Diversité culturelle - Déclaration universelle de l'UNESCO (2001) et projet français

La diversité culturelle sera à l'ordre du jour de la 32ème session de la Conférence générale de l'UNESCO, entre le 29 septembre et le 17 octobre 2003.
Deux documents préliminaires à parcourir :
- Déclaration universelle de l'UNESCO sur la diversité culturelle - De la diversité au pluralisme (Adoptée en novembre 2001 à Paris)
- Projet de Convention internationale sur la diversité culturelle : propositions françaises


Déclaration universelle de l'UNESCO sur la diversité culturelle - De la diversité au pluralisme
Adoptée en novembre 2001 à Paris

La Conférence générale,

Attachée à la pleine réalisation des droits de l'homme et des libertés fondamentales proclamés dans la Déclaration universelle des droits de l'homme et dans d'autres instruments universellement reconnus, tels que les deux Pactes internationaux de 1966 relatifs l'un aux droits civils et politiques et l'autre aux droits économiques, sociaux et culturels,

Rappelant que le Préambule de l'Acte constitutif de l'UNESCO affirme "(…) que la dignité de l'homme exigeant la diffusion de la culture et l'éducation de tous en vue de la justice, de la liberté et de la paix, il y a là, pour toutes les nations, des devoirs sacrés à remplir dans un esprit de mutuelle assistance",

Rappelant également son Article premier qui assigne entre autres buts à l'UNESCO de recommander "les accords internationaux qu'elle juge utiles pour faciliter la libre circulation des idées par le mot et par l'image",

Se référant aux dispositions ayant trait à la diversité culturelle et à l'exercice des droits culturels figurant dans les instruments internationaux promulgués par l'UNESCO ¹ ,

Réaffirmant que la culture doit être considérée comme l'ensemble des traits distinctifs spirituels et matériels, intellectuels et affectifs qui caractérisent une société ou un groupe social et qu'elle englobe, outre les arts et les lettres, les modes de vie, les façons de vivre ensemble, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances ² ,

Constatant que la culture se trouve au cœur des débats contemporains sur l'identité, la cohésion sociale et le développement d'une économie fondée sur le savoir,

Affirmant que le respect de la diversité des cultures, la tolérance, le dialogue et la coopération, dans un climat de confiance et de compréhension mutuelles sont un des meilleurs gages de la paix et de la sécurité internationales,

Aspirant à une plus grande solidarité fondée sur la reconnaissance de la diversité culturelle, sur la prise de conscience de l'unité du genre humain et sur le développement des échanges interculturels,

Considérant que le processus de mondialisation, facilité par l'évolution rapide des nouvelles technologies de l'information et de la communication, bien que constituant un défi pour la diversité culturelle, crée les conditions d'un dialogue renouvelé entre les cultures et les civilisations,

Consciente du mandat spécifique qui a été confié à l’UNESCO, au sein du système des Nations Unies, d’assurer la préservation et la promotion de la féconde diversité des cultures,

Proclame les principes suivants et adopte la présente Déclaration :

IDENTITÉ, DIVERSITÉ ET PLURALISME

Article 1 - La diversité culturelle, patrimoine commun de l'humanité

La culture prend des formes diverses à travers le temps et l'espace. Cette diversité s'incarne dans l'originalité et la pluralité des identités qui caractérisent les groupes et les sociétés composant l'humanité. Source d’échanges, d'innovation et de créativité, la diversité culturelle est, pour le genre humain, aussi nécessaire qu'est la biodiversité dans l'ordre du vivant. En ce sens, elle constitue le patrimoine commun de l'humanité et elle doit être reconnue et affirmée au bénéfice des générations présentes et des générations futures.

Article 2 - De la diversité culturelle au pluralisme culturel

Dans nos sociétés de plus en plus diversifiées, il est indispensable d’assurer une interaction harmonieuse et un vouloir vivre ensemble de personnes et de groupes aux identités culturelles à la fois plurielles, variées et dynamiques. Des politiques favorisant l'inclusion et la participation de tous les citoyens sont garantes de la cohésion sociale, de la vitalité de la société civile et de la paix. Ainsi défini, le pluralisme culturel constitue la réponse politique au fait de la diversité culturelle. Indissociable d'un cadre démocratique, le pluralisme culturel est propice aux échanges culturels et à l'épanouissement des capacités créatrices qui nourrissent la vie publique.

