CENTRAFRIQUE PAYS MORT OU LA RESSURECTION DEMOCRATIQUE

Serge BOZANGA, Henri GROTHE, Jean-Claude LENGA
Animateurs de kodro, kodro@egroups.fr
Kodro, 07 novembre 2000.

A les observer, Patassé, Dondon et Dologuélé se conduisent comme un trio d'esclavagistes. Ces hautes personnalités du pouvoir prédateur de Bangui-ville-des-Parias s'érigent en maîtres d'esclaves et propriétaires hargneux d'une grande exploitation concessionnaire digne des tristes années coloniales.

De fait, de par ses comportements et relations mafieuses, le trio PADODO est propriétaire du sol, du sous-sol et de tout ce qui bouge ou respire sur leur immense domaine ancestral ; l'ancien territoire de l'Oubangui-Chari. Esclaves des temps modernes, les Centrafricains se contenteraient d'oeuvrer à leur enrichissement personnel ; sans aucune contrepartie morale, matérielle et financière.

La crise sociale actuelle le confirme si bien.

Voilà un pays présenté démocratique, fiable économiquement, aux potentialités agricoles et minières insolentes, administré par des politiques et technocrates avertis et expérimentés, qui, paradoxalement, ne cesse de descendre aux enfers, cumulant crises sur crises

Une explication rationnellement patassiste tenta de justifier les nombreuses tares ou déficiences criminelles constatées, dans la gestion politique de l'Etat, par les "mutineries ", qui auraient laminé définitivement les efforts du régime prédateur, dans sa volonté de sortir le "pays où coulent le lait et le miel ", du marasme socio-économique hérité du précédent régime de Kolingba.

A cela s'ajouterait maintenant la démission des institutions de Bretton Woods, toujours selon les idéologues patentés du régime. Elles hésiteraient à secourir la République centrafricaine très atteinte économiquement alors que ses autorités auraient respecté scrupuleusement les règles sacro-saintes édictées, unilatéralement, par le Fmi et la Bm.

Alors que les actes Padodo ne sont que prédation et cynisme, deux épouvantails vinrent conforter l'édifice défensif.

* Le rocambolesque Patassé et ses sbires

Avec les mutineries, l'imagination fertile usa à bon escient du "piège Yakoma ", opposant virtuellement un Nord imaginaire et légendaire à un Sud fictif et sans fondement. Inévitablement afin de couvrir les manifestations criminelles, dont l'objectif réel consista à consolider l'assise d'un pouvoir décadent et potentiellement criminel, Elle (l'imagination fertile) invoquera à sa décharge la nécessité du maintien de l'ordre public et de l'unité nationale.

Avec la mobilisation et les "actions antipatriotiques de quelques fils égarés, étudiants attardés et rmistes (personnes assistées par les organismes sociaux publics, notamment en France) de la diaspora centrafricaine en Occident ", l'imagination fertile (encore elle !) trouvera sans le moindre effort, de nouvelles échappatoires ou autres prétextes pour justifier les échecs enregistrés dans les négociations bilatérales ou multilatérales ' négociations, nous dit-on, qui auraient permis au régime de boucler le financement du dossier très sensible de la restructuration de l'armée nationale. Car le saviez-vous ? Les Faca restructurées auraient constitué une garantie efficace de sécurité, de l'unité nationale et de la relance économique aux services de l'Etat patassiste !

Que constatons-nous, réellement ?

La mobilisation des fonctionnaires, rejoints progressivement par les centrales syndicales du secteur privé, les corporations et autres sensibilités des forces vives de la nation, démontre que la potion magique idéologique a cessé de prendre. L'existence d'un "mythe Patassé " s'effondre après sept années de patience, d'espoirs en des lendemains radieux de vaches maigres nationales.

L'on assiste à une privatisation de l'Etat centrafricain, au service le plus absolu de la galaxie au pouvoir. Les caisses des sociétés publiques, du Trésor public et des centres de péréquations municipales ou préfectorales constituent leur fond de caisse privé. Sans contrainte, ils en usent et en abusent. Au point de narguer, du haut de la tribune, le contribuable centrafricain, le sommant de prouver la véracité de leur prédation. C'est à croire que leurs exhibitions ostentatoires, dignes de nouveaux riches, passeraient inaperçues de leurs compatriotes considérés comme des demeurés notoires.

