Cour criminelle de Bangui : les minutes du procès du putsch manqué du 28 mai 2001 (Acte 3)
BANGUI, 02 sept (AFP) - 19h13 - Six fonctionnaires centrafricains accusés d'avoir contribué financièrement au putsch manqué du 28 mai 2001 en Centrafrique, ou participé à des réunions préparatoires, ont nié les faits, lundi, devant la Cour criminelle de Bangui.
Ces six fonctionnaires poursuivis pour "complicité d'atteinte à la sûreté intérieure de l'Etat" appartiennent à l'ethnie yakoma de l'ex-président André Kolingba, condamné à mort par contumace le 26 août pour ce coup d'Etat manqué et actuellement exilé en Ouganda.
Les accusés, qui exercent dans les provinces de Sibut et Kaga-Bandoro, ont tous plaidé non-coupable.
Le ministère public a soutenu qu'une lettre émanant d'Idriss Salao, secrétaire général du Rassemblement démocratique centrafricain (RDC), le parti de M. Kolingba, avait été adressée à ses militants pour leur demander de contribuer financièrement à la réussite du putsch.
L'un des avocats de la Défense, Me Nicolas Tiangaye, a réclamé que soit rendue publique la liste des présumés donateurs de cette tentative avortée, dont l'existence avait été évoquée lors de l'enquête préliminaire.
"Le moment est venu que les avocats puissent avoir accès à cette pièce-là pour qu'un débat contradictoire se fasse là-dessus", a-t-il déclaré.
Plusieurs témoins de l'accusation ont évoqué les comportements bizarres des accusés peu avant le putsch, dont le déplacement d'un d'entre eux à Bangui quelques heures avant le coup d'Etat, ou les critiques qu'ils formulaient envers le président centrafricain Ange-Félix Patassé.
Mais aucune précision n'a été fournie sur les réunions ou la contribution financière qui leurs sont reprochées.
"Tout ce qui est rapporté sur les cadres ici présents ne sont que des rumeurs, et le ministère public ne peut pas fonder l'accusation sur la base des rumeurs", a commenté Me Tiangaye.
Après une suspension d'une heure, la cour a repris ses débats consacrées aux auditions d'autres témoins de l'accusation.
BANGUI, 1er sept (AFP) - 20h08 - Le Parquet général de la Cour d'appel de Bangui a réclamé dimanche l'ouverture d'une enquête judiciaire visant le général François Bozizé, réfugié au Tchad depuis novembre 2001, et ses partisans en fuite, a annoncé la radio nationale.
"Force a malheureusement été de constater, qu'au courant de ce mois d'août 2OO2, des plaintes en provenance de Sido et Kabo (deux localités du nord de la Centrafrique) font état d'exécutions sommaires des populations par Bozizé et ses éléments", explique un communiqué du Parquet général lu à la radio.
Ce dernier rappelle que sa décision du 24 décembre dernier de suspendre les poursuites pénales contre l'ancien chef d'état-major centrafricain, accusé en novembre 2001 d'avoir fomenté un complot à Bangui, ne concernait pas les faits extérieurs à cette affaire.
"En conséquence (...), le Parquet général vient de demander au Parquet de Bangui l'ouverture d'une enquête régulière", indique le communiqué.
La démarche du Parquet général intervient plus de deux semaines après les déclarations du général Bozizé, qui a affirmé que des "patriotes de l'intérieur" avaient lancé une attaque, le 10 août dernier, contre la ville de Kabo (à 65 km de la frontière avec le Tchad).
Ces derniers auraient agi, selon lui, en représailles à des "exactions" commises à l'encontre des populations civiles du nord de la Centrafrique par des militaires basés à Kabo et dirigés, selon eux, par un ancien rebelle tchadien, Abdoulaye Miskine.
Depuis sa fuite au Tchad, consécutive à son arrestation manquée du 2 novembre 2001, le général Bozizé est resté une pomme de discorde entre Bangui et N'Djamena, qui a toujours refusé son extradition.
Les relations entre les deux pays se sont brutalement tendues après un accrochage meurtrier survenu le 6 août à leur frontière, à proximité de Sido.
Le communiqué de Presse du Parquet Général près la Cour d'Appel de Bangui au sujet de Bozizé :Par décision n°697/PGCA en date du 24 décembre
2001,
Le Parquet Général avait jugé inopportunes les poursuites pénales contre François
Bozizé et tous autres, du chef d'atteinte à la sûreté intérieure de l'Etat et des
infractions connexes.
