Diversité culturelle - Déclaration universelle de l'UNESCO (2001) et projet français
La diversité culturelle sera à
l'ordre du jour de la 32ème session de la Conférence générale de l'UNESCO, entre
le 29 septembre et le 17 octobre 2003.
Deux documents préliminaires à parcourir :
- Déclaration universelle
de l'UNESCO sur la diversité culturelle - De la diversité au pluralisme (Adoptée
en novembre 2001 à Paris)
- Projet de Convention internationale sur la diversité culturelle : propositions
françaises
Déclaration
universelle de l'UNESCO sur la diversité culturelle - De la diversité au
pluralisme
Adoptée en novembre 2001 à Paris
La Conférence générale,
Attachée à la pleine réalisation des
droits de l'homme et des libertés fondamentales proclamés dans la Déclaration
universelle des droits de l'homme et dans d'autres instruments universellement
reconnus, tels que les deux Pactes internationaux de 1966 relatifs l'un
aux droits civils et politiques et l'autre aux droits économiques, sociaux et
culturels,
Rappelant
que le Préambule de l'Acte constitutif de l'UNESCO affirme
"(…) que la dignité de l'homme exigeant la diffusion de la culture et
l'éducation de tous en vue de la justice, de la liberté et de la paix, il y a
là, pour toutes les nations, des devoirs sacrés à remplir dans un esprit de
mutuelle assistance",
Rappelant
également son Article premier qui assigne entre
autres buts à l'UNESCO de recommander "les accords internationaux qu'elle juge
utiles pour faciliter la libre circulation des idées par le mot et par l'image",
Se référant
aux dispositions ayant trait à la diversité
culturelle et à l'exercice des droits culturels figurant dans les instruments
internationaux promulgués par l'UNESCO ¹ ,
Réaffirmant
que la culture doit être considérée comme l'ensemble
des traits distinctifs spirituels et matériels, intellectuels et affectifs qui
caractérisent une société ou un groupe social et qu'elle englobe, outre les arts
et les lettres, les modes de vie, les façons de vivre ensemble, les systèmes de
valeurs, les traditions et les croyances ² ,
Constatant
que la culture se trouve au cœur des débats contemporains
sur l'identité, la cohésion sociale et le développement d'une économie fondée
sur le savoir,
Affirmant
que le respect de la diversité des cultures, la tolérance,
le dialogue et la coopération, dans un climat de confiance et de compréhension
mutuelles sont un des meilleurs gages de la paix et de la sécurité
internationales,
Aspirant
à une plus grande solidarité fondée sur la reconnaissance de
la diversité culturelle, sur la prise de conscience de l'unité du genre humain
et sur le développement des échanges interculturels,
Considérant
que le processus de mondialisation, facilité par
l'évolution rapide des nouvelles technologies de l'information et de la
communication, bien que constituant un défi pour la diversité culturelle, crée
les conditions d'un dialogue renouvelé entre les cultures et les civilisations,
Consciente
du mandat spécifique qui a été confié à l’UNESCO, au sein du
système des Nations Unies, d’assurer la préservation et la promotion de la
féconde diversité des cultures,
Proclame les
principes suivants et adopte la présente Déclaration :
IDENTITÉ,
DIVERSITÉ ET PLURALISME
Article 1 - La
diversité culturelle, patrimoine commun de l'humanité
La culture prend des
formes diverses à travers le temps et l'espace. Cette diversité s'incarne dans
l'originalité et la pluralité des identités qui caractérisent les groupes et les
sociétés composant l'humanité. Source d’échanges, d'innovation et de créativité,
la diversité culturelle est, pour le genre humain, aussi nécessaire qu'est la
biodiversité dans l'ordre du vivant. En ce sens, elle constitue le patrimoine
commun de l'humanité et elle doit être reconnue et affirmée au bénéfice des
générations présentes et des générations futures.
Article 2 - De
la diversité culturelle au pluralisme culturel
Dans nos sociétés de
plus en plus diversifiées, il est indispensable d’assurer une interaction
harmonieuse et un vouloir vivre ensemble de personnes et de groupes aux
identités culturelles à la fois plurielles, variées et dynamiques. Des
politiques favorisant l'inclusion et la participation de tous les citoyens sont
garantes de la cohésion sociale, de la vitalité de la société civile et de la
paix. Ainsi défini, le pluralisme culturel constitue la réponse politique au
fait de la diversité culturelle. Indissociable d'un cadre démocratique, le
pluralisme culturel est propice aux échanges culturels et à l'épanouissement des
capacités créatrices qui nourrissent la vie publique.