Sans doute, pour eux, la chienlit administrative, cette pagaille organisée, ne permettrait jamais aux citoyens de les traduire en justice afin qu'ils rendent compte de leurs crimes.

En l'absence de preuves, ils sortiraient blanchis de toutes responsabilités face à une justice politique de circonstance (le parlement, la cour constitutionnelle) ou à une justice ordinaire monopolisée par le clan au pouvoir. A défaut une autre loi d'amnistie les en préserverait bien, le moment venu.

C'est ici qu'il convient de sensibiliser l'opinion nationale sur les capacités réelles de nuisance du système Patassé. La responsabilité de la crise sociale incombe au régime dictatorial de Patassé et à ses acolytes.

Les mutineries constituèrent une tentative malheureuse de réponse au déficit institutionnel constaté par la nation en 1995.

À la demande sociale des Centrafricains, la classe politique et les institutions démocratiques pratiquèrent la politique de l'autruche. Elles s'adonnèrent à une lutte d'intérêts qui ne répondaient guère aux attentes des citoyens et aux enjeux du moment : reconstruction nationale, démocratie locale, citoyenneté, équité, justice sociale, réhabilitation de l'Etat, sécurité et développement économique.

Point s'en faut ! Le mécontentement social et l'accumulation de grèves serviront finalement de terreau fertile aux mutineries. L'instabilité qui s'en suivit et la mise sous tutelle comme solution transitoire, à la Crise centrafricaine, ne profitera finalement qu'au renforcement du régime honni par les Centrafricains.

En complicité avec des réseaux intérieurs et extérieurs, le pouvoir organisera systématiquement la répression des Centrafricains et la mise en coupe réglée du pays. Avec les complicités onusiennes, françaises, africaines et centrafricaines, les hold-up électoraux installèrent le pays dans l'instabilité latent & par l'imposition du dictateur de Bangui au peuple contre sa volonté.

Ce qui pourrait apparaître comme proposition Dologuélé est à inscrire dans cette stratégie antinationale.

La reprise d'une des propositions de la motion solidaire adressée aux travailleurs de Centrafrique par la Diaspora centrafricaine et le Cocae, n'est qu'une tentative de diversion. Cette fausse initiative est opportuniste et tendancieuse. Destinée à l'opinion internationale, elle chercherait à corrompre l'opinion nationale sur la permanence d'un dialogue social (inexistant).

Ici poussé à l'extrême, le cynisme embellit la liste des promesses scélérates (paiement de trois mois d'arriérés de salaires, décaissement des institutions de Bretton Woods, rêve allemand à hauteur de 10 millions de dollars américains ) qui égrainent régulièrement l'absence de projet politique national.

Pour enrayer définitivement cette litanie criminelle, le sursaut patriotique épouse les contours d'un "Kongo-wara social " qui préserverait le pays d'une autre machination militaro-politique.

* Le Kongo-wara pacifique des forces vives de la nation

 

Ce cynisme Padodo est à combattre énergiquement par les travailleurs sur lesquels repose désormais la destinée nationale. Les institutions régulatrices de la république Patassiste ne jouant pas la fonction qui leur est dévolue par l'Acte fondamental centrafricain.

L'Histoire se réécrit de la même manière que sous Bokassa ou Kolingba.

Dans l'espoir de la restauration d'une société démocratique fondée sur le respect des droits humains, appuyés par les fonctionnaires, étudiants et élèves ont contribué à l'affaiblissement du régime monarchique et anachronique de l'Empereur Bokassa 1er. Hélas, sous la férule du général Kolingba, avec la complicité de Dacko, supervisé par le Colonel Mention (l'oeil de la France en Centrafrique, pendant cette période) la confiscation de l'espoir populaire et le retour des militaires au pouvoir en 1981 abrégèrent brutalement la conquête populaire et démocratique.

Une décennie plus tard, les femmes, les travailleurs et la jeunesse durent se mobiliser, une fois de plus, afin d'anéantir la bête immonde transmutée en régime clanique et affairiste.

