Réponse à DOUBA Gervais: "Construire le référentiel de la république garantissant des droits et des devoirs des citoyens dans les institutions politiques"
"Construire le
référentiel de la république garantissant des droits et des
devoirs des citoyens dans les institutions politiques,
civiles et militaires en Centrafrique; est-ce un dangereux défi
ou un nouvel
âge qu'impulse la transition?" - GERVAIS DOUBA,
enseignant en sciences de gestion UT-IUP(Université de Rouen)
Monsieur Fernand SADAME NANDO fernand_nando@yahoo.fr
A
Monsieur Gervais Douba,
Votre interrogation sur un "référentiel"pouvant
garantir les droits et les devoirs des citoyens centrafricains
m'a interpellé et je tiens à vous adresser mon soutien pour
cette initiative.
Il est vrai qu'ailleurs, il y'a aussi des échanges qui sont
faits ou des débats qui sont ouverts à tous. Mais le plus
souvent, cela tourne vite soit à l'auto promotion soit à une
campagne de règlements de comptes, pire encore, à des attaques
personnelles... De telles pratiques sont à prohiber pour laisser
libre court aux échanges d'idées et à des propositions
constructives. La démocratie est un système qui a ses règles;
le non respect des principes qui régissent son fonctionnement
est à proscrire. Le bon usage des libertés fondamentales est
aussi un gage de la survie d'une démocratie parce que nul n'est
censé ignorer que tout système crée en lui-même ses propres
contradictions...
Mon principal angle d'attaque portera sur les lois fondamentales
qui sont le reflet de la manière de penser, d'agir et de faire
d'un peuple.
Aujourd'hui, à l'entame du troisième millénaire, pour
subsister voire exister, toute société, toute nation doit
savoir pourquoi il est nécessaire de combattre et de travailler.
Cet exercice, je l'admets n'est pas facile; Il faudra de prime
abord répertorier les maux qui gangrènent le bon fonctionnement
de la cité et de chercher ensuite à les éradiquer par des
solutions idoines. Pour mener à bien ces travaux herculéens, le
climat social et l'environnement institutionnel sont les vecteurs
sine qua non pour l'accomplissement de cette mission.
Le problème fondamental qui est posé ici est celui de
l'émergence de la VIe République qui doit être portée par une
constitution qui répond aux aspirations et aux attentes du
peuple centrafricain. Une constitution qui doit être différente
de celles précédemment pondues et taillées sur mesure selon
les désidératas du Prince. La constitution considérée comme
l'ensemble des lois fondamentales doit être le reflet d'une
nation. Elle traduit ce que le peuple pense déjà être et ce
qu'il veut devenir. Elle exprime aussi les croyances, les valeurs
et le type de contrat qui lie le peuple à ses représentants.
Malheureusement, l'expérience des précédentes constitutions
nous a montré que nos constitutionnalistes, scribes des experts
de la françafrique ont souvent greffé des lois complètement
décalées de l'imaginaire collectif du peuple centrafricain aux
différentes constitutions en vigueur depuis l'indépendance de
notre cher et beau pays. La violation de chacune de ces
constitutions bâtardes est le sport favori de ses propres
initiateurs qui excellent dans la versatilité.
La gestion opaque de la chose publique est souvent érigée en
mode de gouvernement. Elle favorise non seulement la
prévarication, mais aussi la forfaiture, l'arbitraire, la
délation, la concussion, la gabegie, le népotisme, le
paternalisme et le clientélisme, etc. Le résultat de ces
pratiques mafieuses est la manifestation du mécontentement de la
population qui fini toujours par triompher d'une manière
(évènements qui ont accélérés la chute de l'ex-Empereur
Bokassa)ou d'une autre (vote sanction pour le Géneral-Président
Kolingba, le ras-le-bol d'une gestion chaotique dudit
"démocratiquement élu" Patassé).
Des formes de résistances diverses et variées ont été
déployées par certains partis politiques de l'opposition, par
les syndicats et par la société civile pour attirer l'attention
des autorités de l'ancien régime sur la patience du peuple qui
atteignait ses limites... L'indifférence du gouvernement des
partis de la mouvance présidentielle au pouvoir par rapport à
la souffrance du peuple centrafricain et surtout le manque de
solutions alternatives permettant de sortir de la situation de
crises endémiques que le pays a connu pendant les deux mandats
de Patassé ont fini par exacerber la population et sonner le
glas de la fin de ce régime.
Personnellement, je suis contre toute prise de pouvoir par la
force. Cela n'engage que moi... L'évidence est là, nous sommes
devant un fait accompli; il faut faire avec, mais que les
détenteurs actuels du pouvoir en Centrafrique ne croient pas
qu'en dépit de l'embellie et du packaging de ce coup de force,
le peuple centrafricain leur a donné un chèque en blanc.
