COMPRENDRE LA TRANSITION ET LA RENAISSANCE CENTRAFRICAINE
Depuis le changement intervenu le 15 mars dernier, je n’avais pas jugé utile d’apporter une réflexion à chaud sur cet événement historique qui a vu la libération du pays par les œuvres conjuguées des patriotes centrafricains tous confondus à savoir, société civile, forces armées, partis politiques, associations de jeunesse, associations des femmes, presse privée engagée, etc. Pour une fois, ce n’est plus la France (par trans all, ni encore un pays tiers quelconque) avec une opération baptisée d’un nom quelconque, par exemple ‘barracuda, licorne, desert storm, shock and wave, etc.’, qui est venue détourner ou étouffer dans l’oeuf l’aspiration à la liberté du peuple Centrafricain. L’enclenchement du processus de libération par les centrafricains eux-mêmes a été irreversible jusqu’à son aboutissement logique : L’acteur centrafricain lui-même a prouver par sa volonté, sa détermination et son engagement réels, sa capacité liée à une conviction certaine de conduire à terme la libération nationale matérialisée par le départ par la force du dictateur sanguinaire Patassé et de ses acolytes. Comme tous les compatriotes, j’étais content, fier d’être centrafricain et finalement satisfait de voir qu’après plusieurs années de lutte opiniâtre contre la prédation, la barbarie, le tribalisme, le népotisme et la démagogie, le changement a pu s’imposer par la volonté du peuple convaincu dans sa légitimité de recouvrer la LIBERTE. En choisissant de faire confiance aux patriotes de l’intérieur et aux partisans du Général Bozize, les forces vives de la nation, regroupées au sein de la Coordination des Patriotes Centrafricains (CPC), s’étaient rendues compte qu’il ne restait qu’une seule solution possible permettant de mettre fin à la déliquescence et à la déchéance de notre nation : L’EPREUVE MILITAIRE. J’ai été de ceux qui n’ont jamais cru en l’aboutissement effectif d’un dialogue national sans exclusif sous le régime Patassé et sa galaxie. Je ne reviendrais pas sur les raisons de ma défiance ainsi que celle de mes amis vis-à-vis des manœuvres des derniers mois de ce tyran et de son entourage pour sauver un pouvoir aux abois et à l’agonie. La constance de notre position de principe n’a jamais vacillé : LA CONDITION PREALABLE A TOUT DIALOGUE NATIONAL RESIDE DANS LE DEPART DE PATASSE QUELQUE SOIT LES MOYENS UTILISES.
Aujourd’hui la première étape vient d’être réalisée, n’en déplaise aux ‘pseudolégalistes et légalistes’ qui cachaient plutôt mal leur tendance tribaliste, clanique et prédatrice sous ces étiquettes pendant la descente en enfer de la nation et de son peuple. L’analyse erronée de la situation nationale par les hommes/femmes appartenant à cette catégorie de centrafricain a plus d’une fois faussé les débats sincères, francs, intelligents et sensés sur la reconstruction et la réconciliation du peuple au sein d’une nation multiculturelle et multiethnique. La bêtise humaine dans ce domaine qui n’est que la résultante de l’ignorance, de l’obscurantisme, de la compromission, de l’affiliation clanique et tribale et de l’opportunisme de ces compatriotes a été la base de leurs réflexions qui ne voulaient pas reconnaître les réalités bienqu’ils avaient en leur possession toutes les données scientifiques, politiques et sociologiques leur permettant d’analyser logiquement et rationnellement la situation nationale. Il n’est plus question de revenir sur cette attitude négativiste et destructrice, déterminée par la haine ethnique et l’interêt individuel et clanique égoiste, qui a contribué à exacerber et à perpétuer la division au sein de la communauté nationale dans son ensemble (diaspora et compatriotes de l’intérieur) ; il s’agit plutôt aujourd’hui de se remettre dans une logique de débats constructifs qui doivent se tenir sur nos fora ainsi que sur la place publique au pays pour le devenir de notre nation. Ces échanges seront les petits pas que chaque centrafricain où qu’il se trouve apportera à l’édification de la nouvelle Centrafrique à savoir la Renaissance Centrafricaine par des idées nouvelles de progrès et de transformation radicale de notre société. Ils permettront par leur caractère incisif, pratique et pragmatique de stopper la descente de la nation dans la misère infernale et reverser le cours de sa marche vers des destinés meilleures : Ils représenteront l’impulsion salutaire et nécessaire de cette Renaissance.
