Cour criminelle de Bangui : les minutes du procès du putsch manqué du 28 mai 2001 (Acte 3)


Les "donateurs" présumés du putsch manqué plaident non-coupables

BANGUI, 02 sept (AFP) - 19h13 - Six fonctionnaires centrafricains accusés d'avoir contribué financièrement au putsch manqué du 28 mai 2001 en Centrafrique, ou participé à des réunions préparatoires, ont nié les faits, lundi, devant la Cour criminelle de Bangui.

Ces six fonctionnaires poursuivis pour "complicité d'atteinte à la sûreté intérieure de l'Etat" appartiennent à l'ethnie yakoma de l'ex-président André Kolingba, condamné à mort par contumace le 26 août pour ce coup d'Etat manqué et actuellement exilé en Ouganda.

Les accusés, qui exercent dans les provinces de Sibut et Kaga-Bandoro, ont tous plaidé non-coupable.

Le ministère public a soutenu qu'une lettre émanant d'Idriss Salao, secrétaire général du Rassemblement démocratique centrafricain (RDC), le parti de M. Kolingba, avait été adressée à ses militants pour leur demander de contribuer financièrement à la réussite du putsch.

L'un des avocats de la Défense, Me Nicolas Tiangaye, a réclamé que soit rendue publique la liste des présumés donateurs de cette tentative avortée, dont l'existence avait été évoquée lors de l'enquête préliminaire.

"Le moment est venu que les avocats puissent avoir accès à cette pièce-là pour qu'un débat contradictoire se fasse là-dessus", a-t-il déclaré.

Plusieurs témoins de l'accusation ont évoqué les comportements bizarres des accusés peu avant le putsch, dont le déplacement d'un d'entre eux à Bangui quelques heures avant le coup d'Etat, ou les critiques qu'ils formulaient envers le président centrafricain Ange-Félix Patassé.

Mais aucune précision n'a été fournie sur les réunions ou la contribution financière qui leurs sont reprochées.

"Tout ce qui est rapporté sur les cadres ici présents ne sont que des rumeurs, et le ministère public ne peut pas fonder l'accusation sur la base des rumeurs", a commenté Me Tiangaye.

Après une suspension d'une heure, la cour a repris ses débats consacrées aux auditions d'autres témoins de l'accusation.


La Cour d'appel de Bangui réclame une enquête sur le général Bozizé

BANGUI, 1er sept (AFP) - 20h08 - Le Parquet général de la Cour d'appel de Bangui a réclamé dimanche l'ouverture d'une enquête judiciaire visant le général François Bozizé, réfugié au Tchad depuis novembre 2001, et ses partisans en fuite, a annoncé la radio nationale.

"Force a malheureusement été de constater, qu'au courant de ce mois d'août 2OO2, des plaintes en provenance de Sido et Kabo (deux localités du nord de la Centrafrique) font état d'exécutions sommaires des populations par Bozizé et ses éléments", explique un communiqué du Parquet général lu à la radio.

Ce dernier rappelle que sa décision du 24 décembre dernier de suspendre les poursuites pénales contre l'ancien chef d'état-major centrafricain, accusé en novembre 2001 d'avoir fomenté un complot à Bangui, ne concernait pas les faits extérieurs à cette affaire.

"En conséquence (...), le Parquet général vient de demander au Parquet de Bangui l'ouverture d'une enquête régulière", indique le communiqué.

La démarche du Parquet général intervient plus de deux semaines après les déclarations du général Bozizé, qui a affirmé que des "patriotes de l'intérieur" avaient lancé une attaque, le 10 août dernier, contre la ville de Kabo (à 65 km de la frontière avec le Tchad).

Ces derniers auraient agi, selon lui, en représailles à des "exactions" commises à l'encontre des populations civiles du nord de la Centrafrique par des militaires basés à Kabo et dirigés, selon eux, par un ancien rebelle tchadien, Abdoulaye Miskine.

