La XIIIe conférence internationale sur le sida
Pourquoi l'Afrique du Sud refuse "l'aide" américaine
Le gouvernement de Thabo Mbeki a décidé de rejeter l'offre américaine d'un prêt d'un milliard de dollars annuels pour financer la lutte contre le sida. L'Afrique du Sud, qui est le pays du monde le plus touché par la maladie, réclame une baisse du prix des médicaments
L'Afrique du Sud a beau être le pays du monde le plus touché par la pandémie de sida, le gouvernement de Thabo Mbeki a décidé de refuser la proposition américaine d'accorder chaque année un prêt d'un milliard de dollars à l'Afrique subsaharienne pour financer la lutte contre le virus VIH. Les autorités sud-africaines ne sont pas les premières à rejeter l'offre américaine. La Namibie a déjà fait savoir qu'elle refusait la proposition et plusieurs autres pays d'Afrique australe ont exprimé les plus fortes réserves face au projet de l'administration Clinton.
Avec 4,2 millions de personnes infectées pour 40 millions d'habitants, l'Afrique du Sud détient aujourd'hui le titre peu enviable de pays le plus durement touché par le sida. Pour autant, les autorités jugent que ce n'est pas de prêts dont elles ont besoin aujourd'hui mais plutôt d'une baisse du prix des médicaments et des traitements. Une diminution des coûts serait en effet moins dommageable pour l'économie des pays africains déjà lourdement handicapée par le remboursement de la dette.
L'un des porte-parole du ministère de la Santé sud-africain a rappelé que son pays entendait développer la production de médicaments génériques (donc de moindre coût. A l'heure actuelle, le coût d'une trithérapie est estimé à au moins 10 000 dollars par an et par personne. Un tarif exorbitant qui a conduit Peter Piot, le directeur d'Onusida, à réclamer une baisse de 75 % des prix des médicaments destinés aux pays les plus pauvres. Une demande restée lettre morte pour le moment.
PHILIPPE COUVE
(RFI, 23/08/2000)
Les prostituées fuyant la charia au Nigeria se regroupent au Niger : le programme anti-SIDA en cause
Fuyant les Etats nigérians du nord qui ont adopté la charia, la loi islamique, des centaines de prostituées sont parties au Niger voisin, dans la région de Maradi non loin de la frontière, selon des témoignages recueillis par l'AFP.
"Il y a une arrivée massive, mais nous prenons des dispositions", a affirmé le maire de Maradi, Abdou Liman, contacté au téléphone par l'AFP.
"Elles arrivent chaque jour et s'installent dans la ville et d'autres localités", précise Issa Moussa, enseignant en poste dans la région de Maradi.
Selon le maire, la plupart de ces prostituées, dont le nombre n'est pas déterminé, sont des Nigériennes qui excerçaient au Nigeria. Les deux côtés de la frontière son peuplés par des habitants de la même ethnie, les Haoussas.
Huit Etats du nord du Nigeria ont déjà adopté la charia.
La charia interdit l'alcool, le vol, les jeux d'argent et la prostitution. Les voleurs risquent l'amputation et les prostituées la lapidation.
Le long de la frontière entre les deux pays, se sont constituées selon des témoins, des "zones de haute délinquance" où se regroupent le week-end prostituées et malfrats.
"Ils boivent la bière, dansent au son du Gogué (violon traditionnel) et retournent chez eux", a indiqué à l'AFP un transitaire.
Des raffles et des descentes de police seront régulièrement opérées dans "les coins chauds" de la ville, a précisé M. Liman.
Pour faire face à l'arrivée des "Karoua" (prostituées en Haoussa), la municipalité vient d'élaborer un "programme d'action" pour contrôler la propagation des maladies sexuellement transmissibles (MST) dont le SIDA.
Ce programme étalé sur cinq mois prévoit un recensement de toutes les prostituées et un dépistage systématique du virus du SIDA.
Il prévoit aussi des conférences publiques, des projections de films dans les quartiers sur le SIDA et les MST.
A Niamey, plusieurs marabouts dénoncent lors des prêches le retour de ces "soeurs sataniques".