Cette mesure couvrait les faits commis en novembre 2001 et avait pour but d'asseoir
l'apaisement sur le plan national.
Force a été malheureusement de constater qu'au courant de ce mois d'août 2002, des
plaintes en provenance de Sido et de Kabo font état d'exécutions sommaires des
populations par Bozizé et ses éléments.
La décision du 24 décembre 2001 ne s'appliquant pas aux faits étrangers aux
évènements de novembre 2001,
Le Parquet Général près la Cour d'Appel de Bangui vient de demander l'ouverture par le
Parquet de Bangui d'une enquête régulière.
Fait à Bangui le 31 août 2002
F. GOBA
1er Avocat Général du parquet de Bangui
BANGUI, 31 août (AFP) - 18h28 - Le chef de la Force spéciale chargée de sécuriser la frontière nord de la République centrafricaine (RCA), Martin Koumta-Madji, a dénoncé samedi l'existence de réseaux de "coupeurs de route" (bandits de grand chemin) organisés depuis le Tchad.
"De grands +patrons+ tchadiens soutiennent ces malfaiteurs qui tuent, violent, torturent et pillent les provinces centrafricaines", a affirmé Martin Koumta-Madji dans un entretien avec l'AFP.
Les autorités tchadiennes considèrent Martin Koumta-Madji comme étant en fait Abdoulaye Miskine, un ancien rebelle du sud du Tchad installé à Bangui.
Ces "patrons, explique le chef de la Force spéciale, remettent aux malfaiteurs, triés sur le volet (au Tchad), de l'argent et des armes de guerre avec pour mission de rançonner les éleveurs, et éventuellement les voyageurs".
"Quand ils quittent le Tchad au début de l'année, c'est pour rentrer au bout de trois mois à un an plus tard, avec des butins de l'ordre de 5O à 8O millions de francs CFA (de 76.000 à 120.000 euros), précise Martin Koumta-Madji.
"Des commerçants tchadiens installés dans l'arrière-pays ou à Bangui les orientent et les alimentent en cas de besoin, avec parfois la complicité des autochtones", affirme encore M. Koumta-Madji, qui dénonce aussi la "complaisance" de certains gendarmes affectés dans les zones d'action des coupeurs de route.
Le chef de la force spéciale, qui dit avoir été chargé depuis un an de lutter contre cette forme de banditisme, reconnaît ouvertement avoir abattu sommairement plusieurs coupeurs de route.
"Je ne fais jamais de concession en cas de culpabilité", explique ce militaire, aujourd'hui à la tête de près de 300 hommes.
Chaque année, plusieurs milliers d'éleveurs tchadiens et soudanais traversent avec leurs troupeaux en transhumance les provinces centrafricaines, où ils sont souvent victimes des razzias de coupeurs de route, appelés aussi "Zaraguinas" par les Centrafricains.
Des sources policières interrogées par l'AFP estiment qu'au moins cinquante personnes sont tuées chaque année dans ces razzias.
Les autorités tchadiennes ont dénoncé de leur côté à plusieurs reprises en 2002 des exactions à l'encontre de ses ressortissants vivant à la frontière tchadienne, et perpétrées, selon elles, par Abdoulaye Miskine.
Une mission d'experts d'Afrique centrale s'est récemment déplacée en RCA et au Tchad pour mettre un terme au différend frontalier entre les deux pays.
BANGUI, 30 août (AFP) - 20h16 - La Cour criminelle de Bangui, qui a commencé à juger lundi 82 présumés putschistes, a entendu vendredi plusieurs témoins de l'attaque, dans la nuit du 27 au 28 mai 2001, de la résidence du président Ange-Félix Patassé, a constaté un correspondant de l'AFP.
Les témoins, un officier de la garde rapprochée du président Patassé, son adjoint et deux de ses hommes, ont été appelés à la barre pour faire le récit de cette attaque surprise, survenue autour de 2H15 (1H15 GMT). Aucun des 82 inculpés n'a en revanche comparu pour cet épisode de la tentative de putsch.
"Les assaillants étaient plus nombreux que nous et menaient cette attaque avec des roquettes et des grenades", a indiqué l'officier interrogé, le commandant Justin Hassan.
"Ils ont tué les sept éléments qui occupaient les postes avancés autour de la résidence, mis en débandade les autres, puis se sont rapprochés des murs de la résidence en lançant des injures", a-t-il poursuivi.
"J'ai averti le président de la République que nous étions attaqués par des ennemis, a raconté l'officier, précisant que ce dernier lui avait demandé "de continuer à défendre la résidence avec l'appui de mes éléments, tant que les ennemis ne nous auront pas tous exterminés".