Depuis sa fuite au Tchad, consécutive à son arrestation manquée du 2 novembre 2001, le général Bozizé est resté une pomme de discorde entre Bangui et N'Djamena, qui a toujours refusé son extradition.

Les relations entre les deux pays se sont brutalement tendues après un accrochage meurtrier survenu le 6 août à leur frontière, à proximité de Sido.

Le communiqué de Presse du Parquet Général près la Cour d'Appel de Bangui au sujet de Bozizé :

Par décision n°697/PGCA en date du 24 décembre 2001,
Le Parquet Général avait jugé inopportunes les poursuites pénales contre François Bozizé et tous autres, du chef d'atteinte à la sûreté intérieure de l'Etat et des infractions connexes.
Cette mesure couvrait les faits commis en novembre 2001 et avait pour but d'asseoir l'apaisement sur le plan national.
Force a été malheureusement de constater qu'au courant de ce mois d'août 2002, des plaintes en provenance de Sido et de Kabo font état d'exécutions sommaires des populations par Bozizé et ses éléments.
La décision du 24 décembre 2001 ne s'appliquant pas aux faits étrangers aux évènements de novembre 2001,
Le Parquet Général près la Cour d'Appel de Bangui vient de demander l'ouverture par le Parquet de Bangui d'une enquête régulière.

Fait à Bangui le 31 août 2002
F. GOBA
1er Avocat Général du parquet de Bangui


Bangui dénonce des réseaux de "coupeurs de route" tchadiens

BANGUI, 31 août (AFP) - 18h28 - Le chef de la Force spéciale chargée de sécuriser la frontière nord de la République centrafricaine (RCA), Martin Koumta-Madji, a dénoncé samedi l'existence de réseaux de "coupeurs de route" (bandits de grand chemin) organisés depuis le Tchad.

"De grands +patrons+ tchadiens soutiennent ces malfaiteurs qui tuent, violent, torturent et pillent les provinces centrafricaines", a affirmé Martin Koumta-Madji dans un entretien avec l'AFP.

Les autorités tchadiennes considèrent Martin Koumta-Madji comme étant en fait Abdoulaye Miskine, un ancien rebelle du sud du Tchad installé à Bangui.

Ces "patrons, explique le chef de la Force spéciale, remettent aux malfaiteurs, triés sur le volet (au Tchad), de l'argent et des armes de guerre avec pour mission de rançonner les éleveurs, et éventuellement les voyageurs".

"Quand ils quittent le Tchad au début de l'année, c'est pour rentrer au bout de trois mois à un an plus tard, avec des butins de l'ordre de 5O à 8O millions de francs CFA (de 76.000 à 120.000 euros), précise Martin Koumta-Madji.

"Des commerçants tchadiens installés dans l'arrière-pays ou à Bangui les orientent et les alimentent en cas de besoin, avec parfois la complicité des autochtones", affirme encore M. Koumta-Madji, qui dénonce aussi la "complaisance" de certains gendarmes affectés dans les zones d'action des coupeurs de route.

Le chef de la force spéciale, qui dit avoir été chargé depuis un an de lutter contre cette forme de banditisme, reconnaît ouvertement avoir abattu sommairement plusieurs coupeurs de route.

"Je ne fais jamais de concession en cas de culpabilité", explique ce militaire, aujourd'hui à la tête de près de 300 hommes.

Chaque année, plusieurs milliers d'éleveurs tchadiens et soudanais traversent avec leurs troupeaux en transhumance les provinces centrafricaines, où ils sont souvent victimes des razzias de coupeurs de route, appelés aussi "Zaraguinas" par les Centrafricains.

Des sources policières interrogées par l'AFP estiment qu'au moins cinquante personnes sont tuées chaque année dans ces razzias.

Les autorités tchadiennes ont dénoncé de leur côté à plusieurs reprises en 2002 des exactions à l'encontre de ses ressortissants vivant à la frontière tchadienne, et perpétrées, selon elles, par Abdoulaye Miskine.

