Les Nations Unies, la France, les Etats-Unis et la Belgique portent une responsabilité majeure dans le génocide de 1994 au Rwanda qui a coûté la vie de quelque 800.000 Tutsi et de plusieurs milliers de Hutu antigouvernementaux, sans parler des souffrances infligées à des centaines de milliers d'autres, notamment des femmes et des enfants. Telle est la principale conclusion du rapport Rwanda: le génocide qu'on aurait pu stopper rendu public aujourd'hui au Siège de l'ONU à New York.
La publication du rapport a été saluée par le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, qui dans un communiqué publié ce matin, a exprimé l'espoir que celui-ci contribuerait aux efforts déployés par la communauté internationale pour empêcher la répétition de génocides dans le monde.
Rédigé à la suite d'une enquête menée par un Groupe international de sept Eminentes Personnalités à l'initiative de l'Organisation de l'unité africaine (OUA), ce document détaillé et exhaustif de plus de 300 pages affirme en substance que cette tragédie n'aurait jamais pu se produire sans la participation de certains acteurs étrangers au Rwanda.
Selon les auteurs du rapport, le Secrétariat de l'ONU a failli à son devoir en autorisant la première mission de l'ONU au Rwanda (MINUAR) à assurer uniquement la sécurité des ressortissants étrangers au Rwanda, sans se préoccuper de la protection des Rwandais eux-mêmes. Par son refus de sanctionner une mission d'envergure dans ce pays, le Conseil de sécurité a pour sa part rendu le génocide plus probable, précise le rapport.
Le document accuse en outre le gouvernement français de connivences avec le gouvernement rwandais de l'époque, dénonce le refus des Etats-Unis d'autoriser l'envoi sur place d'une mission militaire de l'ONU qui aurait pu empêcher le déclenchement de cette tragédie, et déplore le rôle timoré du gouvernement belge qui a réduit sa présence au Rwanda au moment où celle-ci s'avérait indispensable.
Le Groupe note par ailleurs que dans les années qui ont suivi les responsables des Nations Unies et les dirigeants des Etats-Unis, de la Belgique et de l'Eglise anglicane avaient formulé des excuses pour n'avoir pas su stopper le génocide. A ce jour toutefois, ni le gouvernement français ni l'Eglise catholique n'en ont présenté les leurs, déplore le rapport.
Le document affirme en outre que les conséquences de cette tragédie n'affectent pas seulement le Rwanda, qui continue de subir un "traumatisme presque incompréhensible", mais aussi le reste de la région, comme en atteste l'actuel conflit congolais, où "sont impliqués, directement ou indirectement, le cinquième environ de tous les gouvernements ou armées d'Afrique, de même qu'une douzaine de groupes ou davantage".
Dans l'une de ses principales recommandations, le Groupe demande que des fonds substantiels de réparation soient versés "par ceux qui ont manqué à leur devoir d'empêcher le génocide ou d'en réduire l'ampleur".
Dans une conférence de presse organisée ce matin au Siège, Stephen Lewis, ancien représentant du Canada auprès de l'ONU et membre du Groupe, a affirmé qu'après les épreuves qu'il a subies, le Rwanda méritait une aide internationale massive du reste du monde, et en particulier des pays qui l'ont "trahi" dans les moments les plus difficiles. A notre avis, le monde a une obligation vis-à-vis du Rwanda qu'il ne pourra jamais honorer entièrement, a-t-il conclu.
(Nations Unies, 7 juillet 2000)