Coup d’Etat, transition et fragilité des Etats…
Interview de Jean-Paul Ngoupandé par Francis Laloupo
(Nouvel Afrique-Asie Juin 2003)
Après le coup d’Etat du 15 mars qui a mis
fin au régime d’Ange-Félix Patassé, le Centrafrique entame
une période de transition devant mener à la tenue de
nouvelles élections. Parmi ceux qui, dans l’ombre, ont œuvré
pour ce changement, Jean-Paul Ngoupandé, ancien Premier
ministre et universitaire, dont le livre L’Afrique sans
la France, paru en 2001, fut un grand succès de
librairie. En marge de sa dernière livraison, L’Afrique
face à l’islam (Editions Albin Michel), cet acteur
majeur de la scène politique centrafricaine livre au
Nouvel Afrique Asie
ses réflexions sur la situation dans son pays et les
multiples défis auxquels se trouve confronté le continent.
LE NOUVEL AFRIQUE ASIE : COMMENT L’OPINION, QUI
VOUS A PERÇU CES DERNIERS TEMPS ESSENTIELLEMENT COMME UN
PRODUCTEUR INTELLECTUEL, VA-T-ELLE À NOUVEAU RETROUVER EN
VOUS L’HOMME POLITIQUE, À LA FAVEUR DU CHANGEMENT QUI VIENT
D’INTERVENIR EN RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE ?
JEAN-PAUL NGOUPANDÉ : A l’extérieur, on s’est
probablement davantage intéressé ces deux dernières années à
mon activité intellectuelle. Pas les Centrafricains. C’est
un secret de polichinelle chez nous que j’étais très actif
auprès du général François Bozizé pour l’organisation de
l’aile politique de la rébellion… La forme du combat que
nous avons mené pour faire partir Ange-Félix Patassé ne
pouvait se faire systématiquement sur la place publique. Au
pays, les gens étaient informés, notamment à travers les
partis politiques. Par exemple, c’est moi qui étais chargé
des relations entre la Coordination des patriotes
centrafricains de l’extérieur et la Concertation des partis
d’opposition à l’intérieur. Ce travail-là a été effectué,
pour une large part, dans le silence… Le Parti de l’unité
nationale (PUN), la formation que je dirige, a joué un rôle
particulièrement actif pour relayer nombre d’initiatives sur
le terrain.
CERTAINS DISENT QUE C’EST À VOUS, SINGULIÈREMENT,
QUE PROFITE LE COUP D’ÉTAT DU 15 MARS 2003…
J.-P. N. : Non ! (rires) On dira simplement que
l’action militaire était, à un moment donné, la seule
solution à la crise. Chez nous, nous ne considérons pas
cette action comme un coup d’Etat. Ne serait-ce que parce
que, d’un point de vue technique, un coup d’Etat ne dure pas
un an et demi avec ce qu’on a désigné comme une rébellion
armée, qui en réalité avait ses prolongements au sein de
l’armée, des partis politiques, des syndicats, de la société
civile… Depuis 2000, nous savions qu’il était du domaine du
rêve d’espérer faire partir Patassé par la voie
démocratique. Nous savions qu’en 2005, il se présenterait de
nouveau à une élection, comme en 1999, contrairement à ce
qu’il avait affirmé. Lorsqu’on a entrepris des fouilles dans
ses propriétés après le coup d’Etat du 15 mars 2003, on a
découvert que les T-shirts et les casquettes de campagne
pour 2005 étaient déjà confectionnés…
APRÈS LA COHÉSION DES PARTIS D’OPPOSITION, QUI ÉTAIT
DE RIGUEUR DANS LE COMBAT CONTRE PATASSÉ, CHACUN VA-T-IL À
PRÉSENT SE REPLIER SUR LUI-MÊME DANS UN NOUVEL ESPACE DE
COMPÉTITION ?
J.-P. N. : Dans l’immédiat, cette cohésion est
nécessaire dans le cadre de la Concertation des partis
politiques d’opposition. L’efficacité du regroupement des
partis d’opposition, pour lequel j’ai beaucoup œuvré, a été
consacrée par le résultat du 15 mars 2003. Pour l’heure, il
s’agit de faire en sorte que la transition se déroule le
mieux possible. Si la transition ne réussit pas à atteindre
ses objectifs, on reviendra à la case départ, et le pays n’a
aucun intérêt à cela. Les priorités sont simples : rétablir
la sécurité sur tout le territoire ; assurer le redémarrage
et le fonctionnement de l’Etat ; restaurer les structures de
l’administration ; prendre les mesures qui s’imposent pour
améliorer la situation financière et sociale ; donner des
signaux tels que la communauté internationale puisse
comprendre la nécessité qu’il y avait à faire partir
Patassé. A cet égard, la réussite de la transition
démontrera qu’au-delà du coup d’Etat – le péché originel,
n’est-ce pas ? –, la volonté est réelle chez les acteurs
politiques centrafricains, tous confondus, de revenir à un
meilleur fonctionnement de l’Etat, au rétablissement d’une
vie démocratique.