Pour "éradiquer le mal", certains chefs traditionnels préconisent le renvoi de toutes les "Karoua" dans leur village natal.
La région de Maradi, troisième ville du pays, est l'une des plus islamisées du Niger. Au début des années 90, des "commandos islamistes" ont mené des opérations punitives contre les prostituées à Maradi et à Zinder, à 150 km plus à l'est, également vers la frontière du Nigeria.
Ces "commandos" effectuaient des descentes dans les bars, prenaient à partie les femmes portant des mini-jupes, ainsi ques les membres des associations féminines accusées de "souiller l'Islam".
Lors d'une tournée le mois dernier dans ces régions, le président nigérien, Mamadou Tandja, s'est prononcé contre l'institution de la charia au Niger.
(AFP, Niamey - Niger, 23 août 2000 8h59)
Afrique: les jeunes décimés
Le sida menace l'avenir des jeunes générations, particulièrement en Afrique. C'est ce que met en évidence un rapport que l'UNICEF vient de rendre public à Durban. L'organisation appelle les responsables politiques à s'engager dans une " véritable guerre " contre l'épidémie.
Lorsque vous arriverez au bas de cet article, six jeunes de moins de 25 ans à travers le monde auront contracté le virus du sida, la plupart d'entre eux en Afrique. Les jeunes de 15 à 25 ans représentent déjà aujourd'hui un tiers des séropositifs de la planète, soit dix millions de personnes. Parmi les victimes de la pandémie, on peut ajouter les dix millions d'orphelins du sida qui doivent vivre seuls parce que leurs parents ont succombé au virus.
L'Afrique, et particulièrement le sud-est du continent affichent les chiffres les plus terribles. Au Botswana, dans la tranche d'âge 15 à 24 ans, une jeune femme sur trois et un jeune homme sur sept sont infectés par le VIH.En Afrique du Sud, au Lesotho et au Zimbabwe, une jeune femme sur quatre et un jeune homme sur dix sont contaminés.
Face à cette situation, c'est à une " véritable guerre " qu'appelle l'UNICEF (Fonds des Nations Unies pour l'enfance) à l'occasion de la conférence de Durban. Et ce combat doit avoir comme premier ennemi le manque d'information, a expliqué la directrice exécutive de l'organisation. Carol Bellamy s'est exclamée : " l'ignorance tue les jeunes ". Par exemple, selon une étude de l'UNICEF, 90% des jeunes de 15 à 19 ans ne savent pas comment se protéger du sida au Bangladesh.
Parmi les conséquences de l'épidémie, l'UNICEF remarque que l'avenir des enfants est hypothéqué en Afrique subsaharienne. L'an dernier, 860 000 enfants ont été privés de leurs enseignants, morts du sida. Une conséquence d'autant plus dramatique de l'épidémie que c'est par le biais de l'éducation que doivent passer les messages d'information et de prévention.
L'UNICEF préconise en effet une réponse forte en matière d'éducation. Ce que l'organisation appelle un " processus suivi d'éducation ". En clair, les enfants doivent être informés dès le plus jeune âge des modes de transmission de la maladie et de ses conséquences avec des mots qu'ils sont en mesure de comprendre. Ces informations doivent ensuite être répétées au fil des années, pour que les " enfants les assimilent peu à peu tout en grandissant ".
Dans ce rapport de l'UNICEF à l'intitulé volontariste (" Le progrès des Nations "), il n'y a qu'une seule véritable note d'espoir. D'après les études publiées par l'organisation, le risque de transmission du sida de la mère à l'enfant est de mieux en mieux compris. Une enquête conduite dans 18 pays touchés fortement par l'épidémie montre que dans 15 de ces pays de 60 à 96 % des femmes enceintes connaissent les mesures à prendre si elles sont séropositives.
Au terme de ce rapport, le constat que dresse l'UNICEF est plus qu'alarmant. Les responsables politiques sont sommés de mettre en œuvre toutes les mesures nécessaires pour éviter la propagation du virus aux jeunes générations. L'UNICEF entend d'ailleurs porter la question devant le Conseil de sécurité de l'ONU estimant que le sida menace la sécurité nationale et la stabilité en Afrique.
PHILIPPE COUVE
13/07/200