: Gbagbo se proclame chef d'Etat
Le leader socialiste Laurent Gbagbo s'est proclamé mardi "chef de l'Etat de Côte d'Ivoire" et a appelé "tous les patriotes" à "faire barrage à l'imposture", a constaté à son quartier général de campagne à Abidjan un journaliste de l'AFP.
"Dès à présent, c'est moi le chef de l'Etat de Côte d'Ivoire. Je déclare dissous le gouvernement de transition", a déclaré M. Gbagbo devant des centaines de militants surchauffés.
"Je demande à tous les patriotes ivoiriens de descendre en ville dans tous les quartiers jusqu'à ce que Gueï recule. Je demande à tous les militants de se dresser pour faire barrage à l'imposture".
Le ministère de l'Intérieur a annoncé plus tôt mardi la dissolution de la Commission nationale électorale et a proclamé le général Robert Gueï, chef de la junte au pouvoir depuis le coup d'Etat du 24 décembre 1999, vainqueur avec 52,72% des suffrages.
Analyse du correspondant de RFI
Putsch électoral du général Gueï
ELIO COMARIN
24/10/2000
La voix officielle française : Paris "n'acceptera pas" le coup de force en Côte d'Ivoire
1 - (AFP, Paris, 24 octobre 2000 - 20h01)
La France n'acceptera pas "la tentative de coup de force" en Côte d'Ivoire et en "tirera les conséquences", a déclaré, mardi soir, le ministre des Affaires étrangères, Hubert Védrine.
"Nous assistons à Abidjan à une tentative de coup de force. La France ne l'acceptera pas, ni l'Union européenne, et en tirera les conséquences", a affirmé M. Védrine.
"La Commission nationale électorale (CNE) peut encore rétablir le cours du retour à une situation constitutionnelle", a ajouté le ministre dans une déclaration.
M. Védrine n'a pas donné de précision sur ce que fera la France qui maintient un dispositif militaire de quelque 600 hommes, le 43e Bataillon d'Infanterie de marine (BIMa), basé à Port Bouët dans le sud d'Abidjan, à proximité de l'aéroport.
Ce dispositif est prévu dans les accords de défense signés entre la France et la Côte d'Ivoire au début des années 60.
D'autre part, L'Orage, un transport de chalands de débarquement (TCD) de la marine nationale, avec à son bord une compagnie d'infanterie de 120 hommes, se trouve actuellement au large, dans le golfe de Guinée.
La première mission des troupes françaises est d'assurer la sécurité de l'ambassade et, si la situation le rendait nécessaire, celle de la communauté française, soit plus de 20.000 personnes pour l'ensemble de la Côté d'Ivoire.
Le chef de la junte au pouvoir en Côte d'Ivoire, le général Robert Gueï, s'est proclamé, mardi, "premier président de la deuxième république", dans une allocution prononcée depuis le palais présidentiel. De son côté, le leader socialiste Laurent Gbagbo s'est aussi proclamé "chef de l'Etat de Côte d'Ivoire" et a appelé "tous les patriotes" à "faire barrage à l'imposture"
Auparavant, le ministère ivoirien de l'Intérieur avait annoncé la dissolution de la CNE et a proclamé le général Robert Gueï, chef de la junte au pouvoir depuis le coup d'Etat du 24 décembre 1999, vainqueur avec 52,72% des suffrages. Selon le ministère de l'Intérieur, le leader socialiste a recueilli 41,02% des voix.
Dès l'annonce de la dissolution de la CNE et de la victoire du général Gueï, Paris a lancé une mise en garde "contre toute tentative de contrarier la volonté exprimée par le peuple ivoirien".
"La France demeure attachée à ce que la volonté exprimée par le peuple ivoirien soit pleinement respectée, et met en garde contre toute tentative de la contrarier", a déclaré le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, François Rivasseau.
Le porte-parole français a qualifié d'"inacceptables" les "méthodes" du ministère ivoirien de l'Intérieur qui "bafouent les exigences d'un retour à l'ordre constitutionnel".
(AFP, Paris, 24 octobre 2000 - 20h01)
Paris dénonce le coup de force -(Reuters 24 octobre 2000 - 20h34)
La France et l'Union européenne n'accepteront pas la tentative de "coup de force" et "l'auto- proclamation" du général Robert Gueï en Côte d'Ivoire.
"Nous assistons à Abidjan à une tentative de coup de force. La France ne l'acceptera pas, ni l'Union européenne, et en tirera les conséquences", a déclaré le ministre français des Affaires étrangères, Hubert Védrine.