L’ENSEMBLE DES SENSIBILITÉS POLITIQUES
SERA-T-ELLE ASSOCIÉE À CE PROGRAMME DE LA TRANSITION, ET DE
QUELLE MANIÈRE ?
J.-P. N. : A travers le Conseil de la transition mis
en place dont la vocation sera de jouer un rôle d’aiguillon,
de système d’alerte. Ce conseil représentera l’ensemble des
forces vives du pays. L’important pour le pays dans les mois
à venir, c’est l’unité autour de la transition consensuelle.
Il est capital que nous maintenions la forte entente qui a
présidé au départ de Patassé. La chute de ce régime a
provoqué des manifestions de joie comme nous n’en avions
jamais vues en Centrafrique. La cohésion des formations
politiques servira de support au gouvernement de la
transition pour réussir ses objectifs, afin d’aboutir, comme
il se doit, à des élections justes et transparentes.
DEUX MOIS APRÈS LE COUP D’ÉTAT, QUEL SENTIMENT
VOUS INSPIRE LE GÉNÉRAL BOZIZÉ ?
J.-P. N. : Compte tenu de l’immensité du problème, je
considère qu’il ne s’en tire pas trop mal. Je préfère
préjuger de la bonne foi, plutôt que d’instruire des procès
d’intention. Les Centrafricains doivent considérer que ce
qui s’est passé le 15 mars n’est pas l’œuvre d’un homme,
mais celle de tous les Centrafricains. Le général Bozizé
jouera pleinement le rôle qui est le sien, jusqu’au terme de
cette transition, jusqu’à la tenue d’une élection. Il vaut
mieux qu’on se penche sur les questions actuelles plutôt que
de spéculer sur ce qui se passera dans un an ou deux…
DANS VOTRE LIVRE, L’AFRIQUE FACE À L’ISLAM, VOUS
PORTEZ UN REGARD PANORAMIQUE SUR LES SITUATIONS DE CRISE SUR
LE CONTINENT. QUELLE RÉFLEXION EN TIREZ-VOUS ?
J.-P. N. : Il y a une crise des élites politiques. A
titre d’exemple, la République démocratique du Congo nous en
donne une triste illustration. Parce que je n’ai pas
l’impression que ces élites-là prennent réellement
conscience des souffrances qui sont imposées depuis de
nombreuses années aux populations... L’une des leçons que
nous devons tirer de ces diverses crises est d’encourager
l’organisation et la structuration d’une société civile… Les
politiciens sont considérés comme l’alpha et l’oméga de la
vie politique en Afrique. Et c’est la passivité de la
société civile qui donne aux politiques cet espace-là. En
tant qu’homme politique, j’assume moi-même ce rôle négatif
que nous jouons actuellement. On a formé tellement de cadres
et d’intellectuels qui devraient maintenant faire entendre
leurs voix…
IL SEMBLE SURTOUT QUE VOUS TIREZ LA SONNETTE D’ALARME,
QUANT AU DANGER QUE POURRAIT À TERME REPRÉSENTER UN
RADICALISME ISLAMISTE EN AFRIQUE NOIRE. EXISTE-T-IL UN RÉEL
DANGER DANS UN CONTEXTE OÙ LES DIVERSES CONFESSIONS
RELIGIEUSES COHABITENT PLUTÔT HARMONIEUSEMENT ?