Article 3 - La diversité culturelle, facteur de développement

La diversité culturelle élargit les possibilités de choix offertes à chacun ; elle est l’une des sources du développement, entendu non seulement en termes de croissance économique, mais aussi comme moyen d'accéder à une existence intellectuelle, affective, morale et spirituelle satisfaisante.

DIVERSITÉ CULTURELLE ET DROITS DE L'HOMME

Article 4 - Les droits de l'homme, garants de la diversité culturelle

La défense de la diversité culturelle est un impératif éthique, inséparable du respect de la dignité de la personne humaine. Elle implique l'engagement de respecter les droits de l'homme et les libertés fondamentales, en particulier les droits des personnes appartenant à des minorités et ceux des peuples autochtones. Nul ne peut invoquer la diversité culturelle pour porter atteinte aux droits de l'homme garantis par le droit international, ni pour en limiter la portée.

Article 5 - Les droits culturels, cadre propice de la diversité culturelle

Les droits culturels sont partie intégrante des droits de l'homme, qui sont universels, indissociables et interdépendants. L'épanouissement d'une diversité créatrice exige la pleine réalisation des droits culturels, tels qu'ils sont définis à l'article 27 de la Déclaration universelle des droits de l'homme et aux articles 13 et 15 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Toute personne doit ainsi pouvoir s'exprimer, créer et diffuser ses oeuvres dans la langue de son choix et en particulier dans sa langue maternelle ; toute personne a le droit à une éducation et une formation de qualité qui respectent pleinement son identité culturelle ; toute personne doit pouvoir participer à la vie culturelle de son choix et exercer ses propres pratiques culturelles, dans les limites qu’impose le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Article 6 - Vers une diversité culturelle accessible à tous

Tout en assurant la libre circulation des idées par le mot et par l'image, il faut veiller à ce que toutes les cultures puissent s'exprimer et se faire connaître. La liberté d'expression, le pluralisme des médias, le multilinguisme, l'égalité d'accès aux expressions artistiques, au savoir scientifique et technologique - y compris sous la forme numérique - et la possibilité, pour toutes les cultures, d'être présentes dans les moyens d'expression et de diffusion, sont les garants de la diversité culturelle.

DIVERSITÉ CULTURELLE ET CRÉATIVITÉ

Article 7 - Le patrimoine culturel, aux sources de la créativité

Chaque création puise aux racines des traditions culturelles, mais s'épanouit au contact des autres. C'est pourquoi le patrimoine, sous toutes ses formes, doit être préservé, mis en valeur et transmis aux générations futures en tant que témoignage de l'expérience et des aspirations humaines, afin de nourrir la créativité dans toute sa diversité et d'instaurer un véritable dialogue entre les cultures.

Article 8 - Les biens et services culturels, des marchandises pas comme les autres

Face aux mutations économiques et technologiques actuelles, qui ouvrent de vastes perspectives pour la création et l'innovation, une attention particulière doit être accordée à la diversité de l'offre créatrice, à la juste prise en compte des droits des auteurs et des artistes ainsi qu'à la spécificité des biens et services culturels qui, parce qu'ils sont porteurs d'identité, de valeurs et de sens, ne doivent pas être considérés comme des marchandises ou des biens de consommation comme les autres.

Article 9 - Les politiques culturelles, catalyseur de la créativité

Tout en assurant la libre circulation des idées et des oeuvres, les politiques culturelles doivent créer les conditions propices à la production et à la diffusion de biens et services culturels diversifiés, grâce à des industries culturelles disposant des moyens de s'affirmer à l'échelle locale et mondiale. Il revient à chaque Etat, dans le respect de ses obligations internationales, de définir sa politique culturelle et de la mettre en oeuvre par les moyens d'action qu'il juge les mieux adaptés, qu'il s'agisse de soutiens opérationnels ou de cadres réglementaires appropriés.

DIVERSITÉ CULTURELLE ET SOLIDARITÉ INTERNATIONALE

Article 10 - Renforcer les capacités de création et de diffusion à l'échelle mondiale

Face aux déséquilibres que présentent actuellement les flux et les échanges des biens culturels à l'échelle mondiale, il faut renforcer la coopération et la solidarité internationales destinées à permettre à tous les pays, en particulier aux pays en développement et aux pays en transition, de mettre en place des industries culturelles viables et compétitives sur les plans national et international.