L'officier a finalement tenté -vainement- une évacuation du chef de l'Etat: "les deux roues avant de la voiture qu'un de mes éléments tentait d'engager vers la sortie ont été crevées par des tirs nourris d'armes automatiques. Nous avons alors renoncé".
L'attaque, qui a duré plus de deux heures, s'est achevée à l'arrivée de renforts.
Aucun des témoins n'a pu déterminer le nombre d'assaillants, ni leur nationalité. Les putschistes s'exprimaient en sango, la deuxième langue officielle de la Centrafrique avec le français, ont-ils tout juste noté.
La Cour criminelle a reporté l'audience au lundi 2 septembre.
La Cour a appelé à la barre une dizaine de sous-officiers et soldats de l'Unité de sécurité présidentielle (USP), accusés de "capitulation" pour avoir abandonné le Camp de Roux aux putschistes.
"Les assaillants n'ont pas rencontré de résistance, car l'attaque était très violente. Nous étions en nombre inférieur, de surcroît démunis, et nous avons été obligés de battre en retraite vers le palais présidentiel", ont expliqué les accusés, qui ont tous plaidé non coupable.
"Certains de nos compagnons d'armes qui se trouvaient à l'intérieur du camp ont été pris en otage par le lieutenant Kongoloma", qui a réussi, selon eux, à faire "neutraliser tous les occupants du camp" par ses hommes, avant d'être tué lui-même dans les combats.
Les accusés n'ont pu en revanche expliquer les circonstances de la libération par les putschistes du général Guillaume Lucien Ndjengbot, un proche de l'ancien président André Kolingba qui purgeait à ce moment au Camp de Roux une peine de dix ans de prison.
Le général Ndjengbot a été condamné lundi par contumace à 20 ans de travaux forcés par la Cour criminelle, qui a également condamné par contumace à la peine capitale le général Kolingba, reconnu coupable d'être l'instigateur du coup d'Etat manqué.
Plusieurs accusés ont également souligné que la tentative du putsch, survenue en pleine nuit, avait été facilitée par la liesse populaire qui régnait la veille au soir dans Bangui en raison de la célébration de la Fête des Mères.
Les inculpés, des soldats de trois corps différents, affectés au camp Kassaï, la principale caserne de Bangui, ont comparu pour "atteinte à la sûreté de l'Etat" et "désertion en temps de crise".
Il leur est reproché d'avoir tardé à rejoindre leur corps respectif au moment du putsch, parfois un mois après.
"De nombreuses exactions étaient commises par certains soldats loyalistes contre leurs compagnons d'armes qui tentaient de les rejoindre, (...) parce qu'ils les suspectaient de collusion avec les putschistes", ont expliqué les inculpés.
"En l'absence des responsables militaires, nous étions obligés de nous diriger vers les champs avec les membres de nos familles pour les mettre à l'abri, ou d'attendre des patrouilles militaires", ont-ils ajouté.
"Je trouve cela contraire à la vocation du militaire", a déclaré le procureur général de la Cour criminelle, rappelant que "les institutions du pays étaient à ce moment en danger.
Ce dernier n'a pas accusé les inculpés d'avoir participé au putsch manqué, tout en estimant que le chef d'inculpation d'atteinte à la sûreté de l'Etat, passible de peine de mort, pouvait néanmoins être retenu.
"Celui qui veut renverser le pouvoir est déjà un ennemi, et il ne peut pas déserter devant lui-même", a ironisé Me Martin Kongbeto, bâtonnier et avocat de certains accusés.
La Cour criminelle, qui juge depuis lundi, selon les différentes phases de la tentative de coup d'Etat, quelque 82 présumés putschistes présents à Bangui, a renvoyé la suite du procès à jeudi.
BANGUI, 26 août (AFP) - 18h49 - L'ancien président centrafricain, le général André Kolingba, et une vingtaine de militaires centrafricains, jugés par contumace dans le cadre du procès sur le coup d'Etat manqué du 28 mai 2001, ont été condamnés à mort lundi par la Cour criminelle de Bangui.
L'ex-chef de l'Etat, au pouvoir de 1981 à 1993, a été reconnu "coupable du crime d'atteinte à la sûreté intérieure de l'Etat" par la Cour criminelle qui a rendu son verdict lundi, a constaté l'AFP.
La Cour a suivi le réquisitoire du procureur général, Joseph Bindoumi, qui avait requis vendredi la peine capitale contre le général Kolingba pour avoir "préparé et exécuté" l'attaque, dans la nuit du 27 au 28 mai 2001, de la résidence de l'actuel président Ange-Félix Patassé, au pouvoir depuis 1993.