Une mission d'experts d'Afrique centrale s'est récemment déplacée en RCA et au Tchad pour mettre un terme au différend frontalier entre les deux pays.


Procès du putsch: le récit de l'attaque de la résidence du chef de l'Etat

BANGUI, 30 août (AFP) - 20h16 - La Cour criminelle de Bangui, qui a commencé à juger lundi 82 présumés putschistes, a entendu vendredi plusieurs témoins de l'attaque, dans la nuit du 27 au 28 mai 2001, de la résidence du président Ange-Félix Patassé, a constaté un correspondant de l'AFP.

Les témoins, un officier de la garde rapprochée du président Patassé, son adjoint et deux de ses hommes, ont été appelés à la barre pour faire le récit de cette attaque surprise, survenue autour de 2H15 (1H15 GMT). Aucun des 82 inculpés n'a en revanche comparu pour cet épisode de la tentative de putsch.

"Les assaillants étaient plus nombreux que nous et menaient cette attaque avec des roquettes et des grenades", a indiqué l'officier interrogé, le commandant Justin Hassan.

"Ils ont tué les sept éléments qui occupaient les postes avancés autour de la résidence, mis en débandade les autres, puis se sont rapprochés des murs de la résidence en lançant des injures", a-t-il poursuivi.

"J'ai averti le président de la République que nous étions attaqués par des ennemis, a raconté l'officier, précisant que ce dernier lui avait demandé "de continuer à défendre la résidence avec l'appui de mes éléments, tant que les ennemis ne nous auront pas tous exterminés".

L'officier a finalement tenté -vainement- une évacuation du chef de l'Etat: "les deux roues avant de la voiture qu'un de mes éléments tentait d'engager vers la sortie ont été crevées par des tirs nourris d'armes automatiques. Nous avons alors renoncé".

L'attaque, qui a duré plus de deux heures, s'est achevée à l'arrivée de renforts.

Aucun des témoins n'a pu déterminer le nombre d'assaillants, ni leur nationalité. Les putschistes s'exprimaient en sango, la deuxième langue officielle de la Centrafrique avec le français, ont-ils tout juste noté.

La Cour criminelle a reporté l'audience au lundi 2 septembre.


Procès sur le putsch: la Cour s'intéresse à l'attaque du Camp de Roux

BANGUI, 29 août (AFP) - 21h42 - La Cour criminelle de Bangui a continué jeudi à examiner les différentes phases de la tentative de coup d'Etat du 28 mai 2001 en s'intéressant à l'attaque du Camp de Roux, une caserne abritant l'état-major des Forces armées centrafricaines (FACA), a constaté un journaliste de l'AFP.

La Cour a appelé à la barre une dizaine de sous-officiers et soldats de l'Unité de sécurité présidentielle (USP), accusés de "capitulation" pour avoir abandonné le Camp de Roux aux putschistes.

"Les assaillants n'ont pas rencontré de résistance, car l'attaque était très violente. Nous étions en nombre inférieur, de surcroît démunis, et nous avons été obligés de battre en retraite vers le palais présidentiel", ont expliqué les accusés, qui ont tous plaidé non coupable.

"Certains de nos compagnons d'armes qui se trouvaient à l'intérieur du camp ont été pris en otage par le lieutenant Kongoloma", qui a réussi, selon eux, à faire "neutraliser tous les occupants du camp" par ses hommes, avant d'être tué lui-même dans les combats.

Les accusés n'ont pu en revanche expliquer les circonstances de la libération par les putschistes du général Guillaume Lucien Ndjengbot, un proche de l'ancien président André Kolingba qui purgeait à ce moment au Camp de Roux une peine de dix ans de prison.

Le général Ndjengbot a été condamné lundi par contumace à 20 ans de travaux forcés par la Cour criminelle, qui a également condamné par contumace à la peine capitale le général Kolingba, reconnu coupable d'être l'instigateur du coup d'Etat manqué.