La libération du pays est entrée aujourd’hui dans sa quatrième semaine. Beaucoup d’évènements ont cours à présent dans les hautes sphères de décision du pays pour sortir le peuple de la torpeur née des années Patassé et antérieures : Le discours rassembleur du nouveau Président de la République, la nomination du nouveau Premier Ministre, la marche de soutien à la libération organisée par les partis politiques de l’ancienne opposition, la formation du gouvernement de transition, la décision du Premier minsitre de voir tous les nouveaux membres du gouvernement déclarés leurs biens avant leur prise de fonction ainsi que la mise en place du futur Conseil National de Transition (CNT), etc. devraient permettre une relance dans la transparence de toutes les activités de développement national. Est ce à dire que la réforme des consciences est-elle en train de se mettre en place ? Une nouvelle ère s’ouvrirait-elle au pays où il serait maintenant difficile de s’accaparer les biens de l’Etat en utilisant des artifices ainsi que des méthodes empiriques d’enrichissement illicite et de détournement de biens publiques en vogue dans la classe politique dirigeante de notre pays ! La nouvelle génération des décideurs piochée pour la plupart dans le vivrier des hommes et femmes intègres serait-elle la panacé des crises que le pays a traversé depuis de nombreuses années ? Il est absolument nécessaire que le Centrafricain en particulier et la communauté internationale en général puissent arriver à voir dans la Renaissance Centrafricaine l’engagement d’une nouvelle génération des patriotes dans la voie de la transparence, de la gestion citoyenne de la chose publique et enfin de la bonne gouvernance ! Des réformes qui semblent insignifiantes de prime abord mais concrètes accompagnées d’attitudes humbles et de décisions politiques courageuses seront des signes encourageants pour amener les uns et les autres à avoir une autre vision de la chose publique, à faire appréhender à chaque centrafricain les prémices du principe de la démocratie à savoir : LES DROITS ET DEVOIRS DU CITOYEN QUELQUE SOIT SON RANG SOCIAL DANS UN ETAT DE DROIT.
Les interventions des uns et des autres sur les fora virtuels, dans les quotidiens nationaux ainsi que les manifestations de soutien populaire au nouvel homme fort de Bangui ont rendu caduque la condamnation automatique par la communauté internationale (pays, organismes africains, européens et onusiens) de la libération nationale. Pourquoi cette communauté internationale n’avait-elle pas réagi aux crimes contre le peuple centrafricain reconnus publiquement par le régime Patassé ? Les rapports des organismes internationaux de défense des droits humains ainsi que du Département d’Etat Américain sont éloquents et ont clairement rapporté le génocide et les non-respects des droits humains dans la République Patassé ! Le plus important à l’heure actuelle est de pouvoir mettre en place des structures pouvant conduire à terme à des discussions avec les organismes des Nations Unies pour évaluer exactement la profondeur de ces crimes. L’opposition d’hier qui est maintenant au pouvoir avait reconnu dans ses nombreuses déclarations ces crimes et elle avait en son temps qualifiés de génocide les massacres qui ont suivi les évènements de mai 2001. Elle doit maintenant s’impliquer davantage tout d’abord à mettre en place une commission d’enquête nationale sur tous les crimes (de sang et économiques) afin de tirer les conséquences, puis mener des discussions avec la communauté internationale qui doit elle également prendre ses responsabilités et mettre en place les structures adéquates pour juger le crime de génocide. L’objectif est de mettre fin à l’impunité cause de comportement rétrograde dans notre pays et d’envoyer un signal fort à tous ceux qui seraient tenter de refaire les mêmes barbaries.
En dehors de ces crimes, il faut également parer au plus urgent résultant de :
- La corruption qui gangrène tout le système en place. Les différents pouvoirs qui se sont succédés depuis l’indépendance n’ont fait que la renforcer! Il faudrait une nouvelle politique pour la circonscrire et ensuite diligenter des mesures adéquates et surtout radicales ;
- L’accroissement vertigineux du chômage. En l’absence de service de sécurité sociale efficace, il apparaît impossible de déterminer le nombre exact des chômeurs au pays. La destruction des quelques industries locales et le manque cruel d’investissement étranger clochardisent les travailleurs qui sont pour la plupart du temps en chômage technique.
