Pour un centre de
l'Amérique africaine
par Claude Ribbe, Paris, 14
janvier 2005
La vente à Lyon, le 12 janvier 2005, de documents relatifs
à la mémoire de l'esclavage et la réprobation qu'elle a
inévitablement suscitée prouvent au moins qu'il n'y a pas
de mémoire sans archives.
Or si c'est une chose que l'Etat préempte les pièces
historiques qui appartiennent au patrimoine public, c'en est une
autre de savoir comment il sera possible aux personnes
intéressées d'y accéder.
Tous les historiens qui ont travaillé sur l'histoire de
la diaspora africaine savent bien que les sources d'archives
françaises relatives à l'histoire de l'esclavage et de la
traite sont (volontairement ?) disséminées et
difficilement consultables, ce qui rend les recherches
particulièrement pénibles et coûteuses. Un exemple : les
archives de l'Outre-mer, délocalisées à Aix-en-Provence,
n'accordent le droit au chercheur qu'à 25 photocopies par
jour.
Ainsi, pour obtenir le fac-simile d'un document de 250
pages, faut-il rester dix jours sur place !
Par ailleurs, il semble curieux qu'il n'existe en France
aucune institution comparable au Schomburg Center de New
York qui dépend de la bibliothèque de cette ville et qui
a vocation de faire connaître l'histoire et les cultures
de la diaspora africaine.
Situé à Harlem, le Schomburg Center procède
régulièrement à l'acquisition de fonds archivistiques ou
iconographiques (dont beaucoup concernent la France) qui sont mis
à la disposition des chercheurs du monde entier. Des
expositions remarquables y sont régulièrement
organisées.
Qu'attend-on en France pour suivre cet exemple et créer un
centre de haut niveau scientifique voué aux cultures et à
l'histoire de la diaspora ?
Il y a bien une maison de l'Amérique latine. L'Amérique
étant, à ma connaissance, plus africaine que latine, à
quand le centre de l'Amérique africaine ?
On y conserverait les documents récemment acquis par
l'Etat ou cédés par les particuliers. Ces documents
pourraient être consultés sur place. Leur numérisation
systématique permettrait également d'y avoir accès par
internet.
La création d'un centre de cette nature, ce serait bien la
moindre des choses pour un ancien pays négrier qui s'est
singularisé en codifiant son crime en 1685, en
rétablissant l'esclavage et la traite en 1802, en inventant le
racisme scientifique.
Ce serait bien la moindre des choses pour un pays qui
se singularise encore en glorifiant officiellement
Napoléon, en affirmant implicitement dans l'article
premier de sa constitution - en hommage, sans doute à ce
héros corse précurseur du nazisme qui gazait au soufre
les mauvais "nègres" ou les entassait dans des
camps de concentration - que l'idée de race humaine aurait une
quelconque valeur !
NB: suite de l'Affaire de Lyon, "apologie de crime contre l'humanité et de génocide par Joss Rovélas"