En fuite, comme la plupart des 615 présumés putschistes jugés vendredi dernier par contumace, le général Kolingba avait de toute façon endossé la paternité de ce putsch sur les ondes de Radio France internationalequelques jours plus tard.
Ce coup de force, suivi de près de deux semaines de combats entre putschistes et troupes loyalistes, avait fait 59 morts, selon un bilan officiel, davantage selon des témoignages, et provoqué l'exode d'environ 80.000 Banguissois.
La Cour criminelle, une juridiction spéciale dépendant de la cour d'appel de Bangui, a également condamné à mort, comme l'avait demandé le procureur général, 22 officiers et sous-officiers reconnus coupables du même crime.
Trois fils d'André Kolingba, Serge, Francis, et Arthur, ainsi que le commandant Anicet Saulet, qui avait mené l'une des mutineries militaires de 1996-97 en Centrafrique, font partie de ce groupe.
La Cour pouvait difficilement être clémente au regard des témoignages recueillis par la Commission mixte d'enquête judiciaire sur le coup d'Etat. Ces témoignages, lus au cours de l'audience de vendredi, étaient accablants pour la plupart des condamnés, souvent cités nommément dans certaines phases du putsch.
Dans le cas du général Kolingba, des témoins ont rapporté la tenue de réunions secrètes à son domicile, où des armes avaient également, selon eux, été entreposées.
La Cour criminelle, présidée par Zacharie Ndouba, a créé la surprise en condamnant aussi à mort le député d'opposition Charles Massi, un militaire en disponibilité et en exil depuis début 2001 en France, ainsi qu'un colonel des douanes, pourtant présentés par le procureur général parmi les "co-auteurs" du putsch.
Le général Guillaume Lucien N'djengbot, un proche d'André Kolingba incarcéré au moment des faits avant d'être libérés par les putschistes, contre lequel avait été requis la peine capitale, a en revanche été placé dans ce groupe des "co-auteurs", dix personnes au total, condamnés à "20 ans de travaux forcés".
Pour tous ces condamnés, la Cour a par ailleurs ordonné la "confiscation des biens meubles et immeubles".
Le verdict a également été sévère envers ceux que le procureur avait décrit comme des "déserteurs", un groupe d'environ 580 militaires en fuite ou qui, rentrés à Bangui dans l'anonymat, ne se sont pas présentés à la justice de leur pays.
Elle les a reconnus coupables de "désertion pour complot", avant de les condamner "à dix ans de réclusion", alors que les peines requises étaient de "10 ans de travaux forcés".
La Cour criminelle a par ailleurs délivré à l'issue du verdict un "mandat d'arrêt" contre l'ensemble des condamnés jugés par contumace, qui ont également été "déchus de leurs droits civiques".
A la suite d'une courte suspension, la Cour a repris le procès de quelque 82 autres présumés putschistes, militaires et civils, présents à Bangui, et parmi lesquels figure l'ancien ministre de la Défense de l'époque, Jean-Jacques Démafouth, accusé d'avoir ourdi un complot parallèle.
Arrêt de contumace rendu le lundi 26 août 2002 par la Cour criminelle contre André et consorts
ARRET DE CONTUMACE
-Vu les pièces du dossier de la procédure de contumace suivie contre les accusés André
Kolingba et autres,
-Oui au Ministère Public en son réquisitoire -Nul pour les accusés non comparant
Considérant que par arrêt de mise en accusation rendue par la chambre daccusation
en date du 28 décembre 2001, les nommés André Kolingba et autres ont été renvoyés
devant la cour criminelle sous laccusation de :
-Coaction de crime datteinte à la sûreté intérieure de lEtat
-Complicité datteinte à la sûreté intérieure de lEtat
-Assassinat et de complicité dassassinat
-Désertion
-Evasion
Que par exploit des agents
dexécution en date du 17 janvier 2002, la signification de cet arrêt de mise en
accusation a été délivrée au domicile présumé des accusés en fuite, à la mairie de
Bangui et parlant à Madame Cécile Guéré, Présidente de la Délégation Spéciale de
la ville de Bangui qui a reçu copie de cet arrêt de renvoi et a visé loriginal de
lexploit de lagent dexécution,
Que suivant acte en date du 8 août 2002, tous les accusés contumax ont été cités à
comparaître conformément aux dispositions de larticle 193 du code de Procédure
Pénale ;
Considérant quil résulte des pièces du dossier, que depuis son échec aux
élections présidentielles qui a coûté son départ à la tête de lEtat,
lex Chef dEtat André Kolingba sest remis résolument à la recherche de
tous les moyens possibles pour reprendre le pouvoir de lEtat,
Quen dépit des mutineries répétées de 1996 et 1997, qui nont pas obtenu la
démission du Président Patassé, la faim et la soif du général Kolingba pour le
pouvoir ne sont jamais atténuées, tel quil ressort de sa note manuscrite datée de
Bangui le 04 octobre 1997, adressée à son neveu Isidore, rédigée en ces termes :
« Neveu Isidore,
Juste pour te dire davoir à lil ton compagnon darme car jai
comme limpression que ce dernier et ses pairs sont en train de mijoter quelque
chose, donc pour ne pas avoir de mauvaises surprises, prière de le suivre de près dans
tous ses mouvements. Aussi, tu tâchera de prendre mon ami Jeannoux Lacaze pour lui
signifier en ces termes : « le crocodile est prêt pour sortir de leau à la
conquête de nouvelles proies, seulement il attend le départ du pêcheur.