Article 11 - Forger des partenariats entre secteur public, secteur privé et société civile

Les seules forces du marché ne peuvent garantir la préservation et la promotion de la diversité culturelle, gage d’un développement humain durable. Dans cette perspective, il convient de réaffirmer le rôle primordial des politiques publiques, en partenariat avec le secteur privé et la société civile.

Article 12 - Le rôle de l'UNESCO

L'UNESCO, de par son mandat et ses fonctions, a la responsabilité de :

(a) promouvoir la prise en compte des principes énoncés par la présente Déclaration dans les stratégies de développement élaborées au sein des diverses instances intergouvernementales;

(b) servir d'instance de référence et de concertation entre les États, les organismes gouvernementaux et non gouvernementaux internationaux, la société civile et le secteur privé pour l'élaboration conjointe de concepts, d'objectifs et de politiques en faveur de la diversité culturelle ;

(c) poursuivre son action normative, son action de sensibilisation et de développement des capacités dans les domaines liés à la présente Déclaration qui relèvent de sa compétence ;

(d) faciliter la mise en oeuvre du Plan d'action, dont les lignes essentielles sont annexées à la présente Déclaration.

Lignes essentielles d'un Plan d'action pour la mise en œuvre de la Déclaration de l'UNESCO sur la diversité culturelle

Les États membres s'engagent à prendre les mesures appropriées pour diffuser largement la Déclaration universelle de l'UNESCO sur la diversité culturelle et pour encourager son application effective, en coopérant notamment à la réalisation des objectifs suivants :

1. approfondir le débat international sur les questions relatives à la diversité culturelle, en particulier celles qui ont trait à ses liens avec le développement et à son impact sur la formulation des politiques, à l'échelle aussi bien nationale qu'internationale ; avancer notamment la réflexion concernant l’opportunité d’un instrument juridique international sur la diversité culturelle ;

2. progresser dans la définition des principes, des normes et des pratiques, tant au niveau national qu’international, ainsi que des moyens de sensibilisation et des formes de coopération les plus propices à la sauvegarde et à la promotion de la diversité culturelle ;

3. favoriser l'échange des connaissances et des meilleures pratiques en matière de pluralisme culturel, en vue de faciliter, dans des sociétés diversifiées, l'inclusion et la participation de personnes et de groupes venant d'horizons culturels variés ;

4. avancer dans la compréhension et la clarification du contenu des droits culturels, en tant que partie intégrante des droits de l'homme ;

5. sauvegarder le patrimoine linguistique de l'humanité et soutenir l'expression, la création, et la diffusion dans le plus grand nombre possible de langues ;

6. encourager la diversité linguistique - dans le respect de la langue maternelle - à tous les niveaux de l'éducation, partout où c'est possible, et stimuler l'apprentissage du plurilinguisme dès le plus jeune âge ;  

7. susciter, à travers l'éducation, une prise de conscience de la valeur positive de la diversité culturelle et améliorer à cet effet tant la formulation des programmes scolaires que la formation des enseignants ;

8. incorporer dans le processus éducatif, en tant que de besoin, des approches pédagogiques traditionnelles afin de préserver et d'optimiser des méthodes culturellement appropriées pour la communication et la transmission du savoir ;

9. encourager l'"alphabétisation numérique" et accroître la maîtrise des nouvelles technologies de l'information et de la communication, qui doivent être considérées aussi bien comme des disciplines d'enseignement que comme des outils pédagogiques susceptibles de renforcer l'efficacité des services éducatifs ;

10. promouvoir la diversité linguistique dans l'espace numérique et encourager l'accès universel, à travers les réseaux mondiaux, à toutes les informations qui relèvent du domaine public ;

11. lutter contre la fracture numérique - en étroite coopération avec les institutions compétentes du système des Nations Unies - en favorisant l'accès des pays en développement aux nouvelles technologies, en les aidant à maîtriser les technologies de l'information et en facilitant à la fois la circulation numérique des produits culturels endogènes et l'accès de ces pays aux ressources numériques d'ordre éducatif, culturel et scientifique, disponibles à l'échelle mondiale ;