Plusieurs accusés ont également souligné que la tentative du putsch, survenue en pleine nuit, avait été facilitée par la liesse populaire qui régnait la veille au soir dans Bangui en raison de la célébration de la Fête des Mères.


Procès du putsch: des "déserteurs" disent avoir été menacés d'"exactions"

BANGUI, 28 août (AFP) - 21h09 - La Cour criminelle de Bangui, qui a commencé à examiner mardi l'attaque du camp militaire Kassaï, le jour de la tentative de putsch du 28 mai 2001, s'est penchée mercredi sur le cas de huit "déserteurs", a constaté un correspondant de l'AFP.

Les inculpés, des soldats de trois corps différents, affectés au camp Kassaï, la principale caserne de Bangui, ont comparu pour "atteinte à la sûreté de l'Etat" et "désertion en temps de crise".

Il leur est reproché d'avoir tardé à rejoindre leur corps respectif au moment du putsch, parfois un mois après.

"De nombreuses exactions étaient commises par certains soldats loyalistes contre leurs compagnons d'armes qui tentaient de les rejoindre, (...) parce qu'ils les suspectaient de collusion avec les putschistes", ont expliqué les inculpés.

"En l'absence des responsables militaires, nous étions obligés de nous diriger vers les champs avec les membres de nos familles pour les mettre à l'abri, ou d'attendre des patrouilles militaires", ont-ils ajouté.

"Je trouve cela contraire à la vocation du militaire", a déclaré le procureur général de la Cour criminelle, rappelant que "les institutions du pays étaient à ce moment en danger.

Ce dernier n'a pas accusé les inculpés d'avoir participé au putsch manqué, tout en estimant que le chef d'inculpation d'atteinte à la sûreté de l'Etat, passible de peine de mort, pouvait néanmoins être retenu.

"Celui qui veut renverser le pouvoir est déjà un ennemi, et il ne peut pas déserter devant lui-même", a ironisé Me Martin Kongbeto, bâtonnier et avocat de certains accusés.

La Cour criminelle, qui juge depuis lundi, selon les différentes phases de la tentative de coup d'Etat, quelque 82 présumés putschistes présents à Bangui, a renvoyé la suite du procès à jeudi.


Le général Kolingba condamné à mort pour le putsch manqué du 28 mai 2001

BANGUI, 26 août (AFP) - 18h49 - L'ancien président centrafricain, le général André Kolingba, et une vingtaine de militaires centrafricains, jugés par contumace dans le cadre du procès sur le coup d'Etat manqué du 28 mai 2001, ont été condamnés à mort lundi par la Cour criminelle de Bangui.

L'ex-chef de l'Etat, au pouvoir de 1981 à 1993, a été reconnu "coupable du crime d'atteinte à la sûreté intérieure de l'Etat" par la Cour criminelle qui a rendu son verdict lundi, a constaté l'AFP.

La Cour a suivi le réquisitoire du procureur général, Joseph Bindoumi, qui avait requis vendredi la peine capitale contre le général Kolingba pour avoir "préparé et exécuté" l'attaque, dans la nuit du 27 au 28 mai 2001, de la résidence de l'actuel président Ange-Félix Patassé, au pouvoir depuis 1993.

En fuite, comme la plupart des 615 présumés putschistes jugés vendredi dernier par contumace, le général Kolingba avait de toute façon endossé la paternité de ce putsch sur les ondes de Radio France internationalequelques jours plus tard.

Ce coup de force, suivi de près de deux semaines de combats entre putschistes et troupes loyalistes, avait fait 59 morts, selon un bilan officiel, davantage selon des témoignages, et provoqué l'exode d'environ 80.000 Banguissois.

La Cour criminelle, une juridiction spéciale dépendant de la cour d'appel de Bangui, a également condamné à mort, comme l'avait demandé le procureur général, 22 officiers et sous-officiers reconnus coupables du même crime.

Trois fils d'André Kolingba, Serge, Francis, et Arthur, ainsi que le commandant Anicet Saulet, qui avait mené l'une des mutineries militaires de 1996-97 en Centrafrique, font partie de ce groupe.