Ton oncle André Kolingba »
Que sous une apparence trompeuse, il sest toujours comporté comme celui qui
sest mis à lécart de tous les évènements, et contrairement aux agitations
et aux déclarations incendiaires de certains leaders de lopposition, André
Kolingba sest montré très réservé et discret en prenant soin déviter de
paraître dans les activités publiques de son parti ; à ses proches, il recommandait
dobserver le silence et de suspendre la tenue des réunions nocturnes jusquau
retrait des contingents militaires de la MINURCA du pays.
Les actions vont se manifester lorsquen octobre de lannée 1999, une
organisation clandestine appelée « brigade de la mort » a été mise en place par Jacob
Gbéti et Jonathan Nkouet pour entretenir le grand banditisme dans la ville de Bangui.
Cette organisation clandestine dénommée« Yakuza », aura la mission de mener des
actions violentes et de provoquer des troubles pour rendre le pays ingouvernable et
empêcher le président Patassé de terminer son mandat.
A la suite de la grande réunion qui sest tenue le 12 novembre 2000 au bar ex
Mambo,au quartier Dédengué, les jeunes des 8 arrondissements de Bangui, mobilisés dans
le Flambeau de la Jeunesse Centrafricaine « FLAC » sous la coordination de Alexandre
Guende, militant du RDC assisté du capitaine Nzapali Dieudonné, ont décidé de lancer
des actions violentes à partir du début de lannée 2001 par les casses sur tous
les véhicules PR, GM, ABG et TT trouvés en circulation et de procéder à des
enlèvements de quelques dignitaires du MLPC.
A partir de janvier 2001 la cadence du projet de coup dEtat va saccélérer.
Au quartier des 92 logements, Désiré Kolingba, Eloi Limbio, Gbiatimbi Célestin se sont
retrouvés au domicile de ce dernier pour réfléchir sur la possibilité de convaincre
les ressortissants de la Lobaye, hésitant à les rejoindre, mais leur proposition sera
rejetée.
Le 17 janvier 2001, un grand meeting étant prévu au stade Bonga-Bonga et la coordination
du dispositif de sécurité des participants était luvre du caporal Etoukan
et le grand maître organisateur était Allé Michel.
Lopération Centrafrique « pays mort », projetée pour la journée du 19 janvier
2001 a été minutieusement préparée au cours de la réunion présidée par le député
Langandji Daniel à son domicile ; pour la réussite de la mission « Eclair », il était
jugé nécessaire de réunir : 12 lance-roquettes, 5 (cinq) AA 52, 12 AK 47, 15 bouteilles
de gaz et dix litres dessence super.
Dans la nuit du 19 janvier 2001, au domicile de Koyangatoua, les nommés : Jacob Gbéti,
Charles Massi, Simplice Kolingba, Kanda (un agent de la Socada) et Guendé Alexandre, se
sont retrouvés pour arrêter le plan dévacuation par pirogue depuis Mboko, les
armes en provenance du Congo pour les stocker dans le 6ème arrondissement.
Le lendemain 20 janvier 2001 à 1 h 15 mn, André Kolingba assistait à la réception des
colis composés de : 250 roquettes ; 4000 munitions de AA 52 ; 1 mortier de 240 ; 1
mortier de 120 et 25 mortiers de 60.