Article 3 - La diversité culturelle, facteur de développement
La diversité
culturelle élargit les possibilités de choix offertes à chacun ; elle est l’une
des sources du développement, entendu non seulement en termes de croissance
économique, mais aussi comme moyen d'accéder à une existence intellectuelle,
affective, morale et spirituelle satisfaisante.
DIVERSITÉ
CULTURELLE ET DROITS DE L'HOMME
Article 4 -
Les droits de l'homme, garants de la diversité culturelle
La défense de la
diversité culturelle est un impératif éthique, inséparable du respect de la
dignité de la personne humaine. Elle implique l'engagement de respecter les
droits de l'homme et les libertés fondamentales, en particulier les droits des
personnes appartenant à des minorités et ceux des peuples autochtones. Nul ne
peut invoquer la diversité culturelle pour porter atteinte aux droits de l'homme
garantis par le droit international, ni pour en limiter la portée.
Article 5 - Les droits culturels, cadre propice de la diversité culturelle
Les droits culturels
sont partie intégrante des droits de l'homme, qui sont universels,
indissociables et interdépendants. L'épanouissement d'une diversité créatrice
exige la pleine réalisation des droits culturels, tels qu'ils sont définis à
l'article 27 de la Déclaration universelle des droits de l'homme et aux articles
13 et 15 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et
culturels. Toute personne doit ainsi pouvoir s'exprimer, créer et diffuser ses
oeuvres dans la langue de son choix et en particulier dans sa langue
maternelle ; toute personne a le droit à une éducation et une formation de
qualité qui respectent pleinement son identité culturelle ; toute personne doit
pouvoir participer à la vie culturelle de son choix et exercer ses propres
pratiques culturelles, dans les limites qu’impose le respect des droits de
l’homme et des libertés fondamentales.
Article 6 - Vers une diversité culturelle accessible à tous
Tout en assurant la
libre circulation des idées par le mot et par l'image, il faut veiller à ce que
toutes les cultures puissent s'exprimer et se faire connaître. La liberté
d'expression, le pluralisme des médias, le multilinguisme, l'égalité d'accès aux
expressions artistiques, au savoir scientifique et technologique - y compris
sous la forme numérique - et la possibilité, pour toutes les cultures, d'être
présentes dans les moyens d'expression et de diffusion, sont les garants de la
diversité culturelle.
DIVERSITÉ CULTURELLE ET CRÉATIVITÉ
Article 7 - Le
patrimoine culturel, aux sources de la créativité
Chaque création
puise aux racines des traditions culturelles, mais s'épanouit au contact des
autres. C'est pourquoi le patrimoine, sous toutes ses formes, doit être
préservé, mis en valeur et transmis aux générations futures en tant que
témoignage de l'expérience et des aspirations humaines, afin de nourrir la
créativité dans toute sa diversité et d'instaurer un véritable dialogue entre
les cultures.
Article 8 - Les biens et services culturels, des marchandises pas comme les autres
Face aux mutations
économiques et technologiques actuelles, qui ouvrent de vastes perspectives pour
la création et l'innovation, une attention particulière doit être accordée à la
diversité de l'offre créatrice, à la juste prise en compte des droits des
auteurs et des artistes ainsi qu'à la spécificité des biens et services
culturels qui, parce qu'ils sont porteurs d'identité, de valeurs et de sens, ne
doivent pas être considérés comme des marchandises ou des biens de consommation
comme les autres.
Article 9 -
Les politiques culturelles, catalyseur de la créativité
Tout en assurant la
libre circulation des idées et des oeuvres, les politiques culturelles doivent
créer les conditions propices à la production et à la diffusion de biens et
services culturels diversifiés, grâce à des industries culturelles disposant des
moyens de s'affirmer à l'échelle locale et mondiale. Il revient à chaque Etat,
dans le respect de ses obligations internationales, de définir sa politique
culturelle et de la mettre en oeuvre par les moyens d'action qu'il juge les
mieux adaptés, qu'il s'agisse de soutiens opérationnels ou de cadres
réglementaires appropriés.
