Professeur Abdou Salam Sall: L’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad) poursuit sa dynamique de réforme. Le Juge Kéba Mbaye et la leçon inaugurale

Professeur Abdou Salam Sall, recteur de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad), est déterminé à donner une nouvelle impulsion à cette institution. La leçon inaugurale sur «L’Ethique, aujourd’hui» prononcée par le juge Kéba Mbaye, lui a permis d’annoncer les prochains chantiers de l’Ucad.

L’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad) poursuit sa dynamique de réforme concernant le système Licence-master-doctorat (Lmd). Professeur Abdou Salam Sall, recteur de l’Ucad, signale que «des avancées notoires sont enregistrées concernant l’enseignement Lmd avec cinquante masters validés ou en examen». Un test insuffisant pour le recteur et qui nécessite encore des efforts, car le basculement total n’est pas atteint. D’où l’appel lancé au corps professoral pour qu’il se mobilise davantage au cours de cette présente année académique dans l’optique d’«un basculement total». D’ailleurs, une première évaluation de ce nouveau système est prévue, en avril prochain, au cours d’un séminaire de validation des offres master de l’Ucad, a annoncé le recteur.

Mais, au-delà de cette réforme en cours, l’Ucad a également revisité son champ de recherches pour mieux l’adapter aux besoins du «développement économique et social du Sénégal et de l’Afrique». Cette réorganisation, annonce M. Sall, s’articule autour de quatre axes majeurs que sont : la transdisciplinarité, l’environnement de la recherche, le financement et les droits de propriété intellectuelle. C’est ainsi que s’agissant de la transdisciplinarité, la volonté de regrouper les écoles doctorales est déjà manifeste. Un texte régissant ces dites écoles est, d’ailleurs, disponible sur le site web de l’Ucad et quiconque peut «l’amender», a invité M. Sall.

De même, les moyens concernant l’Internet se sont bonifiés par un passage du débit de 2 mégas bit à plus de 4 mégabits. Et le président de l’Assemblée de l’université de poursuivre que leur «souhait est de porter ce débit à 45 mégabits, tout prochainement, pour espérer ensuite distribuer plus de 150 mégabits à la sous-région». D’ailleurs, le recteur Sall a porté à l’attention de ses collègues enseignants de l’Ucad qu’ils peuvent disposer, désormais, d’un ordinateur portable suivant des facilités qui leurs sont accordées. En attendant la finalisation du Centre de mesure qui devrait être réceptionné dans huit mois. Ce tout devant améliorer, sensiblement, l’environnement de la recherche au sein de cette institution. Sans compter, le projet de la Polyclinique universitaire, qui est déjà finalisé.

Au cours de la leçon inaugurale de l’Ucad prononcée par le Juge Kéba (Mbaye) et ayant pour thème : «L’Ethique, aujourd’hui», Abdou Salam Sall a révélé que l’institution qu’il préside est assez lotie pour assurer le financement de certains de ses projets : «Avec 40 % des recettes tirées des services, nous pouvons annoncer que nous avons les moyens de financer les écoles doctorales et faire plus». Mieux, l’Union économique et monétaire de l’Afrique de l’Ouest (Uemoa) vient de tenir sa promesse qui était de financer la réforme universitaire. A cet effet, l’Ucad a, tout récemment, «réceptionné 1,6 milliard de francs Cfa (de la part) de l’Uemoa».

Enfin, pour mieux défendre la production de ses chercheurs, l’Ucad a mis en place un bureau chargé de défendre la propriété intellectuelle. Et pour l’heure, seuls quatre domaine sont pris en compte par ce «processus de transformation». Il s’agit, selon le recteur, des Technologies de l’information et de la communication (Tic), de la biotechnologie, de l’aquaculture et de la confection.

Quotidien.sn - 21 déc. 2005 [http://www.lequotidien.sn/articles/article.CFM?article_id=30825]
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Ethique politique : Kéba Mbaye tance les politiciens professionnels

Les politiciens professionnels n'étaient pas à la fête, hier. Introduisant le cours inaugural "L'éthique, aujourd'hui", le juge Kéba Mbaye n'a pas ménagé ceux qui veulent faire de la politique une activité. Avec, au passage, un regard critique sur la prise en charge de l'éthique dans la gestion des trois régimes post-indépendance.

