La France vient de commémorer le 80e anniversaire de l'armistice du 11 novembre 1918 marquant la fin de la première guerre mondiale. Qui se souvient encore de ces 180 000 noirs africains qui se sont battus pour sauver la France du désastre. Rares sont les personnes qui en France ont une idée du sacrifice consenti par l'Afrique et la jeunesse africaine lors de cette guerre.
Les Africains qui ont conscience le tribut payé pour libérer la France et les Français du joug nazi ne sont pas légion non plus.
Nous sommes néanmoins de nombreux africains à avoir eu l'opportunité de sillonner la France. Nulle part nous n'avions vu le moindre petit moment érigé en l'honneur de ces soldats dont, pourtant, le courage et le sens du devoir furent souvent cités en exemple. Ces vaillants soldats, appelés généralement tirailleurs sénégalais offrirent à la France ce qu'ils avaient de plus noble et du plus cher : leur vie.
Il me sera opposé une réponse classique que personne ne comprend pas en Afrique << les tirailleurs sénégalais? C'était des français comme les autres. La France ne fait pas de discrimination.
Je l'entends bien assurément.
J'observe cependant que le plus petit village de la France métropolitaine à ériger un monument aux morts avec la plaque portant les noms de tous ses combattants tombés pour la patrie.
J'observe par ailleurs que le Grande-Bretagne en tant que partie prenante à la guerre, mais encore ses colonies ont été honorées. Songez donc, les néo-zélandais étaient pourtant des anglais. Ils venaient des colonies comme des africains n'est-ce pas? Des monuments témoignent de leurs sacrifices en France
Je n'en dis pas plus!
Les monuments, ça ne nourrit pas son homme me diriez-vous; ça entretient la mémoire. C'est là le problème.
Il ne faut pas entretenir la mémoire s'agissant des africains; dirait une mauvaise langue, mais pas moi bien sûr.
Je voudrais citer quelques lignes de l'entretien accordé au journal Le Monde par Abdoulaye NDIAYE, ancien combattant sénégalais qui vient de s'éteindre à l'âge de 104 ans, à la veille de la commémoration de l'Armistice. Il est parti avant que l'ambassadeur de France à Dakar n'aille à sa rencontre avec une médaille, vous voyez ce que je veux dire.
Pourquoi se battait-il contre les allemands? Lui demande le journaliste français. << Pour faire mon devoir, pour honorer mon oncle >>- un oncle à qui il devait respect.
A l'armistice du 11 novembre 1918, c'était le triomphe notamment à Marseille où << on nous portait en triomphe en criant : voilà les bons sénégalais >> se souvient Abdoulaye NDIAYE. Mais les promesses de solde exceptionnelle, faites sous le feu par les officiels français au nom de l'Etat n'ont jamais été tenues.
Ainsi pendant 30 ans, << de 1918 à 1948 l'ancien combattant n'a pas touché un centime de compensation >>. A la veille de sa mort le 10 novembre 1998, il percevait une pension de 340F21, une misère sinon une honte pour la France et le drapeau français.
A croire que l'homme a voulu sauvegarder sa dignité, ne pas s'abaisser pour... vous avez dit une médaille?
Paris, le 12 novembre 1998
Jean-Bosco