12. stimuler la production, la sauvegarde et la diffusion de contenus diversifiés dans les médias et les réseaux mondiaux d'information et, à cette fin, promouvoir le rôle des services publics de radiodiffusion et de télévision pour le développement de productions audiovisuelles de qualité, en particulier en favorisant la mise en place de mécanismes coopératifs susceptibles d'en faciliter la diffusion ;

13. élaborer des politiques et des stratégies de préservation et de mise en valeur du patrimoine culturel et naturel, notamment du patrimoine culturel oral et immatériel, et combattre le trafic illicite de biens et de services culturels ;

14. respecter et protéger les savoirs traditionnels, notamment ceux des populations autochtones ; reconnaître l'apport des connaissances traditionnelles en matière de protection de l'environnement et de gestion des ressources naturelles et favoriser des synergies entre la science moderne et les savoirs locaux ;

15. soutenir la mobilité des créateurs, des artistes, des chercheurs, des scientifiques et des intellectuels et le développement de programmes et de partenariats internationaux de recherche, tout en s'efforçant de préserver et d’accroître la capacité créatrice des pays en développement et en transition ;

16. assurer la protection des droits d'auteurs et des droits qui leur sont associés, dans l'intérêt du développement de la créativité contemporaine et d'une rémunération équitable du travail créatif, tout en défendant un droit public d'accès à la culture, conformément à l'article 27 de la Déclaration universelle des droits de l'homme ;

17. aider à l'émergence ou à la consolidation d'industries culturelles dans les pays en développement et les pays en transition et, à cet effet, coopérer au développement des infrastructures et des compétences nécessaires, soutenir l'émergence de marchés locaux viables et faciliter l'accès des biens culturels de ces pays au marché mondial et aux circuits de distribution internationaux ;

18. développer des politiques culturelles susceptibles de promouvoir les principes inscrits dans la présente Déclaration, y compris par le biais de mécanismes de soutien opérationnel et/ou de cadres réglementaires appropriés, dans le respect des obligations internationales propres à chaque État ;

19. associer étroitement les différents secteurs de la société civile à la définition des politiques publiques visant à sauvegarder et promouvoir la diversité culturelle ;

20. reconnaître et encourager la contribution que le secteur privé peut apporter à la valorisation de la diversité culturelle, et faciliter, à cet effet, la mise en place d'espaces de dialogue entre secteur public et secteur privé.

Les États membres recommandent au Directeur général de prendre en considération les objectifs énoncés dans le présent Plan d'action pour la mise en oeuvre des programmes de l'UNESCO et de communiquer ce dernier aux institutions du système des Nations Unies et aux autres organisations intergouvernementales et non gouvernementales concernées en vue de renforcer la synergie des actions en faveur de la diversité culturelle.

______________

1.  Parmi lesquels, en particulier, l’Accord de Florence de 1950 et son Protocole de Nairobi de 1976, la Convention universelle sur les droits d’auteur de 1952, la Déclaration de principes de la coopération culturelle internationale de 1966, la Convention concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l’importation, l’exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels de 1970, la Convention pour la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel de 1972, la Déclaration de l’UNESCO sur la race et les préjugés raciaux de 1978, la Recommandation relative à la condition de l’artiste de 1980 et la Recommandation sur la sauvegarde de la culture traditionnelle et populaire de 1989.

2.  Définition conforme aux conclusions de la Conférence mondiale sur les politiques culturelles (MONDIACULT, Mexico, 1982), de la Commission mondiale de la culture et du  développement (Notre diversité créatrice, 1995) et de la Conférence intergouvernementale sur les politiques culturelles pour le développement (Stockholm, 1998).

Dernière mise à jour 28/08/03  (http://www.unesco.org)


Projet de Convention internationale sur la diversité culturelle : propositions françaises

Déclaration du porte-parole du Quai d'Orsay
(http://www.diplomatie.gouv.fr/index.html - Paris, le 1er août 2003)

La diversité culturelle sera à l'ordre du jour de la 32ème session de la Conférence générale de l'UNESCO, entre le 29 septembre et le 17 octobre 2003. La Conférence générale devra, à cette occasion, prendre une décision sur la question de l'élaboration d'un nouvel instrument international sur la diversité culturelle.