DIVERSITÉ CULTURELLE ET SOLIDARITÉ INTERNATIONALE
Article 10 -
Renforcer les capacités de création et de diffusion à l'échelle mondiale
Face aux
déséquilibres que présentent actuellement les flux et les échanges des biens
culturels à l'échelle mondiale, il faut renforcer la coopération et la
solidarité internationales destinées à permettre à tous les pays, en particulier
aux pays en développement et aux pays en transition, de mettre en place des
industries culturelles viables et compétitives sur les plans national et
international.
Article 11 - Forger des partenariats entre secteur public, secteur privé et société civile
Les seules forces du marché ne peuvent garantir la préservation et la promotion de la diversité culturelle, gage d’un développement humain durable. Dans cette perspective, il convient de réaffirmer le rôle primordial des politiques publiques, en partenariat avec le secteur privé et la société civile.
Article 12 -
Le rôle de l'UNESCO
L'UNESCO, de par son
mandat et ses fonctions, a la responsabilité de :
(a) promouvoir la prise en compte des principes énoncés par la présente Déclaration dans les stratégies de développement élaborées au sein des diverses instances intergouvernementales;
(b) servir
d'instance de référence et de concertation entre les États, les organismes
gouvernementaux et non gouvernementaux internationaux, la société civile et le
secteur privé pour l'élaboration conjointe de concepts, d'objectifs et de
politiques en faveur de la diversité culturelle ;
(c) poursuivre son
action normative, son action de sensibilisation et de développement des
capacités dans les domaines liés à la présente Déclaration qui relèvent de sa
compétence ;
(d) faciliter
la mise en oeuvre du Plan d'action, dont les lignes essentielles sont annexées à
la présente Déclaration.
Lignes
essentielles d'un Plan d'action pour la mise en œuvre
de la Déclaration de l'UNESCO sur
la diversité culturelle
Les États
membres s'engagent à prendre les mesures appropriées pour diffuser largement la
Déclaration universelle de l'UNESCO sur la diversité culturelle et pour
encourager son application effective, en coopérant notamment à la réalisation
des objectifs suivants :
1. approfondir
le débat international sur les questions relatives à la diversité culturelle, en
particulier celles qui ont trait à ses liens avec le développement et à son
impact sur la formulation des politiques, à l'échelle aussi bien nationale
qu'internationale ; avancer notamment la réflexion concernant l’opportunité d’un
instrument juridique international sur la diversité culturelle ;
2. progresser dans
la définition des principes, des normes et des pratiques, tant au niveau
national qu’international, ainsi que des moyens de sensibilisation et des formes
de coopération les plus propices à la sauvegarde et à la promotion de la
diversité culturelle ;
3. favoriser
l'échange des connaissances et des meilleures pratiques en matière de pluralisme
culturel, en vue de faciliter, dans des sociétés diversifiées, l'inclusion et la
participation de personnes et de groupes venant d'horizons culturels variés ;
4. avancer dans la
compréhension et la clarification du contenu des droits culturels, en tant que
partie intégrante des droits de l'homme ;
5. sauvegarder le
patrimoine linguistique de l'humanité et soutenir l'expression, la création, et
la diffusion dans le plus grand nombre possible de langues ;
6. encourager la
diversité linguistique - dans le respect de la langue maternelle - à tous les
niveaux de l'éducation, partout où c'est possible, et stimuler l'apprentissage
du plurilinguisme dès le plus jeune âge ;
7. susciter, à
travers l'éducation, une prise de conscience de la valeur positive de la
diversité culturelle et améliorer à cet effet tant la formulation des programmes
scolaires que la formation des enseignants ;
8. incorporer dans
le processus éducatif, en tant que de besoin, des approches pédagogiques
traditionnelles afin de préserver et d'optimiser des méthodes culturellement
appropriées pour la communication et la transmission du savoir ;
9. encourager
l'"alphabétisation numérique" et accroître la maîtrise des nouvelles
technologies de l'information et de la communication, qui doivent être
considérées aussi bien comme des disciplines d'enseignement que comme des outils
pédagogiques susceptibles de renforcer l'efficacité des services éducatifs ;
10. promouvoir la
diversité linguistique dans l'espace numérique et encourager l'accès universel,
à travers les réseaux mondiaux, à toutes les informations qui relèvent du
domaine public ;
11. lutter contre la
