De la famille à la communauté et à la Nation
(Sangonet - diffusion Internet : 02 août 2003)
J’ai été absent du forum kodro depuis quelque temps et en retrait des autres. Je suis à me demander si j’ai perdu en change. La réponse ne souffre point de doute à la lecture transversale des innombrables messages de défi et de haine qui y sont échangés et des répliques toutes aussi abscons que haineuses des fils de Centrafrique.
Le pays réel a du souci à se faire avec tous ces prétentieux aux longs couteaux. A tel enseigne qu’on est en droit de se demander : à qui profite cette haine tribale qui couve sous la cendre de la bêtise humaine ?
Au fait, tout ceci ne serait-il pas le coup de petits manipulateurs qui espèrent gravir l’échelle de ce qu’ils croient être le pouvoir, sur toujours et encore plus de cadavres de pauvres et honnêtes gens ?
Voilà une question qui mérite débat mais je ne me fais guère d’illusion. Inutile de me téléphoner. Je suis loin, dans une île bien sympathique, naviguant de temps à autre sur un cata bien maran (catamaran), sur une mer d’huile, sous un ciel pas toujours d’azur mais tellement agréable, la pensée alerte quoique vagabonde.
Je me suis échappé de Paris avec les miens vendredi matin avant le grand rush du week-end et le chassé croisé des vacanciers. Nous étions heureux de nous retrouver autour de barbecue géant qui réunit la famille, dans l’une des grandes propriétés de familles, non loin de Nantes. Un rituel prisé qui consacre chaque année la famille dans ce qu’elle a de meilleur.
Le soleil ne fut pas de la fête mais la fête fut belle par la volonté des organisateurs et des participants. La pluie est tombée toute la journée de samedi 26 juillet : fine, persistante comme elle sait s’en donner à cœur joie en Bretagne et par moment dru, comme en Centrafrique pendant la saison des mangues. Un barnum dressé dans le magnifique jardin de la propriété fit bien l’affaire. Et Daniel qui a repris le flambeau après Henri qui nous a fait un méchoui de mouton entier une année, fut tout aussi à la hauteur de la situation.
Pas de nouveau-né cette année dans la famille mais l’année fut des meilleurs crus pour les enfants (*), petits-enfants et arrières petits enfants. Les scolaires, universitaires et autres ont tous franchi les marches dans la quête des connaissances et du savoir. Le monde du travail s’est ouvert à deux architectes, un CAPESsien, une sage-femme, un créateur associé de PME.
La famille s’est félicitée de tous les succès, a salué l’éviction de l’ange de la mort (Patassé) du pouvoir d’Etat en Centrafrique, a souhaité le retour de la paix et le rétablissement de la concorde nationale, condition sine qua non du développement du pays. Elle ne désespère pas de faire la fête un jour en terre africaine et centrafricaine tant chantée par Jean-Bosco.
L’année 2003 était placée sous le signe de la bonne connaissance de l’arbre généalogique familiale. Annie nous en fit une présentation synthétique et émouvante à la fois :
Des photographies en noir et blanc, jaunies par le temps,
Des correspondances tracées à la plume et à l’encre noire,
Des photocopies des actes de naissance, de baptême, de mariage et des actes notariés dont certains remontent au XVIII ème siècle, donnent un visage, le contour des hommes et des femmes dont les essences sont aujourd’hui bien en vue. En prendre conscience véritablement permet de se situer, dans l’échelle de l’humanité et de mesurer le sens de l’histoire et la valeur de la vie.
Ça tombait bien. Bertrand, mon cousin, a ramené de son voyage à Bangui en juin dernier, un exemplaire de la publication de Joseph NGOGUIA, pasteur et chercheur de son état.
Cet homme vertueux s’est donné entre autres tâches de traiter la généalogie des BIRA. Farouche volonté, travail unique conduit depuis 1949 entièrement par un Noir sur la terre de l’Oubangui-Chari et de Centrafrique pour être salué à sa juste valeur. Le résultat est simplement époustouflant, admirable. Les munzu-vuko qui nous bassinent de leurs messages à la gomme feraient mieux d’en prendre la graine.
Pasteur Joseph NGOGUIA a fait le parcours des ancêtres d’une partie du patrimoine centrafricain jusqu’au IX siècle. Vous avez bien lu : oui, IX ème siècle.
Je vois d’ici, le sourire narquois de ceux qui savent à peine le nom de leurs grands-parents soit par défaillance ou simplement parce que leurs parents ne se sont jamais préoccupés de transmettre un bout de l’histoire de la famille ou pire encore, parce que ces munzu vuko ont une image négative du passé africain pour s’attarder à une histoire qui n’en serait pas ! Il n’en demeurt pas moins que se sont ceux là même qui crient souvent les plus forts et qui se raccrochent, la plus part du temps, à l’Egypte et à C. Anta DIOP sans avoir lu l’illustre savant dans le texte.
Le travail de pasteur Joseph NGOGUIA n’est pas une fin en soi et ne saurait être sacralisé. L’auteur, plein d’humilité, nous l’offre en héritage pour toujours être travaillé et approfondi. Je compte, pendant la période estivale et en ce temps libre, ressaisir entièrement sur mon ordinateur, le fruit des recherches du pasteur afin de le mettre à la disposition de tous ceux qui en sont intéressés. Car enfin, comment peut-on prétendre construire l’avenir sans connaître ses racines et le passé ? Mieux, comment peut-on prétendre construire un pays sur les ossements de ses adversaires politiques et faire le bonheur de tout le monde en excluant les autres, tous les autres ?
Il m’a été rapporté que le général BOZIZE s’est posé cette question, à peu de chose près, lors de son bref séjour à Paris en début d’année, devant ses intrépides partisans qui songeaient déjà à en finir, une fois pour toute, avec une partie des Centrafricains.
Certains ministres du gouvernement de transition et non des moindres, leurs collaborateurs compris ne font plus mystère à Bangui, de leur état de faucon. Ils passeraient plus de temps à échafauder des plans de résistance pour ne pas dire plus que des plans de régénérescence de la République Centrafricaine. Encore une fois, le général BOZIZE se serait élevé, au cours d’un conseil de ministres, contre la dérive paranoïa et rappelé l’urgence de se mettre résolument au travail dans l’intérêt des Centrafricains et de la Nation.
Cette exigence recevrait certainement l’acquiescement complet du peuple si le nouveau régime issu de l’assaut militaire du 15 mars 2003 fondait ses actions sur des bases transparentes, une éthique éprouvée et faisait rendre gorge aux prédateurs qui ont ruiné le pays au lieu de les laisser quitter Bangui, tranquillement par avion, les poches et les malles pleines de devises fortes, de lingots d’or et des diamants.
Nous serons fixés dans quelques mois lors du premier bilan complet du duo BOZIZE GOUMBA dont l’équipe compte autant de ministres et de conseillers avec rangs et prérogatives de ministre que l’Etat Patassé tant décrié jadis.
Ile d’Oléron, le 31 juillet 2003
Jean-Bosco PELEKET
(*) y compris pour les enfants des parents, amis et compatriotes proches, intégrés un peu partout en France et en Occident
Regards et points de vue des partis politiques et mouvements centrafricains