La distribution des armes a été effectuée en présence de :
- Sergent Koyangatoua
- Caporal Ngbokoli
- Capitaine Nzapali Dieudonné
- Landa Nzengué Askin
- Guy Likiti
- Caporal Etoukan Gbozoumé
- Serge Kolingba
- Kogbia Jules
- Charles Massi
- Brice Mbelli
- Bruno Ziaté
Durant la semaine du 1er au 7
avril 2001, le caporal Ngbokoli était reparti à Lissala avec la somme de 1.650.000 F cfa
pour acheter des caisses de G 3 et des munitions de RPG 7.
Pendant la même période, une somme de 2.500.000 f CFA remise par André Kolingba, Joseph
Koyagbélé, Charles Massi, était confiée à Jakoda, accompagné de Gbozoumé et le
sergent Koyangatoua qui se sont rendus à lEquateur puis à Géména pour
lachat des armes lourdes.
Le 12 avril 2001, Kongatoua rencontre Pierre Bron qui était chargé de recruter des
rebelles rwandais ; à cette occasion, il leur a remis le plan de la ville de Bangui avec
des directives précises sur les quartiers du 7è ; 2è ; et 6è arrondissement.
Cest Mathieu Gandangombé qui se chargera durant la période du 12 au 17 avril 2001
daider les rebelles congolais à traverser à Bangui où ils seront logés et
nourris à Landja aux frais de Charles Massi et André Kolingba.
Dans la nuit du 17 avril 2001 à 2 h 00, le sergent Koyangatoua, Gbozoumé, Jakoda,
Mathieu Gandangombé, (déclarant en douanes), réfugié à Zongo, arrivent à Sao avec
les colis de : 10 missiles dont 2 à double canaux, 50 fusils, 15 AA 52 ; 20
lance-roquettes ; 10 caisses de G 3 ; 15 fusils 1030 ; 105 AK 47.
Le 25 avril 2001, la délégation composée de : Charles Massi, de Serge Kolingba, du
caporal Gbokoli, du caporal Guendé, sest rendue à Zongo pour procéder à
lachat de 3 caisses darmes. Entre temps, les militaires congolais accueillis
à Bangassou comme des réfugiés se sont infiltrés à Bangui et se sont répartis dans
les quartiers Kpéténé, Yapélé, Lakouanga, Bruxelles et autres;
Considérant que dans la nuit du 27 au 28 mai 2001 à 2 h du matin, la résidence du Chef
de lEtat a été violemment attaquée par des assaillants qui ont tué et blessé
plusieurs personnes parmi les forces de lordre et causé de nombreux dégâts
matériels ; lEtat-Major des Armées, situé au camp de roux a été attaqué ; et
lex général Lucien Guillaume Ndjengbot qui sy trouvait en détention a été
libéré et simultanément plusieurs points stratégiques de la ville étaient sous le
coup de feu des assaillants, notamment la maison de la Radio Nationale, le centre
émetteur de la radio à Bimbo, lémetteur de la Télévision situé sur la colline
des panthères, le camp militaire de Kassaï et larmurerie du camp des gardes ;
Que les assaillants ont fait irruption dans les différents locaux de détention pour
libérer les détenus gardés dans les commissariats de police et les brigades de
gendarmerie de Bangui ;
Pendant que la population, atterrée par lamplitude des évènements
sinterrogeait sur lidentité de leurs auteurs, André Kolingba, à visage
découvert, sest empressé de revendiquer la paternité de ce coup de force sur les
antennes de la Radio France Internationale par une note adressée le 29 mai 2001 en ces
termes à lAmbassadeur de France :
« Mr lambassadeur, Je voudrais vous prier très amicalement dintervenir
auprès du Président Patassé pour lui dire de penser à lavenir de ce pays, de nos
enfants, de nos familles et darrêter toutes hostilités.
Très fraternellement, je voudrais le prier de me remettre le pouvoir. Je
mengagerais à assurer sa sécurité et la protection de ses biens. Amicalement.