J.-P. N. : Je vois le danger sous diverses formes. En
Afrique sub-saharienne aujourd’hui, on observe le désir de
conservation du pouvoir par l’instrumentalisation d’un
certain nombre de concepts tels que l’ethnie, la religion…
Par exemple, la question du pouvoir au Nigeria renvoie à ces
termes qui masquent le moteur réel des antagonismes : le
pactole pétrolier. Avec la dernière élection présidentielle,
les risques d’instabilité se sont accrus, et le Nord a
instrumentalisé à fond le fait religieux, présenté comme un
élément de l’identité. D’une certaine façon, j’ai observé
cette même évolution en Côte-d’Ivoire, aussi bien chez des
politiciens du Nord que du Sud. Il faut reconnaître qu’il y
a eu de part et d’autre des comportements, y compris de la
part de la hiérarchie catholique, qui ont alimenté
l’intolérance religieuse. Le plus inquiétant à court terme,
c’est la décomposition des Etats et la constitution de
vastes zones de non-droit qui font du continent un
sanctuaire de la violence religieuse, qui ne serait pas
forcément le fait d’Africains sub-sahariens. Notre islam
n’est peut-être pas aussi radicalisé, mais la misère permet
de recruter des Africains, comme on l’a vu pour les
attentats de Nairobi et Dar es-Salem : l’opération était
pensée, conduite et organisée par des terroristes islamistes
venus d’ailleurs et qui se sont appuyés sur une forme
locale, encore embryonnaire, de radicalisation…
CE LIVRE APPARAÎT, PAR ENDROITS, COMME LE
PROLONGEMENT DU PRÉCÉDENT, L’AFRIQUE SANS LA FRANCE…
J.-P. N. : Parce que le problème de la radicalisation
de l’islam et d’autres religions en Afrique sub-saharienne
est lié aussi à la fragilisation des Etats. Je mets
d’ailleurs en parallèle avec cette radicalisation de
l’islam, celle du christianisme qui est probablement un
sujet tout aussi inquiétant, à tout le moins. D’autant plus
inquiétant qu’il me semble que derrière ces sectes baptistes
qui pullulent sur le continent, il y a la main de pouvoirs
américains. Radicalisation de l’islam, et en face celle
d’une frange importante du christianisme, au point que les
hiérarchies chrétiennes traditionnelles sont dépassées par
le phénomène. C’est vrai qu’il y a un lien avec le précédent
livre, car tout cela traduit le désespoir, l’absence de
boussole chez les peuples africains. On peut les comprendre
: quand on voit tous ces malheurs qui se sont donné
rendez-vous sur un continent, devant un horizon aussi
bouché, on peut comprendre que les gens cherchent des
solutions ailleurs…
N’Y A-T-IL PAS UN RISQUE DE VOIR, PAR CE LIVRE, L’INTELLECTUEL
QUE VOUS ÊTES AVALISER LA THÈSE DU CHOC DES CIVILISATIONS,
ÉVOQUÉE DEPUIS LES ÉVÉNEMENTS DU 11 SEPTEMBRE 2001 ?
J.-P. N. : Sous un certain angle, il est clair que je
fais une lecture non pas du choc des civilisations d’une
manière générale, mais du retour d’un vieux contentieux
entre deux monothéismes. Au fond, l’histoire des conflits de
religions des temps présents est la réplique des oppositions
successives des trois monothéismes qui règnent au moins sur
trois continents, à savoir l’Europe, l’Afrique et
l’Amérique. Je relativise en ce qui concerne l’Asie, là où
des pays mastodontes comme l’Inde ou la Chine échappent
quelque peu à la logique des ces monothéismes.
PEUT-ON PENSER QU’APRÈS LA FIN DES BLOCS, UN
NOUVEAU TRANSFERT DE CONFLITS S’OPÈRE AUJOURD’HUI EN AFRIQUE
À TRAVERS LE RÉFÉRENT RELIGIEUX ?
J.-P. N. : Le philosophe que je suis aime bien lire
l’histoire de l’humanité à travers un certain nombre de
constantes. Comme si le besoin de manichéisme – tout est
dual – était une constante de l’humanité. Après
l’affrontement entre civilisation et barbarie (les
colonisations) dès le XIXe siècle et qui s’est poursuivi
jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, le nouveau dualisme fut
celui qui a opposé les deux blocs, soviétique et américain.
Ce fut le conflit le plus ravageur, et paradoxalement le
plus pacifique, du fait que, les deux forces étant à peu
près équivalentes, l’équilibre a permis de contenir le pire.