- L’insécurité qui s’est développée dans Bangui et dans l’arrière pays. L’absence d’une véritable police nationale active, d’une armée nationale (avec une gendarmerie nationale efficace) qui n’est plus que l’ombre d’elle-même constitue la raison essentielle.
- L’absence d’un code de conscience morale et nationale, de vertu civique. Le mauvais exemple venant jusqu’ici directement des hommes et femmes au pouvoir et des politiques! La nouvelle génération doit modifier son comportement social pour inculquer à ses compatriotes les comportements positifs d’un citoyen exemplaire ;
- La faiblesse du taux d’alphabétisation de la population âgée de 15 ans et plus (44% en 1998, voire rapport PNUD, 2002). La mise en place d’une véritable politique éducative dans l'immédiat est nécessaire et souhaitable. L’analphabétisme est à la base de la non-appréhension du concept de la démocratie par le citoyen qui ne sait pas exactement comment traduire dans les faits la démocratie, la politique, l'Etat, la nation, etc…… Il compromet également l'égalité de chance et la justice sociale qui permettent à une société de se développer dans l'harmonie ;
- La dégradation avancée du système sanitaire qui entraîne une augmentation significative du taux de mortalité (et le taux de morbidité demeure également très élevé, voir le rapport PNUD 2002 sur le développement humain ainsi que le rapport 2002 de l’OMS). L’espérance de vie du centrafricain est tombé à 39 ans après avoir culminée aux alentours de 49 ans au début des années 1990 (globalement moins (-) de 5 à 10 ans en l’espace de 10 ans) ;
- L’absence de lieu de cultures. Manque cruelle d’activités culturelles et sportives, de lieux de loisirs et d’échanges intellectuels qui auraient permis aux compatriotes de s’émanciper des bistrots, bars ou autres débits de boisson qui favorisent la déchéance intellectuelle et physique.
- Etc.
Que faut-il attendre de la transition et de la Renaissance Centrafricaine ? Question importante qui ne nécessite pas une réponse définitive de ma part car elle verserait dans la démagogie. Elle soulève d’une manière générale la problématique de la nouvelle vision qui doit sous-tendre le développement national. En effet, chaque citoyen, chaque représentant des forces vives de la nation et chaque composante ethnique doit apporter sa contribution à cette transition.
Les institutions de la transition doivent donc lancer une nouvelle dynamique de rupture, de nouvel horizon, de changement radical par rapport à un système empirique stagnant. Cette dynamique rencontrera des difficultés liées probablement dans un premier temps aux deux principaux paramètres suivants :
- Les faits : leur analyse, leur poids, leur résistance au changement ou à l’action des hommes ;
- la marge d’action possible après avoir fait une bonne analyse de ces faits par les décideurs.
Les hommes et femmes ayant une responsabilité à la tête de la nation devront donc s’impliquer activement et habilement afin de persuader les Centrafricains de la nécessité de mettre en pratique les nouvelles idées de progrès pour ébranler dans la bonne direction la locomotive nationale. Ainsi la transition doit être perçue comme le galop d’essai de la vision nouvelle, de la Renaissance Centrafricaine. Elle devra par l’intermédiaire de ses institutions participer à l’éclosion de la créativité et du génie centrafricain.
Dans cette perspective le Conseil National de Transition (CNT) aurait été d’une importance capitale si son rôle avait été clairement défini dans le décret de création de cet organe. Deux souhaits importants, pour ma part, concernant la la Renaissance pendant la transition : 1) La nécessité d’organiser quelque soient les conditions le DIALOGUE NATIONAL (dont les résolutions seront exécutoires) pour une large exploration des problèmes qui se posent au pays. Il faudrait donc dans le cas présent prendre en considération le travail colossal qu’avait déjà entamé le Comité de Coordinnation du Dialogue National. En effet, la Triplette (Mgr Pomodimo, l’ancien Vice-Président Maidou et l’Universitaire Djapou) avait réussi à faire un travail préliminaire de déblayage de terrain exceptionnel qui devra dans tous les cas permettre de rassembler dans les meilleures conditions les centrafricains autour d’une table pour discuter de l’avenir et de nouvelles visions de notre nation ; 2) le CNT doit avoir une dimension beaucoup plus large, ouverte, constructive et évidemment indépendante. J’espère pour ma part que l’absence des représentants de la diaspora du Conseil sera très certainement comblée par des dispositions ultérieures pour intégrer ces forces vives de la nation, éparpillées de par le monde, dans le travail de la renaissance.