fracture numérique - en étroite coopération avec les institutions compétentes du
système des Nations Unies - en favorisant l'accès des pays en développement aux
nouvelles technologies, en les aidant à maîtriser les technologies de
l'information et en facilitant à la fois la circulation numérique des produits
culturels endogènes et l'accès de ces pays aux ressources numériques d'ordre
éducatif, culturel et scientifique, disponibles à l'échelle mondiale ;
12. stimuler
la production, la sauvegarde et la diffusion de contenus diversifiés dans les
médias et les réseaux mondiaux d'information et, à cette fin, promouvoir le rôle
des services publics de radiodiffusion et de télévision pour le développement de
productions audiovisuelles de qualité, en particulier en favorisant la mise en
place de mécanismes coopératifs susceptibles d'en faciliter la diffusion ;
13. élaborer des
politiques et des stratégies de préservation et de mise en valeur du patrimoine
culturel et naturel, notamment du patrimoine culturel oral et immatériel, et
combattre le trafic illicite de biens et de services culturels ;
14. respecter
et protéger les savoirs traditionnels, notamment ceux des populations
autochtones ; reconnaître l'apport des connaissances traditionnelles en matière
de protection de l'environnement et de gestion des ressources naturelles et
favoriser des synergies entre la science moderne et les savoirs locaux ;
15. soutenir la
mobilité des créateurs, des artistes, des chercheurs, des scientifiques et des
intellectuels et le développement de programmes et de partenariats
internationaux de recherche, tout en s'efforçant de préserver et d’accroître la
capacité créatrice des pays en développement et en transition ;
16. assurer la
protection des droits d'auteurs et des droits qui leur sont associés, dans
l'intérêt du développement de la créativité contemporaine et d'une rémunération
équitable du travail créatif, tout en défendant un droit public d'accès à la
culture, conformément à l'article 27 de la Déclaration universelle des droits de
l'homme ;
17. aider à
l'émergence ou à la consolidation d'industries culturelles dans les pays en
développement et les pays en transition et, à cet effet, coopérer au
développement des infrastructures et des compétences nécessaires, soutenir
l'émergence de marchés locaux viables et faciliter l'accès des biens culturels
de ces pays au marché mondial et aux circuits de distribution internationaux ;
18. développer des
politiques culturelles susceptibles de promouvoir les principes inscrits dans la
présente Déclaration, y compris par le biais de mécanismes de soutien
opérationnel et/ou de cadres réglementaires appropriés, dans le respect des
obligations internationales propres à chaque
État ;
19. associer
étroitement les différents secteurs de la société civile à la définition des
politiques publiques visant à sauvegarder et promouvoir la diversité
culturelle ;
20.
reconnaître et encourager la contribution que le secteur privé peut apporter à
la valorisation de la diversité culturelle, et faciliter, à cet effet, la mise
en place d'espaces de dialogue entre secteur public et secteur privé.
Les États membres recommandent au Directeur général de prendre en considération les objectifs énoncés dans le présent Plan d'action pour la mise en oeuvre des programmes de l'UNESCO et de communiquer ce dernier aux institutions du système des Nations Unies et aux autres organisations intergouvernementales et non gouvernementales concernées en vue de renforcer la synergie des actions en faveur de la diversité culturelle.
______________
1. Parmi lesquels, en particulier, l’Accord de Florence de
1950 et son Protocole de Nairobi de 1976, la Convention universelle sur les
droits d’auteur de 1952, la Déclaration de principes de la coopération
culturelle internationale de 1966, la Convention concernant les mesures à
prendre pour interdire et empêcher l’importation, l’exportation et le transfert
de propriété illicites des biens culturels de 1970, la Convention pour la
protection du patrimoine mondial, culturel et naturel de 1972, la Déclaration de
l’UNESCO sur la race et les préjugés raciaux de 1978, la Recommandation relative
à la condition de l’artiste de 1980 et la Recommandation sur la sauvegarde de la
culture traditionnelle et populaire de 1989.
2. Définition conforme aux conclusions de la Conférence
mondiale sur les politiques culturelles (MONDIACULT, Mexico, 1982), de la
Commission mondiale de la culture et du développement (Notre diversité
créatrice, 1995) et de la Conférence intergouvernementale sur les politiques
culturelles pour le développement (Stockholm, 1998).
