Le tribunal militaire de Ouagadougou a condamné samedi, tard dans la nuit, l'adjudant Marcel Kanfando et le sergent Edmond Koama à 20 ans d'emprisonnement ferme et à payer 250 millions de FCFA au titre des dommages et intérêts aux ayant droits de feu David Ouédraogo et à ses trois compagnons.
A l'issue de trois jours de procès, le tribunal a en outre condamné le soldat Ousséini Yaro (chargé d'enfermer et de surveiller David Ouédraogo et ses compagnons), à 10 ans de prison ferme. David Ouedraogo est l'ex-chauffeur de François Compaoré, frère cadet du président Blaise Compaoré rappelle t-on.
Les deux autres co-inculpés, Christophe Kombasséré et Marcel Kabré ont été relaxés pour défaut de preuves.
Le Burkina vit ainsi ce week end, le dénouement d'un procès suivi de bout en bout par le public ouagalais qui est resté souvent jusqu'à 3 heures du matin, pour voir la suspension de l'audience.
L'opinion est restée cependant partagée sur ce verdict. Moussa Kaboré, un agent public interrogé par la Pana, dit qu'il est resté sur sa soif à l'écoute du verdict.
"François Compaoré le frère cadet du président du Faso aurait dû être inculpé parce que c'est lui qui a fait conduire David Ouédraogo au Conseil", a-t-il indiqué.
Par contre Alain Ilboudo, opérateur économique dit qu'enfin le droit a été dit. "Je suis entièrement satisfait du verdict et je pense que désormais il n'y a plus d'intouchable au Burkina", a-t-il précisé.
Ce que les burknabé appellent aujourd'hui "l'affaire David Ouédraogo", a débuté rappelle t-on, par le vol réel ou supposé d'une vingtaine de millions de FCFA au domicile de François Compaoré, en fin novembre 1997.
Saisis pour retrouver les fautifs, le chef de la garde rapprochée du président du Faso, Marcel Kanfando et certains éléments du régiment de sécurité présidentielle (RSP) ont interpellé et incarcèré au Conseil de l'Entente, Hamidou Ilboudo et Adama Tiendrébéogo (ex-employés de François Compaoré) suspectés d'avoir commis le vol.
Après torture, Hamidou Ilboudo avoue être l'auteur du forfait mais dit avoir remis la somme indiquée à David Ouédraogo. Celui-ci fut à son tour arrêté et conduit au Conseil le 5 décembre 1997. A l'issue des séances de tortures, David Ouédraogo affecté, est admis à l'infirmerie de la présidence.
Il succombera à ses blessures le 18 janvier 1998, tandis que ses co-inculpés ont été conduits à la Maison d'arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO).
Ce dossier, va connaître, grâce aux révélations du journal "L'Indépendant", des rebondissement politico-judiciaire. Le tribunal de droit commun saisi au départ pour connaître de l'affaire va être dessaisi au profit du tribunal militaire.
Le premier juge sera également dessaisi au profit d'un autre juge d'instruction. Norbert Zongo qui menait des investigations sur cette affaire sera assassiné le 13 décembre 1998.
Le Collectif des organisations de masse et des partis politiques entre en scène en demandant l'arrestation du frère cadet du président et l'accélération de la procédure judiciaire. Certains partis conditionnent leur participation au processus électoral avec le dénouement de cette affaire David Ouédraogo.
Le Collège de sages, commission créée par le pouvoir pour proposer des solutions de sortie de crise, demande la libération des co-inculpés de feu David Ouédraogo.
Avant l'ouverture de ce procès le 17 août dernier, les familles Compaoré et David Ouédraogo se rencontrent à Kaya (100 km au nord de Ouagadougou). Le pardon de la famille Compaoré sera présenté officiellement par des vieux, à la famille de la victime.
C'est ce qui explique l'audition, en tant que témoin, du Commandant du régiment de sécurité présidentielle, le Colonel Gilbert Diendéré qui a demandé officiellement pardon devant le tribunal le 18 août dernier au peuple burkinabe. Il en est de même du frère cadet du président du Faso.
(PANA Ouagadougou, Burkina Faso, 20 août 2000)