ESSAI SUR LA LEGALITE DU REGIME DECHU
Depuis le
14 Janvier 1995 , date de la promulgation de la Constitution de la République
Centrafricaine, qui venait en remplacement de celle du 26 novembre 1986 ,
la nation toute entière a assisté à une violation permanente, doublée
d’arrogance , de la loi fondamentale .
Lorsqu’aux élections d’Octobre 1999 , le pouvoir avait truqué les résultats pour
se remporter les suffrages après le précédent KOUDOUFARA ( du nom de ce
tristement célèbre député ayant monnayé sa siège pour faire basculer la majorité
) , nous étions alors désormais dans une « dictature sortie des urnes ».
Les multiples tentatives de prise de pouvoir par la force (mutineries des forces
de défenses , tentatives de coup d’Etat ) n’ont été que l’émanation de
cette situation somme toute répandue en AFRIQUE ( hier LISSOUBA , demain
peut-être EYADEMA ou un autre )
Ainsi , depuis le 15 Mars 2003, date de la énième tentative qui à libéré le
peuple centrafricain du joug de cette « dictature sortie des urnes » , deux
types de réaction interpellent notre conscience . L’un , légaliste
condamne le coup d’Etat et l’interruption du processus démocratique . L’autre
, légitimiste applaudissant ceux qui ont eu le courage de prendre les armes pour
mettre à mal le régime dictatorial d’Ange-Félix PATASSE , mettant ainsi fin aux
souffrances infligées à un peuple martyrisé , violé, désuni , et déshonoré .
Pour mieux étayer notre discours penchons nous sur deux questions fondamentales
:
Au 15 Mars 2003 , y avait-il une légalité constitutionnelle ? de la réponse à
cette interrogation découle la réponse à la légitimité du coup d’Etat .
SUR LA LEGALITE CONSTITUTIONNELLE
L’élection de Ange PATASSE en Octobre 1999 souffre d’un déficit démocratique dès
lors qu’il y’a eu contestation des résultats ; il n’est plus à démontrer que
compte tenu de la répartition sociologique du corps électoral , celui-ci ne
pouvait faire guère plus de 37% dans un premier tour d’élection .Ce qui rajoute
à la polémique est la violation de la constitution en plusieurs points et
l’inertie délibérée des organes de régulation des institutions
Les violations de la Constitution du 14 Janvier 1995
L’art 3 stipule que : « chacun a droit à la vie et à l’intégrité corporelle. La
liberté de la personne est inviolable . Il ne peut être porté atteinte à ces
droits qu’en application d’une loi »
Les assassinats , arrestations arbitraires , mutilations , passages à tabac de
journalistes etc… contreviennent à ce principe .
L’art 4 stipule que : « les libertés d’aller et de venir , de résidence et
d’établissement sur toute l’étendue du territoire sont garanties à tous dans les
conditions fixées par la loi »
Les interdictions de sorties du territoire opposées aux frontières aux élus et
autres paisibles citoyens basées sur la calomnie , la dénonciation crapuleuse et
j’en passe .
L’art 21 stipule que : « …il incarne et symbolise l’unité nationale ; il veille
au respect de la Constitution , assure , par son arbitrage , le fonctionnement
régulier des pouvoirs publics ainsi que la pérennité et la continuité de l’Etat
»
La gestion patrimoniale et tribalo-clanique du pouvoir a contrevenu u de manière
flagrante à cette énonciation ;
L’art 22 stipule que :« les fonctions de Président de la République sont
incompatibles avec l’exercice de toute autre fonction , de tout autre mandat
électif, de tout emploi salarié »
Le manquement à cette disposition est la perle des violations de la loi
fondamentale ;
L’inertie délibérée des autres organes institutionnels
*D’abord , cette violation est permanente depuis 1995 ; à l’époque , Monsieur
PATASSE était Président du conseil d’administration d’une société au sein de
laquelle il avait des intérêts ; par une malhabile tournure juridique , il avait
fait valoir le fait qu’il occupait la fonction avant la promulgation de la
Constitution mais lors du Congrès du MLPC tenu en cette même année 1995 , il
était « triomphalement » porté à la présidence du « grand et invincible » parti
.
*Ensuite , parce que cette violation a symbolisé à elle seule le muselage des
autres contre-pouvoir , notamment la représentation nationale mais surtout la
Cour Constitutionnelle ; celle-ci , bien que saisie conformément à la
Constitution par des députés n’a jamais pu délibéré ; quand à l’Assemblée
Nationale , le seul fait pour le Président de la dite chambre à l’époque , Mr
Hugues DOBOZEINDI , de déclarer recevable la requête en destitution du Chef de
l’Etat pour Haute trahison lui valu les foudres du régime .
On peut aujourd’hui essayer de convaincre sur la légalité du régime de PATASSE .