André Kolingba »
Considérant que le crime datteinte à la sûreté de lEtat est constitué
lorsquune résolution concertée entre deux ou plusieurs personnes décidées à
détruire la forme sociale et les institutions du pays a été suivi dun
commencement dexécution ; les agents qui y ont participé sont réputés co-auteurs
;
Considérant que les pièces du dossier révèlent une participation matérielle très
active aux actes préparatoires et à lexécution sur le terrain par des combats
acharnés des nommés :
Jean Pierre Doléwaya(ex Lt-Colonel) ; Clément Moyémane(ex Lt-Colonel) ; Anicet
Saulet(ex Chef de Bat.) ; Jules Kogbia(ex Chef de bat.) ; Dieudonné Nzapally(ex
Capitaine) ; Guy José Bibanga Galloty(ex Capitaine) ; Ferdinand Ngalo(ex capitaine) ; Guy
Rufin Simplice Kolingba(ex Lt-Colonel) ; Alphonse Dolin Batiako(ex Lt) ; Alphonse
Komélo(ex Lt-Colonel) ; Guy Serge Zanga Kolingba(ex Lt) ; Yékoua-Ketté(ex Lt) ; Charles
Massi ; Eloi Limbio ; Arthur Kolingba(ex Lt) ; Calixte Anatole Ngaya Mbandji(ex Sergent) ;
Maurice Gamba(ex Colonel) ; Guy Bernardin Koy Komélo(ex 1ère cl.) ; Kongatoua ; Gilbert
Koyangba(ex Capitaine) ; Nvoumi-Grengbo(ex Capitaine) ; Cyriaque Gnindou Té Souka(ex
douanier) ;
Que la paternité de ce coup de force a été revendiquée par lex général André
Kolingba lui même, démontrant ainsi la violation irréfutable de la Constitution du 14
janvier 1995 qui dispose en son article 18 que « lusurpation de la souveraineté
nationale par coup dEtat et par tous autres moyens, constitue un crime
imprescriptible contre le peuple centrafricain » ;
Quil y a lieu de retenir à leur encontre la coaction du crime datteinte à la
sûreté de lEtat prévu et puni par les articles 70, 72 et 73 du Code Pénal ;
Considérant que lorsque le complot est suivi dun acte extérieur commis par des
agents qui ont prêté leur assistance en parfaite connaissance du complot, ceux-ci sont
réputés complices ;
Quil ressort des éléments du dossier que la plupart des réunions préparatoires
et les moyens mis à contribution qui ont précédé lexécution de lattentat
se tenaient tantôt chez le député Daniel Langandji, tantôt chez Célestin Gbiatimbi en
présence constante des nommés : Joseph Pingama ; Désiré Kolingba ; Jacob Gbéti ;
Patrick Doubro ; Michel Allé ; Jonathan Nkouet ; pour ne citer que ceux-là ;
Réunions favorisées par la complicité de Parfait Mbay ; de la collaboration de Gustave
Bolé(ex Adjt) ; de Guillaume Lucien Ndjengbot ;
Que les actes révélés constituent à leur encontre, la complicité du crime
datteinte à la sûreté de lEtat, prévu et puni par les articles 38, 70 et
71 du Code Pénal ;
Considérant quau lendemain de la tentative du coup dEtat du 28 mai 2001, les
différents Etat-Major constituant lensemble des forces armées de la République
Centrafricaine ont constaté les absences dans leurs rangs de plusieurs éléments de
leurs effectifs ; quil sagit là, des cas de désertion avec complot en temps
de guerre prévue et sanctionnée par larticle 387 al.2 du Code de Justice militaire
dune peine de 10 à 20 ans de réclusion criminelle ;
Quil en a été dénombré ainsi par corps les chiffres suivants :
Gendarmerie Nationale: 41 ; Garde Républicaine : 66 ; Bataillon de Soutien et des
Services :119 ; Bataillon dIntervention et dAppui : 19 ; Bataillon
dInfanterie Territoriale : 151 ; Bataillon du Génie : 57 ; Bataillon des Sapeurs
Pompiers : 60 ; Ecole Militaire des Enfants de Troupes : 37 ; Force Navale : 19 : Armée
de lAir : 38 ;Centre dInstruction de Bérengo : 2 ; Centre dInstruction
de Bouar : 5 ; Unité de Sécurité Présidentielle : 2
Sur lévasion
Considérant quil est reproché à Ndjengbot le délit dévasion ; quil
convient de rappeler que ce dernier était antérieurement détenu pour autres causes et
quen profitant des circonstances de ce coup de force pour se libérer lui-même en
fuyant avec les assaillants, il sest rendu de ce fait coupable du délit
dévasion prévu et puni par larticle 149 du code Pénal,
Sur les intérêts civils