"L'éthique, aujourd'hui" était le thème du cours inaugural qui a fait se déplacer, en plus du quatrième personnage de l'Etat, Me Mbaye Jacques Diop, une pléthore de ministres d'Etat et de ministres devant qui Kéba Mbaye, ancien premier Président de la Cour suprême et du Conseil constitutionnel, actuel président du Comité éthique du Comité international olympique, n'a pas usé de raccourcis ni de métaphores pour dire ce qu'il pense de la place de l'éthique dans la gestion de la cité. "Ce n'est pas la politique politicienne qui développe un pays. Ce genre de politique est le métier le plus facile du monde. Il ne nécessite ni étude ni apprentissage", leur a-t-il dit, sans sourciller. Et d'enfoncer : "Les pays les plus puissants ne sont pas ceux où la politique est reine".

Juge au moment où Senghor avait les rênes du pays, président de la plus haute juridiction du Sénégal au moment où celui-ci quittait le pouvoir et ayant installé dans ses fonctions son successeur Abdou Diouf, c'est en témoin de notre temps que le juge Kéba Mbaye livre une vision comparative des différents régimes politiques que le Sénégal a connus depuis le 4 avril 1960.

Du Sénégal post-colonial, il regrette qu'il ait connu "deux faux départs". Le premier étant constitué par la rupture de la Fédération du Mali. Le second étant la séparation entre Léopold Sédar Senghor et Mamadou Dia, respectivement président de la République et président du Conseil des ministres. "Ce sont deux dirigeants qui se complétaient", dira-t-il des deux têtes de l'Exécutif qui présidaient aux destinées du Sénégal indépendant. Si l'un symbolisait l'esprit "très toubab", l'autre était l'incarnation de ce qu'il y avait de plus sénégalais. Deux modes de pensée et deux civilisations au confluent desquels le Sénégal devrait s'abreuver. Mais, semble-t-il regretter, le Sénégal a laissé cette chance lui filer entre les doigts. "Le 17 décembre 1962, ils se sont, brutalement, séparés", regrette-t-il, avec un trémolo dans la voix. Comme s'il voulait établir un lien entre ces événements et ceux qui se déroulent actuellement, il évoque la guerre menée entre les pro-Mamadou Dia et les pro-Senghor. "Les premiers étaient brimés", rappelle-t-il.

Témoin-clé du régime de Diouf dont il a procédé à l'installation officielle, le juge Kéba Mbaye se rappelle, avec force anecdotes, les phrases qu'il a prononcées en ce jour mémorable et dont le Sénégalais moyen ne retient qu'une : "Monsieur le Président, les Sénégalais sont fatigués". Aujourd'hui, "je n'ai pas l'impression que les choses aient changé", assène-t-il. Si l'occasion lui en était donnée, les mots qu'il avait prononcés à l'endroit de Diouf, il les aurait prononcés à l'endroit des nouvelles autorités. Peut-être même avec plus de vigueur qu'il y a vingt-quatre ans. Parce que "nous nous sommes éloignés (davantage) de l'éthique comme s'il s'agissait d'un principe qui n'a plus cours". La corruption, la concussion, la prévarication, la paresse, etc., transcendent les régimes pour se confondre avec le comportement de l'homo senegalensis. Mais "que ceux qui se sont enrichis, se le disent bien : ils n'ont aucun respect de la part des Sénégalais", souligne Kéba Mbaye. Qui rappelle ses propos prémonitoires dans lesquels, déjà en 1981, il parlait de l'alternance. Mais, constate-t-il, aujourd'hui, on parle de l'alternance comme si c'était une fin. "L'alternance n'est pas une fin, elle doit être répétée ad vitam aeternam".

En guise de conclusion, le sage homme prodigue ses conseils. Pour une thérapie collective, il faut, d'abord, transformer "certaines règles éthiques fondamentales en règles erga omnes". Il faut, ensuite, "que la justice soit forte et respectée parce que servie par des magistrats bien traités et indépendants du pouvoir, des parties au procès et du public". Il faut, enfin, "adopter dans notre pays l'éthique comme règle de comportement". Ce n'est que dans ces conditions - et dans ces conditions seulement - que nous pouvons nous départir des "magouilles" et des "combines", véritables cancers de notre société.

Ibrahima ANNE
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