Clichés de l'Homme noir par les ethnographes de l'époque coloniale : cas d'études sur les "Moeurs et coutumes des Mandja" en Oubangui-Chari par AM. VERGIAT

(Note de lecture par Jean-Jacques SANZE)

La question que nous nous posons est de savoir si certains clichés de l'homme noir ou de l'indigène qu'il renferme sont encore d'actualité ?
Nous rappelons aux lecteurs que cet ouvrage d'ethnographie a été publié pour la première fois en 1937 aux Editions Payot.
La lecture du livre de AM. Vergiat sur les "Moeurs et coutumes des Mandjas" m'a toujours interpellé. Non pas seulement que le contenu du livre soit léger, mais l'introduction comporte des clichés amusants. Mais AM. Vergiat est excusable car ses recherches remontent en 1937 ! Or à l'époque, beaucoup d'ethnologues sont tombés dans le piège des apparences culturelles au lieu d'étudier les vrais cultures des peuples auxquels ils s'intéressaient.
Voici un extrait de l'"introduction " de cet ouvrage que nous trouvons très amusant et que nous avons voulu partager avec les lecteurs de SANGONET.
Un peu de littérature !

 

" En général le noir est impulsif, un rien le fait rire aux éclats, comme le plus petit désagrément le terrasse. La vie collective l'a mal préparé à l'effort solitaire et soutenu.
Les gros travaux de ses plantations s'effectuaient par des corvées d'hommes du clan ; corvées toujours accompagnées de danses et de beuveries de bière, aux frais de l'employeur. Au travail, la fatigue était chassée par des chants rythmant l'effort.
En général, l'indigène est fort imprévoyant, ignore l'économie.
Quand il possède, il dissipe et se goberge, les indigestions sont fréquentes.
Puis, quelques lunes avant la nouvelle récolte, il sera obligé de serrer sa ceinture et de se contenter des vivres de famine qu'il cueillera dans la brousse.
En dehors des travaux de sa plantation, le noir est désœuvré. Il se promène sur les sentiers de la brousse, armé d'un arc et d'une sagaie, sur laquelle il s'appuie, et portant suspendu à son épaule un sac de peau où se trouve son tabac, sa pipe, son amadou et divers autres objets plus ou mois hétéroclites ou alors il somnole à l'ombre de sa case, allongé sur une natte en tirant de fortes bouffées de sa pipe.
Son esprit est ailleurs.
Qui pourra nous dire et nous dévoiler le cours de sa pensée ?
Le temps ne compte pas pour lui. Il ne sait pas en mesurer la longueur.
Heureux homme qui ignore son âge et ne se voit pas vieillir.
En présence de Blancs qui se hâtent, affairés, il est surpris ; il conclut : " Ils ont besoin de beaucoup d'argent. "
Il ne se trompe pas d'ailleurs.
Le primitif est curieux, avide de voir, mais il ne cherche pas à comprendre ; l'expérience ne le tente pas et nos inventions, nos machines bizarres et bruyantes ne le surprennent qu'une fois, puis il s'écrie : " ça c'est manière pour Blanc. "
Et il retombe vite dans l'indifférence.
Non pas que son cerveau soit incapable de raisonnement, mais il est inattentif, insouciant.
Il dédaigne l'effort inutile et estime, un peu fataliste, qu'il est plus facile d'admettre que de chercher à comprendre.
C'est aussi un naïf orgueilleux, jaloux de son savoir et de sa race.
Mais il est très méfiant et n'accorde pour ainsi dire jamais son entière confiance.
Il nie l'évidence et ment effrontément, par besoin, comme l'enfant, pour garantir sa faiblesse et préserver, car le mensonge est flétri par la coutume ...
Chaque fois qu'on pose une question précise à un indigène on est à peu près sûr d'obtenir une réponse vague ou négative ou alors ce sera un débordement de paroles dont on arrivera pas à saisir le sens.
Le primitif est instable et d'une mobilité décevante. Il est difficile de prendre ses promesses au sérieux et de lui accorder sa confiance. Il a une crainte innée de Blanc et il se méfie. Il promet donc pour assurer sa tranquillité et d'un air indifférent surveille l'Européen, sans que celui-ci s'en doute.
Il est doué d'une excellente mémoire et n'oublie jamais ce qu'on lui a promis.
Mais il est faible et ne sait pas toujours maîtriser ses instincts, se livre à des excès. "

Extrait de l'ouvrage de A.M.VERGIAT intitulé : " Moeurs et coutumes des Mandjas", Edition l'Harmattan
(Vendredi, 13 Octobre 2000)


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