Dernière mise à jour 28/08/03 (http://www.unesco.org)
Projet de Convention internationale sur la diversité culturelle : propositions françaises
La diversité culturelle sera à l'ordre du jour de la 32ème session de la Conférence générale de l'UNESCO, entre le 29 septembre et le 17 octobre 2003. La Conférence générale devra, à cette occasion, prendre une décision sur la question de l'élaboration d'un nouvel instrument international sur la diversité culturelle.
Projet de Convention internationale sur la diversité culturelle :
propositions françaises
Dernière mise à jour : 01/08/03
Face au risque de nivellement et d'uniformisation des expressions culturelles et linguistiques sous l'effet de la mondialisation, la communauté internationale a pris conscience progressivement de la nécessité de s'engager, aux côtés des créateurs, en faveur d'une action concertée et déterminée.
La Déclaration universelle sur la diversité culturelle, adoptée à l'unanimité, le 2 novembre 2001, par la Conférence générale de l'UNESCO, en a constitué la première étape. La récente décision prise par le Conseil exécutif, à sa dernière session, de saisir formellement la Conférence générale, à l'automne 2003 (29 septembre-17 octobre), sur l'opportunité et la forme d'une Convention mondiale en faveur de la diversité culturelle a conféré à ce processus un nouvel élan.
Les réflexions françaises, ci-après développées, visent à mieux cerner les principaux points qui pourraient figurer dans le futur instrument et ont ainsi pour objectif de contribuer au processus engagé sous l'égide de l'UNESCO, à l'approche de la 32ème session de la Conférence Générale. Ces réflexions doivent beaucoup au travail approfondi de réflexion mené depuis plusieurs années dans le cadre du RIPC (Réseau International sur la Politique Culturelle).
Ces propositions ont, par définition, vocation à être débattues de la manière la plus ouverte, la plus large et la plus transparente possible, avec tous les gouvernements intéressés, les organisations internationales, les représentants de la société civile, les professionnels de la culture et les artistes eux-mêmes.
1/ Quel doit être le cadre de référence de la Convention ?
La Convention doit s'inscrire dans le contexte des grands instruments fondateurs du droit international relatif à la culture, qu'il s'agisse de la Déclaration universelle des Droits de l'homme, et des deux Pactes internationaux de 1966 (Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, Pacte international relatif aux droits civils et politiques). Elle doit également apparaître comme le prolongement de la Déclaration universelle sur la diversité culturelle de l'UNESCO.
2/ Quel est l'objet de la Convention ?
Ce texte a pour objectif de promouvoir le développement culturel et d'affirmer le principe d'ouverture de chaque culture aux autres cultures. Il ne s'agit en aucun cas d'encourager le repli sur les cultures nationales, pas plus que le protectionnisme.
Conformément à l'esprit de la déclaration universelle sur la diversité culturelle, adoptée par consensus, la Convention devrait viser trois grands objectifs :
- la reconnaissance de la spécificité des biens et services culturels,
- le droit des gouvernements à adopter ou maintenir des mesures qu'ils jugent appropriées à la préservation de leur patrimoine culturel et au développement de leurs expressions culturelles et linguistiques,
- le renforcement de la solidarité au niveau international.
Cette Convention devrait couvrir les biens et services culturels, c'est-à-dire le produit de la création artistique, individuelle ou collective, qui présentent généralement la caractéristique d'être protégés par le droit d'auteur et les droits voisins.
3/ Quels doivent en être les principes généraux ?
Afin d'assurer à la nouvelle Convention les meilleures chances d'atteindre son principal objectif, les principes suivants devraient figurer dans le texte :
le nécessaire équilibre inhérent à la notion de diversité culturelle (la diversité culturelle implique, d'une part, la préservation des expressions culturelles à l'échelle nationale, d'autre part, l'ouverture aux autres cultures) ;
la transparence des politiques culturelles ;
les conditions d'expression de la diversité culturelle (liberté d'expression et d'information, respect des droits de l'homme, régime de la propriété intellectuelle).
4/ Quels types de politiques publiques entrent dans le champ de la Convention ?
Au niveau national, la Convention viserait à consacrer en droit la légitimité des politiques culturelles, qui se traduisent notamment sous la forme de mesures législatives, réglementaires ou financières.