En 1993, comme une bouffée d'oxygène, l'élection de Patassé fût perçue comme l'avènement d'une nouvelle ère par les Centrafricains qui étaient en droit d'espérer prospérité, dignité et responsabilisation collective.

La sagesse des syndicats consentit un état de grâce, de plus de deux ans, au chef de l'Etat et à son gouvernement avec mission expresse de sortir le pays de la misère sociale et humaine dans laquelle se vautraient les Centrafricains.

Temps perdu ! Du moment que les promesses démagogiques n'engagent que leurs auteurs et ceux qui y croient, le régime "démocratiquement élu " reproduira très vite le modèle antipatriotique du précédent : la mise en coupe réglée du pays et de ses richesses.

Une seule fausse note pour la nation, Cependant ! L'avidité prédatrice dépassera très tôt ce que les Centrafricains avaient connu jusqu'alors.

Des Centrafricains en masses, telles des nuées d'abeilles, se sont abattus sur le pays avec la mission secrète de travailler pour l'enrichissement du nouveau maître. Arrogance, dépravation, spoliation, arrestations arbitraires, assassinats, privation de libertés& constituent le lot quotidien des Centrafricains dorénavant encadrés par des milices (Karako, balawa) et des factions de l'armée nationale à la solde du pouvoir (Garde présidentielle, Forsdir, Bmia).

Pour que cela soit efficace, des éléments des forces de l'ordre sous prétexte de lutte contre le grand banditisme et l'insécurité contribuent à l'intimidation et à l'embrigadement du peuple au service d'un seul homme : Ange-Félix Patassé !

Comment une telle condition humaine digne du système concessionnaire ne pourrait-elle ne pas pousser à la révolte un peuple qui ne demande que paix, justice, liberté et mieux-être afin de s'épanouir politiquement, économiquement et socialement ?

L'histoire nous apprend pourtant que la révolution ou la révolte naît d'une situation de souffrance mobilisant, aux prix de lourds sacrifices, tout peuple de s'affranchir de la domination dans laquelle un système prédateur l'enferme. Il est question de mettre fin à l'avilissement et d'assumer ainsi sa destinée.

C'est ce à quoi nous assistons actuellement "au pays de Boganda ".

Des travailleurs, fers de lance des luttes sociales, manifestent cette quête de dignité par la lutte syndicale. Et, le peuple centrafricain les soutient, il y va de la destinée nationale.

Paix, Réconciliation nationale, Justice sociale, Citoyenneté, Démocratie, Droits humains.

À l'image de 1979 et de la fin des années 80, le succès de la démocratie est au bout de ce mouvement social.

* L'unité de la nation autour des travailleurs ou des propositions.

 

D'où qu'ils se trouvent, les filles et les fils de Boganda ont compris qu'il leur revient le droit inaliénable de se ressaisir et d'influer sur le cours des événements. Parce que 'accumulation d'événements malheureux depuis les législatives de 98 ont conduit à l'enlisement de la "Crise centrafricaine ".

 

Les crimes économiques et politiques, la négation des libertés publiques, la déscolarisation de la jeunesse, la mutation des centres de santés et hôpitaux en mouroirs publics, la clochardisation des retraités le dépérissement de l'Etat se transformèrent en prises d'ambassades, en révoltes d'étudiants, en grève de faim observée par des étudiants, en interpellations des autorités politiques et administratives de l'Etat patassiste par le Cocae (aux Nations unies) et les députés de la nation à l'Assemblée nationale, en exigence démocratique sur la démission du Président pour inaptitude à la conduite des affaires publiques centrafricaines, par la Diaspora et la classe politique centrafricaine, et en mobilisation actuelle des fonctionnaires, soutenus par les forces vives de la nation.

 

Ces mouvements épars s'accomplissent dans la crise sociale aiguë que traverse notre pays.

 

La conscience collective centrafricaine réalise que c'est de l'intérieur, c'est-à-dire des Centrafricains eux-mêmes et de leur capacité à combattre les despotes, que proviendraient des solutions durables pour sortir le pays du chaos. Mais encore, s'appuyant sur les citoyens, faille t-il que les travailleurs canalisent les germes d'espoirs fleurissant partout, vers un franc succès qui ne demande qu'à être pérennisé.

 

Le succès du mouvement civique et social est lié à certaines conditions.