 
L'adoption d'une convention mondiale sur la diversité culturelle permettrait d'ériger la diversité en principe du droit international. En affirmant que la diversité culturelle appartient au patrimoine commun de l'humanité, cette convention consacrerait en droit l'égale dignité de toutes les cultures, la possibilité pour les Etats de conduire des politiques publiques soutenant la création, ainsi que le caractère exceptionnel des biens culturels.
La France souhaite ouvrir très largement le débat et invite les gouvernements intéressés, les organisations internationales, les représentants de la société civile, les professionnels de la culture et les artistes eux-mêmes à réfléchir ensemble à ce que pourrait être ce futur instrument. Les propositions, que vous trouverez sur le site Internet du ministère dès cet après-midi, ont, par conséquent, vocation à être débattues de la manière la plus large, la plus ouverte et la plus transparente possible.

 

Projet de Convention internationale sur la diversité culturelle : propositions françaises
Dernière mise à jour : 01/08/03

Face au risque de nivellement et d'uniformisation des expressions culturelles et linguistiques sous l'effet de la mondialisation, la communauté internationale a pris conscience progressivement de la nécessité de s'engager, aux côtés des créateurs, en faveur d'une action concertée et déterminée.

La Déclaration universelle sur la diversité culturelle, adoptée à l'unanimité, le 2 novembre 2001, par la Conférence générale de l'UNESCO, en a constitué la première étape. La récente décision prise par le Conseil exécutif, à sa dernière session, de saisir formellement la Conférence générale, à l'automne 2003 (29 septembre-17 octobre), sur l'opportunité et la forme d'une Convention mondiale en faveur de la diversité culturelle a conféré à ce processus un nouvel élan.

Les réflexions françaises, ci-après développées, visent à mieux cerner les principaux points qui pourraient figurer dans le futur instrument et ont ainsi pour objectif de contribuer au processus engagé sous l'égide de l'UNESCO, à l'approche de la 32ème session de la Conférence Générale. Ces réflexions doivent beaucoup au travail approfondi de réflexion mené depuis plusieurs années dans le cadre du RIPC (Réseau International sur la Politique Culturelle).

Ces propositions ont, par définition, vocation à être débattues de la manière la plus ouverte, la plus large et la plus transparente possible, avec tous les gouvernements intéressés, les organisations internationales, les représentants de la société civile, les professionnels de la culture et les artistes eux-mêmes.

 

1/ Quel doit être le cadre de référence de la Convention ?

La Convention doit s'inscrire dans le contexte des grands instruments fondateurs du droit international relatif à la culture, qu'il s'agisse de la Déclaration universelle des Droits de l'homme, et des deux Pactes internationaux de 1966 (Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, Pacte international relatif aux droits civils et politiques). Elle doit également apparaître comme le prolongement de la Déclaration universelle sur la diversité culturelle de l'UNESCO.

 

2/ Quel est l'objet de la Convention ?

Ce texte a pour objectif de promouvoir le développement culturel et d'affirmer le principe d'ouverture de chaque culture aux autres cultures. Il ne s'agit en aucun cas d'encourager le repli sur les cultures nationales, pas plus que le protectionnisme.

Conformément à l'esprit de la déclaration universelle sur la diversité culturelle, adoptée par consensus, la Convention devrait viser trois grands objectifs :

- la reconnaissance de la spécificité des biens et services culturels,

- le droit des gouvernements à adopter ou maintenir des mesures qu'ils jugent appropriées à la préservation de leur patrimoine culturel et au développement de leurs expressions culturelles et linguistiques,

- le renforcement de la solidarité au niveau international.

Cette Convention devrait couvrir les biens et services culturels, c'est-à-dire le produit de la création artistique, individuelle ou collective, qui présentent généralement la caractéristique d'être protégés par le droit d'auteur et les droits voisins.

 

3/ Quels doivent en être les principes généraux ?

Afin d'assurer à la nouvelle Convention les meilleures chances d'atteindre son principal objectif, les principes suivants devraient figurer dans le texte :

 

4/ Quels types de politiques publiques entrent dans le champ de la Convention ?

Au niveau national, la Convention viserait à consacrer en droit la légitimité des politiques culturelles, qui se traduisent notamment sous la forme de mesures législatives, réglementaires ou financières.