Il apparaît pour moi qu’un Dialogue National aujourd’hui inspirerait plus confiance au citoyen que celui prôné par Patassé qui ne cherchait qu’un moyen de sauvegarder son fauteuil. Le futur de toute la nation reposera sur la conclusion, les résolutions des débats et leurs exécutions. Ainsi, tout centrafricain voulant œuvrer effectivement et efficacement pour le changement permettant le développement harmonieux de la nation devrait apporter sa contribution par l’intermédiaire de ce dialogue. C’est un travail d’intérêt national qui demande la participation des compatriotes engagés, sincères, honnêtes, dynamiques et déterminés à débattre dignement et intelligemment de nouvelles visions capables de faire ressortir la spécificité et surtout l’identité centrafricaine. Vu l’état de délabrement avancé du pays ainsi que de toutes ses institutions, les débats s’articuleront probablement autour des sujets d’ordre général et spécifique tel que : a) quel type de République ; b) la décentralisation et la déconcentration du pouvoir ; c) le type d’exécutif et son pouvoir réel ; d) le régime s’identifiant avec les valeurs centrafricaines ; e) le mode de scrutin des différentes consultations électorales ainsi que les modalités pratiques ; f) les modalités d’élection du Président de la République pour éviter les votes tribaux ; g) la réfonte de la constitution et la place de la démocratie, de la libérté et des droits de l’homme ; h) le nombre et les critères de création de partis politiques pour éviter et bannir les partis fantômes ou tribalistes ; i) les réformes de la santé en introduisant l’assurance maladie, de l’éducation et de la formation civique du citoyen, de l’agriculture, de la sécurité sociale, de l’administration publique dans son ensemble ; j) la souplesse du code d’investissement, la mise en place des institutions garantissant la liberté d’entreprendre et les grandes lignes économiques, la garantie de création des zones franches industrielles et commerciales ; k) l’indépendance de la justice et de la presse (écrite, tv, radio) ; l) la culture et le sport , m) la protection de la nature, tout en sachant que cette liste n’est pas exhaustive. Ces quelques idées montrent que tout est à faire, refaire et à créer. Il ne demande que l’apport de chaque centrafricain qui a une idée à émettre.
Enfin, il est à mon avis prématuré de fixer une date butoir pour la fin de la transition. Je crois que cette date ne pourra être décidée qu’au vu de l’évolution des travaux ‘du Dialogue National’. Le CNT dans ce cas en accord avec le gouvernement de transition et le Président de La République pourront ensemble décider des échéances de la transition. Pas de transition bâclée qui aboutirait à une anarchie ou un autre chaos. La transition doit mettre en place les structures viables pour la troisième République. Elle doit engendrer la paix, la concorde nationale, la transparence dans la gestion de la chose publique et permettre de réconcilier les centrafricains avec eux-mêmes et avec leurs compatriotes pour qu’ils abordent le futur dans de bonnes dispositions d’esprit.
Aujourd’hui, je crois pour ma part qu’ayant Patassé derrière nous, il est inutile de tergiverser et de verser dans des considérations saugrenues.
NOTRE PAYS A BESOIN DE NOUS ET EN RETOUR NOUS AVONS BESOIN DE LUI.
COURRONS APRES LA VERITABLE DEMOCRATIE EN Y METTANT LE PRIX.
LA RENAISSANCE CENTRAFRICAINE COMMENCE PAR LES PETITS GESTES PATRIOTIQUES DE TOUS LES JOURS.
Patriotiquement.
Narcisse Komas, Animateur Kodro, New York, USA.
Regards et points de vue des partis politiques et des mouvements centrafricains