La Cour pouvait difficilement être clémente au regard des témoignages recueillis par la Commission mixte d'enquête judiciaire sur le coup d'Etat. Ces témoignages, lus au cours de l'audience de vendredi, étaient accablants pour la plupart des condamnés, souvent cités nommément dans certaines phases du putsch.

Dans le cas du général Kolingba, des témoins ont rapporté la tenue de réunions secrètes à son domicile, où des armes avaient également, selon eux, été entreposées.

La Cour criminelle, présidée par Zacharie Ndouba, a créé la surprise en condamnant aussi à mort le député d'opposition Charles Massi, un militaire en disponibilité et en exil depuis début 2001 en France, ainsi qu'un colonel des douanes, pourtant présentés par le procureur général parmi les "co-auteurs" du putsch.

Le général Guillaume Lucien N'djengbot, un proche d'André Kolingba incarcéré au moment des faits avant d'être libérés par les putschistes, contre lequel avait été requis la peine capitale, a en revanche été placé dans ce groupe des "co-auteurs", dix personnes au total, condamnés à "20 ans de travaux forcés".

Pour tous ces condamnés, la Cour a par ailleurs ordonné la "confiscation des biens meubles et immeubles".

Le verdict a également été sévère envers ceux que le procureur avait décrit comme des "déserteurs", un groupe d'environ 580 militaires en fuite ou qui, rentrés à Bangui dans l'anonymat, ne se sont pas présentés à la justice de leur pays.

Elle les a reconnus coupables de "désertion pour complot", avant de les condamner "à dix ans de réclusion", alors que les peines requises étaient de "10 ans de travaux forcés".

La Cour criminelle a par ailleurs délivré à l'issue du verdict un "mandat d'arrêt" contre l'ensemble des condamnés jugés par contumace, qui ont également été "déchus de leurs droits civiques".

A la suite d'une courte suspension, la Cour a repris le procès de quelque 82 autres présumés putschistes, militaires et civils, présents à Bangui, et parmi lesquels figure l'ancien ministre de la Défense de l'époque, Jean-Jacques Démafouth, accusé d'avoir ourdi un complot parallèle.


Arrêt de contumace rendu le lundi 26 août 2002 par la Cour criminelle contre André et consorts

ARRET DE CONTUMACE
-Vu les pièces du dossier de la procédure de contumace suivie contre les accusés André Kolingba et autres,
-Oui au Ministère Public en son réquisitoire -Nul pour les accusés non comparant
Considérant que par arrêt de mise en accusation rendue par la chambre d’accusation en date du 28 décembre 2001, les nommés André Kolingba et autres ont été renvoyés devant la cour criminelle sous l’accusation de :
-Coaction de crime d’atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat
-Complicité d’atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat
-Assassinat et de complicité d’assassinat
-Désertion
-Evasion