Les Parties pourraient ainsi, dans le respect des principes d'équilibre et de transparence posés par la Convention, définir et mettre en œuvre les mesures réglementaires et de soutien propres à assurer la préservation et le développement de la diversité culturelle. Elles pourraient notamment adopter des réglementations et en garantir l'application afin de réserver une proportion de leur espace culturel aux biens et services culturels nationaux, incluant, le cas échéant, des dispositions relatives à la langue desdits biens et services.

Ces réglementations pourraient également prévoir l'adoption de mesures assurant aux créateurs et aux industries culturelles indépendantes un accès effectif aux moyens de production, de distribution et de diffusion de leurs œuvres.

Il serait, enfin, reconnu aux Parties à la Convention le droit d'accorder des aides publiques, dont il leur appartiendrait de définir la nature, l'importance et les bénéficiaires, afin de préserver et promouvoir la diversité culturelle.

 

5/ Comment faire de la Convention un outil de solidarité internationale ?

Le renforcement des politiques de coopération internationale dans le domaine culturel doit constituer l'une des priorités d'action des Parties à la Convention et témoigner d'un effort particulier en direction des pays en développement. La Convention pourrait ainsi envisager d'encourager les mesures suivantes :

 

6/ Quelle devrait être l'articulation de la future Convention avec le droit international existant ?

Le projet de Convention n'a pas pour but de remettre en cause l'ordre juridique international actuel.

Au contraire, l'objectif visé est la compatibilité des normes internationales entre elles, sans pour autant créer de liens de subordination. Il convient, en effet, à la fois de reconnaître la spécificité d'une norme internationale en matière de diversité culturelle emportant un certain nombre d'obligations spécifiques, et de veiller, dans le même temps, à une articulation convenable de cette norme avec le droit existant.

La future Convention pourrait, sur ce point, s'inspirer des dispositions retenues dans d'autres accords internationaux, tels que les accords multilatéraux sur l'environnement.

 

7/ Quelles pourraient être les modalités de suivi et de mise en œuvre de la Convention ?

Afin d'éviter de recourir à des mécanismes trop lourds, et compte tenu des contraintes budgétaires de l'UNESCO, il pourrait être envisagé de créer un Comité à composition limitée, assurant une représentation équitable des différentes régions et cultures du monde, et pouvant recourir, autant que de besoin, aux services compétents de l'UNESCO, à des organismes publics ou privés, à des experts indépendants.

Le Comité opèrerait la synthèse des rapports nationaux, fournirait des évaluations sur la situation en matière de diversité culturelle, émettrait des recommandations et des avis sur la mise en œuvre des dispositions de la Convention par les Parties. Il pourrait également procéder à l'examen des politiques culturelles conformément aux engagements souscrits par les Parties. Ce Comité se réunirait au moins tous les deux ans et, le cas échéant, à la demande d'un tiers des Etats parties.

En cas de litige entre les Parties, plusieurs étapes pourraient être envisagées (solution par voie de négociation, appel aux bons offices ou à la médiation d'une tierce partie, arbitrage, soumission du différend à la Cour Internationale de Justice), afin d'astreindre les Parties à un minimum de concertation et à une procédure de conciliation, tout en leur laissant la faculté de choisir des modes de règlement des litiges plus contraignants.


La France et la diversité culturelle
Dernière mise à jour : 06/03/03

1. Qu'est ce que la diversité culturelle ?
 
Indissociable de la dignité humaine, la diversité culturelle constitue la condition première au dialogue des cultures.
Que l'on se place au niveau des individus, des groupes ou des Etats, elle intègre en effet une double dimension :
 
- elle renvoie tout d'abord aux différentes expressions culturelles, qu'elles soient passées (le patrimoine) ou présentes (la création) ;
- parallèlement, elle jette des passerelles entre les cultures en favorisant leur compréhension mutuelle et la créativité, gages d'enrichissement commun.
Elle recouvre le droit des Etats à soutenir à la fois la création nationale et l'accès du public à la pluralité des cultures du monde.
 
2. En quoi la diversité culturelle est-elle menacée ?
 
Il est admis que la mondialisation de l'économie et les progrès des technologies de l'information et de la communication, en facilitant la circulation des biens et services culturels, favorisent les contacts et échanges entre cultures.
 