"La Commission nationale électorale peut encore rétablir le cours du retour à une situation constitutionnelle", a toutefois précisé le ministre français.
Les militaires avaient arrêté quelques heures plus tôt le président de la Commission électorale. Le ministre de l'Intérieur, sans attendre la fin du dépouillement, avait déclaré le général Gueï élu président de la République.
Le candidat socialiste Laurent Gbagbo s'est néanmoins proclamé vainqueur de l'élection et nombreux de ses partisans sont descendus dans les rues d'Abidjan.
Le gouvernement ivoirien a alors proclamé l'état d'urgence et instauré un couvre-feu.
Le ministre de la Coopération, Charles Josselin, a précisé que la France n'entendait pas envoyer de renforts en Côte d'Ivoire car les effectifs étaient suffisants pour assurer la protection des 20.000 ressortissants français dans ce pays.
Il appelé le général Gueï à respecter les valeurs dont il se réclame pour "éviter une spirale dans laquelle la Côte d'Ivoire s'enfoncerait" en "s'isolant de la communauté internationale".
"Il a fait ce soir un coup d'Etat, on peut dire que les moyens de retour à l'ordre constitutionnel ont été totalement bafoués", a-t-il dit sur France 2.
La compagnie Air France a annoncé mardi avoir annulé son vol quotidien pour Abidjan en raison de la situation.
"Nous avons annulé le vol d'aujourd'hui car nous ne voulons pas que l'avion soit éventuellement immobilisé à Abidjan dans la nuit alors qu'il doit voler vers d'autres destinations", a dit un porte-parole.
Il a précisé que le vol de mercredi était maintenu mais que son décollage était avancé pour qu'il puisse se poser de jour dans la capitale ivoirienne.
La France, qui comptait jusqu'à ces derniers jours 25.000 ressortissants en Côte d'Ivoire, est restée aux aguets pendant la campagne présidentielle.
Vingt-cinq mille français en Côte d'Ivoire
Un navire de la marine française, le transport de chalands de débarquement Orage, capable d'embarquer 3.000 civils en cas de crise, croise au large des côtes ivoiriennes avec à bord une compagnie d'infanterie montée sur véhicules blindés VAB.
Le ministère français de la Défense a précisé que 40 hommes renforçaient la sécurité de l'ambassade, en plus du 43e bataillon d'infanterie de marine, soit 550 hommes, basé à Port-Bouët, près d'Abidjan, et comptant un escadron de chars léger Sagaie du premier régiment étranger de cavalerie.
Charles Josselin a précisé que ces troupes étaient "soucieuses de la sécurité de nos ressortissants" et de ceux d'autres pays s'ils étaient menacés.
Prié de dire si Paris entendait envoyer des renforts, il a répondu: "Non, pour l'instant les moyens dont nous disposons suffisent pour mettre en sécurité nos ressortissants et nous n'entendons pas, en l'état actuel des choses, nous mêler de ce débat ivoirien".
La France avait suspendu son aide militaire à la Côte d'Ivoire peu après le coup d'Etat de Noël dernier mais la coopération civile se poursuivait.
De plus, l'aide européenne à Abidjan n'a pas été vraiment gelée car un calendrier de retour à la démocratie avait été avancé.
Des opposants au général Gueï se sont étonnés de la prudence de la France, pays des droits de l'homme, à l'égard d'un régime issu d'un coup d'Etat.
Des émissaires de la junte se sont rendus à plusieurs reprises à Paris. Le ministre des Affaires étrangères, Hubert Védrine, avait estimé - bien avant le scrutin de dimanche - que l'élection était "légale" car "conforme à la démocratie".
Alassane Ouattara, le principal opposant à Robert Gueï écarté de la course à la présidentielle, avait dénoncé les "réactions molles" de la France, qui cédait, selon lui, aux menaces sur le sort de ses ressortissants en Côte d'Ivoire.
Mardi, le Collectif Article 12, qui regroupe des artistes et intellectuels ivoiriens, avait appelé la France, "qui assure la présidence de l'Union européenne, à ne plus s'embarrasser de mots pour qualifier les agissements coupables du dictateur Robert Gueï".
La Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH) a dénoncé avec vigueur le "hold-up électoral pratiqué par le général Robert Gueï" et la dissolution de la Commission nationale électorale.
"Une nouvelle fois, la junte au pouvoir viole la Constitution récemment massivement adoptée par le peuple ivoirien", a-t-elle déclaré.
(Reuters, Paris, 24 octobre 2000 20h34)