Après la fin de cette forme de bipolarisation, on assiste au
retour de l’opposition barbarie-civilisation. Les
Etats-Unis, qui décident de se mettre dans le rôle de
messie, se considèrent comme les représentants de la
civilisation et jouent de ce registre-là ; le discours de
l’administration Bush est très clair à cet égard. En même
temps, certaines formes d’islamisme donnent une malheureuse
justification à ce discours… Je suis extrêmement critique
vis-à-vis de la guerre américaine en Irak. J’ai aussi été
frappé par toutes les tentatives de part et d’autre
d’enrôler les Africains dans une guerre qui n’est pas la
nôtre. L’Afrique a ses soucis particuliers, ses priorités :
le développement, la définition des repères de solidarité
qui répondent à nos véritables intérêts. La question n’est
pas de se mettre du côté des Américains sous prétexte qu’ils
défendent la démocratie, ou du côté des Arabes parce qu’ils
sont nos alliés naturels… Nous sommes avant tout avec
nous-mêmes, eu égard à nos problèmes spécifiques, ceux
relatifs, notamment, à la nécessaire reconquête de notre
existence. Etre nous-mêmes, en tant que sujets et non pas
comme des objets qu’on manipule…
EXISTE-T-IL UN RISQUE POUR L’HOMME POLITIQUE À
SOULEVER CES QUESTIONS LIÉES À LA RELIGION, À LA
PROLIFÉRATION DES ÉGLISES À TENDANCE SECTAIRE, QUAND ON SAIT
LE POIDS GRANDISSANT DE CES ORGANISATIONS DANS LE CONTEXTE
AFRICAIN, VOIRE DANS LA VIE POLITIQUE ?
J.-P. N. : En effet, c’est un sujet risqué pour
l’homme politique que je suis, compte tenu de l’influence de
ces multiples sectes… Il faut parler de l’Afrique, de ses
problèmes, avec honnêteté, et ce n’est pas en les masquant
qu’on va les résoudre. Soyons clair : ce serait une erreur
que de penser qu’on remédie à ces questions par des
solutions du type autoritaire ou législatif, ou par de
simples décrets. La réponse viendra du développement. Parce
que, finalement, tout cela traduit d’une certaine façon
l’échec de nos politiques, ou l’absence de nos politiques de
développement. Plus la misère s’accumule, et plus le
discours de ces prophètes gourous prospère. La réponse
viendra de l’amélioration des conditions de vie des
populations, de l’éducation… Les souffrances des gens ont
des racines profondes. S’il y a vraiment un enjeu qui
nécessite qu’on lui accorde la priorité, c’est l’éducation.
Nous avons démarré les deux premières décennies de
l’indépendance avec une politique d’investissements très
importants dans le secteur de l’éducation. Entre 1960 et
1980, l’Afrique a été la championne du monde
d’investissement par tête d’habitant dans le secteur de
l’éducation. Malheureusement, et particulièrement en Afrique
francophone, nous avons privilégié les formations générales,
visant le fonctionnariat. On se retrouve aujourd’hui avec de
gros problèmes, tels que celui du développement rural pour
lequel nous n’avons pas été préparés… Je plaide pour une
priorité absolue du secteur de l’éducation. C’est ce
secteur- là qui devrait bénéficier de manière prioritaire
des concours extérieurs.
REVENONS À LA SITUATION EN CENTRAFRIQUE. LE TCHAD
A APPUYÉ LA LONGUE MARCHE DES HOMMES DE BOZIZÉ JUSQU’À
BANGUI… QUEL SERA LE PRIX À PAYER PAR LES CENTRAFRICAINS AU
TCHAD ?…
J.-P. N. : Je peux témoigner – je l’ai constaté à
l’époque où j’étais Premier ministre – de l’attitude
bienveillante du président Idriss Déby vis-à-vis de son
homologue Patassé, son souci constant de la sécurité de ce
dernier. C’est une longue histoire d’ingratitude et qui
s’est nourrie de violences et d’agressions intolérables. Il
faut savoir qu’entre les deux peuples, il y a toujours une
interpénétration, une grande proximité. C’est une histoire
particulière, et c’est la première fois, dans notre histoire
commune, que la situation s’est dégradée jusqu’à produire
des affrontements. Je considère que M. Patassé en porte la
terrible responsabilité… Les relations se sont détériorées à
partir de l’épisode de la fuite de Bozizé au Tchad et du
refus des autorités de ce pays de le livrer à Patassé (1)…
Contrairement à ce que Patassé racontait, il y avait
beaucoup de retenue de la part des autorités tchadiennes. Et
puis, il s’est passé quelque chose. Le 15 février 2003, le
président Déby est à Bangui, pour sceller la réconciliation.