Considérant que Maître Jean-Pierre Kabylo, par une requête au nom de la succession
Léon Banganzoni ; Mme Kommando née Marie-Josèphe Yamalé pour la succession de feu
Pierre Yamalé ; Mme Pounématchi née Iténé Alphonsine, sur aînée du feu
Sergent Albert Koutougbono ; Monsieur Maurice Baïgo-Dari, en son nom et celui de sa
famille ; Madame Agathe Nandimon pour le décès de son frère David Yambia ; se sont
constitués partie civile ;
Que leurs demandes sont régulières en la forme, mais quil y a lieu de réserver
leur examen actuel quant au fond ;
La Cour, par ces motifs ,
Statuant publiquement en matière criminelle, en dernier ressort et par arrêt rendu
contumace,
I - Déclare coupable du crime datteinte à la sûreté intérieure de lEtat
et les condamne à la peine capitale :
- Kolingba André
- Doléwaya Jean-Pierre
- Moyémane Clément
- Saulet Anicet
- Kogbia Jules
- Nzapally Dieudonné
- Galloty Bibanga Guy José
- Ngalo Ferdinand
- Kolingba Guy Rufin Simplice
- Batiako Alphonse Dolin
- Komélo Alphonse
- Kolingba Zanga Guy Serge
- Yékoua-Ketté
- Massi Charles
- Limbio Eloi
- Kolingba Arthur
- Ngaya-Mbandjé Calixte Anatole
- Gamba Maurice
- Komélo-Koy Guy Bernardin
- Koyangatoua
- Koyengba Gilbert
- Nvoumi Grengbo
- Gnindou Té Souka Cyriaque
II - Déclare coupable du crime
de complicité datteinte à la sûreté de lEtat et les condamne à la peine
de 20 ans de travaux forcés :
- Langadji Daniel
- Gbéti Jacob
- Ndjengbot Guillaume Lucien
- Nkouet Gilbert Jonathan
- Gbiatimbi Célestin
- Allé Michel
- Doubro Patrick
- Pingama Joseph
- Kolingba Désiré
- Mbay Parfait
III - Ordonne la confusion avec
la première peine de 20 ans du même accusé,
IV - Déclare coupables du crime de désertion avec complot et condamne à la peine de 10
ans de réclusion : (voir liste détaillée par corps de 1 à 676)
V - Décerne des mandats darrêt à lencontre des condamnés
VI - Les déclare déchus de leurs droits civiques, militaires en application des
dispositions de larticle 17 du Code Pénal
VII - Ordonne la confiscation au profit de lEtat Centrafricain des biens meubles et
immeubles appartenant aux condamnés pour crime datteinte à la sûreté de
lEtat et de complicité de crime datteinte à la sûreté de lEtat ;
VIII- Réserve les intérêts civils
IX - Met les dépens à la charge des condamnés.
Coomentaire
de l'événement par Centrafrique-Presse:
"26/08/2002, Verdict du procès des
putschistes du 28 mai 2001"
La cour criminelle a rendu aujourd'hui son verdict dans le procès contre André Kolingba et ses principaux complices. La cour a pratiquement suivi le Procureur Général Joseph Bindoumi dans ses réquisitions en condamnant par contumace André Kolingba, l'auteur principal du putsch et vingt et un de ses acolytes, à la peine de mort pour atteinte à la sûreté de l'Etat.
D'autres complices ont été
condamnés à des peines de vingt ans et dix de réclusion criminelle. Elle a également
ordonné la saisie au profit de l'Etat de tous les biens meubles et immeubles de tous les
condamnés, ainsi qu'un mandat d'arrêt international sera émis à leur encontre.
Ci dessous, la liste des condamnés à mort et de ceux qui ont écopé de 20 ans de
réclusion...
Crime datteinte à la sûreté de lEtat
1 Kolingba André
2 Doléwaya Jean-Pierre
3 Moyamane Clément
4 Saulet Anicet
5 Kogbia Jules
6 Nzapali Dieudonné
7 Galloty Guy José
8 Ngalo Ferdinand
9 Kolingba Guy Rufin Simplice
10 Bassiako Alphonse Tolin
11 Komélot Alphonse
12 Kolingba Zanga Guy Serge
13 Yékoua Kété
14 Massi Charles
15 Limbio Eloi
16 Kolingba Arthur
17 Ngaya Calixte Anatôle
18 Komélot Koy Guy Bernardin
19 Koyangatoua
20 Koyemba Gilbert
21 Nvouli Grengbo
22 Gnindou Tè Souka Cyriaque
Complicité de crime datteinte à la sûreté de lEtat
1 Langandi Daniel
2 Gbéti Jacob
3 Djengbot Guillaume Lucien
4 Nkouet Jonathan Gilbert
5 Gbiatimbi Célestin
6 Alley Michel
7 Doubro Patrick
8 Pingama Joseph
9 Kolingba Désiré
10 Mbay Parfait
Centrafrique-Presse, 26 juillet 2002
Procès du putsch manqué du 28 mai 2001 : trouver le coupable et des noms II