La transition est le moment où il faut entreprendre des
réformes significatives qui mettront définitivement notre pays
sur les rails d'un véritable Etat de droit, c'est-à-dire
l'émergence d'un système politique où l'arbitraire des
personnalités dirigeantes est exclu. Les wagons de ce
"train de réformes" d'un ordre nouveau seront tirés
par une locomotive nommée CONSTITUTION.
Chaque peuple doit s'inspirer de ses propres valeurs pour
combiner les modalités d'élaboration des principes de droits et
de devoirs auxquels il adhère. On est pas tenue de suivre à la
lettre ce qui s'est passé dans la vieille Europe à la fin du
18e siècle; la convocation des états généraux et tous les
coûts qu'il faudrait supporter ne sont pas à notre portée.
Compter sur la communauté internationale pour nous aider à
réunir les conditions préalables au dialogue national est une
bonne chose, mais compter d'abord sur nous mêmes et sur les
sacrifices que chacun doit fournir est encore meilleur. La quête
principale du peuple centrafricain est la liberté, le bonheur,
le sentiment du bien être et la sécurité sur le territoire
national. Il veut que sa sécurité soit garantie par des
institutions sûres avec des missions clairement définis. Pour
satisfaire ses attentes, point n'est besoin de pondre une
constitution compliquée qui se borne à décortiquer de A à Z
les conditions d'application des règlements.
La clarté d'une constitution et sa concision sont des atouts
majeures pour sa pérennité. Les experts en droit
constitutionnel évoqueront ma naïveté, mais, chers(es)
messieurs et dames, la constitution des Etats-unis est l'une des
plus courtes au monde. Elle a été adapté à l'ère du temps
par des amendements qu'on a rajouté.
Pour la Centrafrique, il est temps que ses valeureux fils fassent
preuve de leur savoir-faire en toute indépendance. La
constitution est avant tout un acte volontaire et réfléchi par
lequel le peuple souverain (via le truchement d'une assemblée
constituante) définit le pouvoir qui s'inscrit dans
l'institution étatique. Elle détermine les conditions dans
lesquelles les hauts dignitaires de l'Etat seront habilités à
user du pouvoir et de la puissance que leur confère leurs
charges et elle requiert aussi du peuple une soumission
éclairée et vigilante.
Si l'idée qui se profile à l'horizon est de faire du Conseil
National de Transition un pouvoir constituant originaire,
l'objectif qui doit animer cette assemblée constituante est la
garantie des libertés fondamentales, des droits et des devoirs
des centrafricains, la séparation effective entre les pouvoirs
exécutif, législatif et judiciaire, ainsi que la mise en place
des organes de contrepouvoir, afin de contrôler et d'endiguer
tous les abus.
Les débats de cette assemblée ne doivent pas tourner au diktat
de certains érudits qui croient détenir la science infuse. Au
contraire, la diversité de ses membres qui regroupera (on
l'espère) toutes les forces vivent de la société
centrafricaine doit se manifester au travers de leurs
propositions fussent t'elles mal formulées ou bancales.
L'essentiel, c'est de parvenir à trouver un consensus et
d'arrondir les angles; c'est aussi cela la démocratie.
Nous devons changer de mentalités et de comportements; la
culture du premier de la classe héritée du colon est caduque,
cest-à-dire que ceux qui croient être meilleurs parce
qu'ils ont fait de longues études, doivent s'inscrire à
l'école de la modestie et cultiver leur sens de responsabilité.
Ils ne seront utiles au pays que s'ils savent adapter leurs
connaissances et leurs compétences spécifiques aux réalités
sociologiques, politiques, économiques et militaires
centrafricaines. Notre tradition orale basée sur la palabre
éclairée reposant sur des échanges factuels et francs doit
s'accorder avec la modernité.
Nous devons apprendre à travailler en équipe. Nous devons aussi
reconnaître nos torts et nos erreurs et de chercher à les
corriger ensemble. Seule une constitution qui circonscrit toutes
ces valeurs morales, religieuses, politiques et universelles et
qui les fait ressortir fidèlement dans un pacte social dans
lequel chacun et tous se reconnaissent sera garante d'une paix
durable en centrafrique.
Le Conseil National de Transition qui sera mis en place pour
pallier à la carence de l'assemblée nationale peut, rigueur
économique oblige, assumer cette mission. Pour mener à bien
cette délicate mission, sa composition doit transcender tout
clivage politique, ethnique, religieuse, etc. Elle doit être
transversale et faire la part belle au capital humain de tout
bord, du paysan à l'intellectuel en passant par les
entrepreneurs privés
sans oublier les différentes associations représentatives des
femmes centrafricaines.
SADAM FERNAND PAUL
NANCY (54) France.
fernand_nando@yahoo.fr
ngoyanadji@voila.fr
23 mai 2003, 12:56:28