 

* Autant dans la prise de décisions que la conduite des actions de grève, il importe que l'unité syndicale soit effective. Le concept d'intérêts matériels et moraux des travailleurs transcende les clivages syndicaux et les appartenances politiques des uns et des autres. Cette exigence unitaire constitue indéniablement une réponse structurée contre toute manipulation politique du pouvoir. Manipulation constatée depuis le début du mouvement. Celle-ci risquerait de diviser les travailleurs (intoxication, promesses fallacieuses, arrestations et détentions arbitraires,...).

 

* Les partis politiques de l'opposition et la frange patriotique de la mouvance présidentielle, unis dans la même souffrance, doivent avoir présent à l'esprit de soutenir sans faille le mouvement social, en organisant des mobilisations à travers le pays, afin que la cause juste des travailleurs soit entendue partout et par tous. Le succès de la démocratie sociale en dépend.

 

* La création d'une commission paritaire sur la question salariale ne doit pas dévier les travailleurs de leurs revendications principales, le paiement des douze mois d'arriérés de salaires. Une fois que ce préalable sera acquis, la commission paritaire s'imposera et aura pour mission de veiller, dans un premier temps aux accords passés entre gouvernement et partenaires sociaux, et, dans un second temps, d'agir sur le gouvernement pour que les salaires soient régulièrement versés aux travailleurs et éviter ainsi des arriérés qui pénalisent l'économie nationale.

 

* Pour contrecarrer la démagogie gouvernementale, la diaspora doit travailler à la prise en compte, par les instances internationales, notamment l'OIT, le FIDH, la Commission onusienne des droits de l'Homme, de la réalité nationale centrafricaine et de la situation des travailleurs centrafricains. De telles actions préserveraient le peuple d'un calvaire social, prétexte au chaos au peuple.

 

* Les crimes et incompétences notoires du régime Patassé témoignent de l'inexistence d'un mécanisme de sortie de crise et de restructuration d'une démocratie dans le pays. De ce constat il urge de préparer sérieusement l'alternance politique et de la conduire jusqu'au bout. Les partis politiques, les syndicats, la société civile, en un mot toutes les franges des forces vives centrafricaines, doivent se mobiliser collectivement et imposer l'alternance politique à Patassé. Le peuple est conscient que ce dernier lui a volé sa victoire. Il ne demandera que son dû !

 

Des conditions significatives sont à inscrire d'urgence dans les pourparlers syndicats-politiques.

* Du côté syndical. Les travailleurs doivent assumer leur rôle de moteur pour une alternance crédible. Ils ne doivent pas se sous-estimer car ils en sont capables, comme l'a toujours prouvé l'Histoire sociale centrafricaine. Il convient de s'assurer que le mouvement ne donne prétexte à un quelconque coup de force d'un "bidasse en perdition ".

 

* Du côté de la représentation nationale. L'Assemblée nationale, à travers sa majorité patriotique silencieuse, s'affirmerait en relayant les revendications du peuple. Elle demeure, malgré tout, l'un des organes essentiels de la démocratie constitutionnelle. Par conséquent, elle a la responsabilité institutionnelle de l'alternance dans un esprit patriotique collégial.

 

* L'alternance sera pacifique à la condition que les travailleurs, à travers la société civile et la société politique, agissent au service de la nation. L'Assemblée nationale élargie aux représentants de la société civile dans un cadre concerté deviendrait l'organe de transition démocratique, aboutissant à des élections transparentes et régulières d'élus responsables et conscients. Sous son égide, une constitution pluraliste, dyarchique et juridictionnelle sera adoptée en privilégiant la citoyenneté, la démocratie locale et politique.

 

* Il conviendrait de doter le pays d'institutions locales et démocratiques de proximité avant de penser aux élections présidentielles. Les structures associatives, féminines, artisanales, rurales et fonctionnelles de la société centrafricaine sont à valoriser. Le peuple n'a pas besoin que de "manioc et de bière " ! Il a surtout soif de pouvoir de décision, de cogestion économique et de responsabilisation dans tous les secteurs sociaux (développement, santé publique, éducation). Pour un véritable contrat social.

 

Voilà au-delà des revendications salariales, ce que le Peuple attend des travailleurs et des députés !


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