Pourquoi le pouvoir n’a-t-il par mis en œuvre l’ art 28 lors du déclenchement de
la rébellion ? Il est vrai que la crise de Novembre 2001 était
suffisamment grave pour justifier la mise en œuvre de l’art 28 et que PATASSE
était fondé à l’enclencher. Mais seulement , PATASSE pouvait-t-il s’ en
prévaloir ? un pouvoir illégal peut-il s’arroger les prérogatives d’un pouvoir
normalement constitué ?
On est tenté de répondre OUI si , en période de crise , tous les moyens doivent
être mobilisés afin de trouver une issue à la crise .Cependant , on conviendra
qu’on ne peut s’attribuer les moyens d’une situation de crise et gouverner
en faisant comme si les textes n’existaient pas .
La redondance qui consiste à qualifier le président de démocratiquement élu ne
sert aucun intérêt ; ni le sien car les tares et autres violations du régime
sont d’une telle évidence que le mot prête à sourire ; ni la démocratie car cela
reviendrait à conforter des « dictatures sorties des urnes » .
Enfin et surtout parce qu’une situation telle que celle vécu par la Nation
imposait une finalité : le rétablissement par tous les moyens de l’Etat de droit
.
SUR LA LEGITIMITE DU COUP D’ETAT DU 15 MARS
Elle trouve sa source dans les multiples violations qui ont délégitimé le
pouvoir d’Ange Félix PATASSE et cristallisé les attentes du peuple sur un «
sauveur »
Les attentes du peuple
La misère sociale , la pauvreté , la déliquescence de l’Etat , les pandémies
parmi lesquelles le SIDA ont crée des attentes telles que le régime de Ange
Félix PATASSE n’était plus en mesure de satisfaire au minimum les besoins
vitaux (santé , éducation , logement , travail ) ainsi que les aspirations
du peuple ; tout affairé qu’il était dans ces multiples activités mafieuses et
contrebandières .
Le volume des attentes du peuple était tel que celui-ci n’avait pour objectif
que la chute de PATASSE , sans visibilité , et n’ayant aucun moyen à s’opposer
efficacement à l’oppression sanguinaire du régime .
Si on ajoute à cela les humiliations subies lors des représailles sur les
populations civiles consécutives au tentatives de coup d’Etat et autres
mutineries (1997 avec son célèbre A KOLI A Kpè ; JUIN 2001 avec le génocide des
yakomas , Novembre 2001 avec les bombardements sur les quartiers Nord de BANGUI
ainsi que Octobre 2002 et depuis cette date , toutes les villes sous contrôle
rebelle reconquises par les milices du pouvoir ) le régime avait entièrement
perdu toute légitimité populaire d’autant plus que les derniers évènements se
sont concentrés sur des zones traditionnellement favorables au pouvoir lors des
élections (quartiers Nord de la capitale , région de l’OUHAM et de l’OUHAM-PENDE
).
La victoire militaire
Celle-ci confère incontestablement une légitimité issue de la violence armée; le
fait pour la rébellion d’avoir victorieusement conduit son entreprise lui
confère une aura que confirme d’une part la débande de ce qui restait des forces
de sécurité et de défense et , d’autre part les scènes de liesse immédiate
du 15 Mars malheureusement interrompues par les pillages .
La débandade des forces de sécurité et de défense est la conséquence logique de
l’état déliquescent de notre armée nationale ou du moins ce qu’il en reste
.Toutes les ressources ont été concentrées sur la garde prétorienne de PATASSE ,
négligeant du coup la défense opérationnelle du territoire , livrant ainsi les
populations rurales aux pillards , braconniers et autres zaraguinas .
La liesse des populations
n’est que l’expression d’un naturel sentiment de soulagement , teintée de
liberté et d’une certaine résurrection fondée sur l ’espoir de lendemains
forcement meilleurs tant le gouffre atteint est asphyxiant .
Cependant , il est vrai que les scènes de pillages sont attristant et
condamnables , mais il faut saluer les courageuses mesures prises et qui sont
appliquées depuis ; à l’heure où je vous écris ces lignes , la voiture de ma
mère , volée depuis samedi a été restituée cet après-midi .
La crise au sommet de l’Etat s’était amplifiée et avait atteint les masses sans
que le pouvoir ne s’en alerte ; sa seule réponse a été de faire parler la poudre
au lieu de dialoguer ! ce pouvoir a failli et tant mieux pour nous si les
deux principaux actes posés par le nouveau pouvoir sont rassurant à savoir : le
discours consensuel du 16 Mars 2003 suivi de la désignation comme Premier
Ministre d’une figure historique de l’opposition dont l’intégrité intellectuelle
et morale doublée d’un sens élevé de la patrie est un gage pour aller dans
le sens d’une véritable réconciliation nationale.
Steve TANGOA (Kodro, diffusion du
25 mars 2003 19:13)
Regards et points de vue des partis et mouvements politiques centrafricains