Cependant, les évolutions à l'œuvre ne jouent pas forcément en faveur de relations culturelles équilibrées. La nécessité pour les entreprises d'appréhender des marchés globaux les incite à la concentration et à la production de biens et services uniformisés, y compris dans le domaine culturel. Les risques de domination et d'appauvrissement culturels qui en résultent justifient le recours à des politiques publiques de nature à garantir différentes formes d'expression culturelle ainsi que l'accès à une offre culturelle variée.
 
Ces politiques publiques sont aujourd'hui menacées : la liberté des Etats de définir et de mettre en œuvre des actions de préservation et de promotion de la diversité culturelle n'est pas compatible avec l'application de règles de libéralisation du commerce.
 
A l'OMC, l'objectif de diversité culturelle impose d'éviter les engagements de libéralisation dans les secteurs des biens et services culturels. Cette position a été celle d'une majorité d'Etats membres de l'organisation lors du cycle de l'Uruguay. Alors qu'un nouveau cycle s'engage, il est essentiel que les Etats qui n'entendent pas se priver de manière irréversible de leurs marges de manœuvre en matière de politique culturelle s'abstiennent soit de prendre des engagements de libéralisation supplémentaires soit de souscrire à de tels engagements lors de leur accession à l'OMC.
 
3. Que peut-on faire ? Consacrer en droit la diversité culturelle.
 
Adoptée à l'unanimité le 2 novembre 2001, lors de la 31ème session de la Conférence générale, la Déclaration universelle de l'UNESCO sur la diversité culturelle a constitué une avancée majeure dans la reconnaissance par la communauté internationale de l'importance de la préservation et de la promotion de la diversité culturelle.
Ce texte énonce des principes et engage l'UNESCO et ses Etats membres à lui donner un prolongement :
 
- l'UNESCO se voit ainsi confier la responsabilité de " poursuivre son action normative (…) dans les domaines liés à la présente Déclaration qui relèvent de sa compétence " (article 12.c de la Déclaration) ;
- les Etats membres doivent pour leur part faire " avancer notamment la réflexion concernant l'opportunité d'un instrument juridique international sur la diversité culturelle " (point 1 du plan d'action annexé à la Déclaration).
 
Lors du sommet du développement durable de Johannesburg, en septembre 2002, le Président de la République française a réaffirmé le caractère exceptionnel des biens et services culturels, qui ne sont pas des marchandises comme les autres, et présenté la culture comme " le quatrième pilier du développement durable, aux côtés de l'économie, de l'environnement et de la préoccupation sociale ". Il s'est prononcé en faveur de " l'adoption par la communauté internationale d'une convention mondiale sur la diversité culturelle " qui " donnerait force de loi internationale aux principes de la Déclaration que vient d'adopter l'UNESCO ". Il a également indiqué qu'il revenait à l'UNESCO -instance universelle et politiquement légitime s'agissant de questions culturelles- d'en prendre la responsabilité.
Une ébauche de convention, élaborée au sein du Réseau international sur la politique culturelle (RIPC), a été présentée aux ministres de la Culture réunis en Afrique du Sud du 14 au 16 octobre 2002. Ils ont estimé que le texte constituait une base appropriée pour la poursuite de travaux et ont reconnu l'UNESCO comme l'enceinte multilatérale pertinente pour accueillir et mettre en œuvre la future convention sur la diversité culturelle.
 
Au sommet de Beyrouth (18-20 octobre 2002), les chefs d'Etat et de gouvernement francophones se sont à leur tour déclarés " décidés à contribuer activement à l'adoption par l'UNESCO d'une convention internationale sur la diversité culturelle, consacrant le droit des Etats et des gouvernements à maintenir, établir et développer des politiques de soutien à la culture et à la diversité culturelle". A l'issue de la conférence ministérielle de Lausanne (12-13 décembre 2002), un groupe de travail chargé de contribuer au débat international, notamment à l'UNESCO, a été créé.
 
4. Calendrier
 
Le dernier conseil exécutif de l'UNESCO a saisi formellement la conférence générale qui se tiendra à Paris à l'automne 2003 (29 septembre-17 octobre 2003). Il revient aux Etats membres de se prononcer sur l'opportunité et la forme de cette initiative, avec pour horizon l'adoption définitive d'un texte lors de la conférence générale de 2005.
 
Histoire et société