Il est accueilli en grande pompe, et pendant ce temps, les
troupes de Bemba*, de Paul Barril* et les éléments de la
garde présidentielle se lancent à l’intérieur du pays à
l’assaut de citoyens tchadiens vivant chez nous. Ils les
massacrent, égorgent des imams… Quelques jours plus tard, au
sommet France-Afrique, Déby dira qu’il a été floué. Qui
pourrait ne pas comprendre que le Tchad allait être plus
présent avec nous après ce qui s’est passé pour leurs
concitoyens sur notre territoire, conjugué avec ce qu’ils
savent des souffrances des Centrafricains?
QUELLE SERA LA FACTURE DE L’ASSOCIATION AVEC LE
TCHAD POUR RENVERSER PATASSÉ?
J.-P. N. : Il n’y a pas de facture. L’enjeu
aujourd’hui, c’est pour les deux pays de reconstruire un axe
de solidarité et de coopération, comme cela a toujours
existé. Une nouvelle période de coopération remplace celle
de la méfiance et des agressions. C’est à nous,
Centrafricains, de restaurer pleinement notre souveraineté,
de réorganiser les forces armées centrafricaines, de
retrouver notre capacité de défense et de maintien de
l’ordre, et la maîtrise de notre diplomatie régionale et
internationale.
QU’ATTENDEZ-VOUS DE LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE
?
J.-P. N. : Personne n’a pleuré Patassé, et tout le
monde s’est rendu à l’évidence que cet homme était un énorme
problème pour son pays. Les Centrafricains ont fait leur
devoir, et nous ne nous attendions pas à ce qu’on nous
applaudisse, eu égard aux principes. Les condamnations ont
été douces, si je puis m’exprimer ainsi. Je dis à mes
compatriotes que nous ne devons pas attendre que les
solutions viennent uniquement de l’extérieur. Nous allons
nous battre d’abord avec nos propres moyens et si, de
l’extérieur, il y a un coup de pouce, ce serait tant mieux.
Mais notre force principale, c’est nous-mêmes. Plus
généralement, l’Afrique a besoin du monde extérieur pour
redonner à notre jeunesse des raisons de retrouver foi en
notre continent. Là aussi, l’éducation est primordiale. La
décomposition de l’Afrique est une préoccupation que nous
partageons avec nos partenaires. Il faut tout faire pour
arrêter la dérive d’un continent de 800 millions
d’habitants, très proche de l’Europe… L’Amérique, c’est
loin. Le 11 septembre africain se déverse quotidiennement
sur l’Europe.
VOS PROCHAINS RENDEZ-VOUS POLITIQUES ?
J.-P. N. : Mon parti sera représenté au sein du Conseil de
transition. Il n’est peut-être pas nécessaire que j’y sois
présent moi-même. Je ne voudrais surtout pas apparaître
comme une sorte d’homme providentiel. Je suis un citoyen
centrafricain comme un autre. J’essaie simplement de
contribuer à ce que le pays ne retourne pas en arrière,
qu’il s’attelle résolument à résoudre ses problèmes auxquels
il est confronté aujourd’hui et qui ne trouveront des
solutions que, d’abord et surtout, par l’effort des
Centrafricains.
SEREZ-VOUS AU RENDEZ-VOUS DE LA PRÉSIDENTIELLE ?
J.-P. N. : Je m’en réfère à ces mots qui ont beaucoup
compté dans ma jeunesse : l’humanité ne se pose que les
problèmes qu’elle peut résoudre immédiatement. Ce n’est pas
à l’ordre du jour.
Profils
* Jean-Pierre Bemba est l’un des quatre
vice-présidents de la République démocratique du Congo
désignés à l’issue du dialogue intercongolais de Sun City en
Afrique du Sud. Leader du Mouvement de libération du Congo,
groupe rebelle contrôlant la région de l’Equateur, qui s’est
illustré dans des massacres particulièrement horribles en
RDC et aussi en Centrafrique où il avait apporté son
concours à Ange-Félix Patassé.
* Le capitaine Paul Barril, ancien gendarme, ancien
responsable du Groupe d’intervention de la gendarmerie
nationale (GIGN, française) et ancien membre de la cellule
antiterroriste de l’Elysée sous la présidence de François
Mitterrand. Démissionné, il crée des sociétés prestataires
de services de “sécurité”. Conseiller de plusieurs chefs
d’Etats africains, il se défend d’être un mercenaire. Passé
au service du président centrafricain déchu, Ange-Félix
Patassé, il était chargé, à la tête d’un groupe d’hommes
armés, de la “protection” du Président, qui l’avait nommé
“responsable à la présidence chargé de la lutte
antiterroriste à l’intérieur de la République
centrafricaine”.
PROPOS RECUEILLIS PAR FRANCIS LALOUPO
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