Les Parties pourraient ainsi, dans le respect des principes d'équilibre et de transparence posés par la Convention, définir et mettre en œuvre les mesures réglementaires et de soutien propres à assurer la préservation et le développement de la diversité culturelle. Elles pourraient notamment adopter des réglementations et en garantir l'application afin de réserver une proportion de leur espace culturel aux biens et services culturels nationaux, incluant, le cas échéant, des dispositions relatives à la langue desdits biens et services.
Ces réglementations pourraient également prévoir l'adoption de mesures assurant aux créateurs et aux industries culturelles indépendantes un accès effectif aux moyens de production, de distribution et de diffusion de leurs œuvres.
Il serait, enfin, reconnu aux Parties à la Convention le droit d'accorder des aides publiques, dont il leur appartiendrait de définir la nature, l'importance et les bénéficiaires, afin de préserver et promouvoir la diversité culturelle.
5/ Comment faire de la Convention un outil de solidarité internationale ?
Le renforcement des politiques de coopération internationale dans le domaine culturel doit constituer l'une des priorités d'action des Parties à la Convention et témoigner d'un effort particulier en direction des pays en développement. La Convention pourrait ainsi envisager d'encourager les mesures suivantes :
Accès des biens et services culturels des pays en développement : les mesures envisagées pourraient s'inspirer des dispositions adoptées par plusieurs pays développés, visant à promouvoir l'accès aux biens et services culturels des pays en développement et à permettre un accès privilégié pour les pays les moins avancés ;
Incitation à la conclusion d'accords de coproduction cinématographique et/ou audiovisuelle qui permettraient aux productions étrangères d'être considérées comme nationales et faciliteraient l'accès aux aides nationales et la diffusion des œuvres coproduites ;
Incitation à la conclusion d'accords de coopération culturelle : les parties à la Convention s'engageraient à coopérer au développement et au renforcement des compétences et moyens institutionnels en matière de production culturelle, en prévoyant notamment des actions de formation des créateurs et des professionnels de la culture, des aides à la professionnalisation des industries culturelles locales et des soutiens à l'organisation des manifestations mettant en valeur les productions culturelles.
6/ Quelle devrait être l'articulation de la future Convention avec le droit international existant ?
Le projet de Convention n'a pas pour but de remettre en cause l'ordre juridique international actuel.
Au contraire, l'objectif visé est la compatibilité des normes internationales entre elles, sans pour autant créer de liens de subordination. Il convient, en effet, à la fois de reconnaître la spécificité d'une norme internationale en matière de diversité culturelle emportant un certain nombre d'obligations spécifiques, et de veiller, dans le même temps, à une articulation convenable de cette norme avec le droit existant.
La future Convention pourrait, sur ce point, s'inspirer des dispositions retenues dans d'autres accords internationaux, tels que les accords multilatéraux sur l'environnement.
7/ Quelles pourraient être les modalités de suivi et de mise en œuvre de la Convention ?
Afin d'éviter de recourir à des mécanismes trop lourds, et compte tenu des contraintes budgétaires de l'UNESCO, il pourrait être envisagé de créer un Comité à composition limitée, assurant une représentation équitable des différentes régions et cultures du monde, et pouvant recourir, autant que de besoin, aux services compétents de l'UNESCO, à des organismes publics ou privés, à des experts indépendants.
Le Comité opèrerait la synthèse des rapports nationaux, fournirait des évaluations sur la situation en matière de diversité culturelle, émettrait des recommandations et des avis sur la mise en œuvre des dispositions de la Convention par les Parties. Il pourrait également procéder à l'examen des politiques culturelles conformément aux engagements souscrits par les Parties. Ce Comité se réunirait au moins tous les deux ans et, le cas échéant, à la demande d'un tiers des Etats parties.
En cas de litige entre les Parties, plusieurs étapes pourraient être envisagées (solution par voie de négociation, appel aux bons offices ou à la médiation d'une tierce partie, arbitrage, soumission du différend à la Cour Internationale de Justice), afin d'astreindre les Parties à un minimum de concertation et à une procédure de conciliation, tout en leur laissant la faculté de choisir des modes de règlement des litiges plus contraignants.
La France et la diversité culturelle
Dernière mise à jour : 06/03/03