Que par exploit des agents d’exécution en date du 17 janvier 2002, la signification de cet arrêt de mise en accusation a été délivrée au domicile présumé des accusés en fuite, à la mairie de Bangui et parlant à Madame Cécile Guéré, Présidente de la Délégation Spéciale de la ville de Bangui qui a reçu copie de cet arrêt de renvoi et a visé l’original de l’exploit de l’agent d’exécution,
Que suivant acte en date du 8 août 2002, tous les accusés contumax ont été cités à comparaître conformément aux dispositions de l’article 193 du code de Procédure Pénale ;
Considérant qu’il résulte des pièces du dossier, que depuis son échec aux élections présidentielles qui a coûté son départ à la tête de l’Etat, l’ex Chef d’Etat André Kolingba s’est remis résolument à la recherche de tous les moyens possibles pour reprendre le pouvoir de l’Etat,
Qu’en dépit des mutineries répétées de 1996 et 1997, qui n’ont pas obtenu la démission du Président Patassé, la faim et la soif du général Kolingba pour le pouvoir ne sont jamais atténuées, tel qu’il ressort de sa note manuscrite datée de Bangui le 04 octobre 1997, adressée à son neveu Isidore, rédigée en ces termes :
« Neveu Isidore,
Juste pour te dire d’avoir à l’œil ton compagnon d’arme car j’ai comme l’impression que ce dernier et ses pairs sont en train de mijoter quelque chose, donc pour ne pas avoir de mauvaises surprises, prière de le suivre de près dans tous ses mouvements. Aussi, tu tâchera de prendre mon ami Jeannoux Lacaze pour lui signifier en ces termes : « le crocodile est prêt pour sortir de l’eau à la conquête de nouvelles proies, seulement il attend le départ du pêcheur.
Ton oncle André Kolingba »
Que sous une apparence trompeuse, il s’est toujours comporté comme celui qui s’est mis à l’écart de tous les évènements, et contrairement aux agitations et aux déclarations incendiaires de certains leaders de l’opposition, André Kolingba s’est montré très réservé et discret en prenant soin d’éviter de paraître dans les activités publiques de son parti ; à ses proches, il recommandait d’observer le silence et de suspendre la tenue des réunions nocturnes jusqu’au retrait des contingents militaires de la MINURCA du pays.
Les actions vont se manifester lorsqu’en octobre de l’année 1999, une organisation clandestine appelée « brigade de la mort » a été mise en place par Jacob Gbéti et Jonathan Nkouet pour entretenir le grand banditisme dans la ville de Bangui. Cette organisation clandestine dénommée« Yakuza », aura la mission de mener des actions violentes et de provoquer des troubles pour rendre le pays ingouvernable et empêcher le président Patassé de terminer son mandat.
A la suite de la grande réunion qui s’est tenue le 12 novembre 2000 au bar ex Mambo,au quartier Dédengué, les jeunes des 8 arrondissements de Bangui, mobilisés dans le Flambeau de la Jeunesse Centrafricaine « FLAC » sous la coordination de Alexandre Guende, militant du RDC assisté du capitaine Nzapali Dieudonné, ont décidé de lancer des actions violentes à partir du début de l’année 2001 par les casses sur tous les véhicules PR, GM, ABG et TT trouvés en circulation et de procéder à des enlèvements de quelques dignitaires du MLPC.
A partir de janvier 2001 la cadence du projet de coup d’Etat va s’accélérer.
Au quartier des 92 logements, Désiré Kolingba, Eloi Limbio, Gbiatimbi Célestin se sont retrouvés au domicile de ce dernier pour réfléchir sur la possibilité de convaincre les ressortissants de la Lobaye, hésitant à les rejoindre, mais leur proposition sera rejetée.
Le 17 janvier 2001, un grand meeting étant prévu au stade Bonga-Bonga et la coordination du dispositif de sécurité des participants était l’œuvre du caporal Etoukan et le grand maître organisateur était Allé Michel.
L’opération Centrafrique « pays mort », projetée pour la journée du 19 janvier 2001 a été minutieusement préparée au cours de la réunion présidée par le député Langandji Daniel à son domicile ; pour la réussite de la mission « Eclair », il était jugé nécessaire de réunir : 12 lance-roquettes, 5 (cinq) AA 52, 12 AK 47, 15 bouteilles de gaz et dix litres d’essence super.
Dans la nuit du 19 janvier 2001, au domicile de Koyangatoua, les nommés : Jacob Gbéti, Charles Massi, Simplice Kolingba, Kanda (un agent de la Socada) et Guendé Alexandre, se sont retrouvés pour arrêter le plan d’évacuation par pirogue depuis Mboko, les armes en provenance du Congo pour les stocker dans le 6ème arrondissement.
Le lendemain 20 janvier 2001 à 1 h 15 mn, André Kolingba assistait à la réception des colis composés de : 250 roquettes ; 4000 munitions de AA 52 ; 1 mortier de 240 ; 1 mortier de 120 et 25 mortiers de 60.
La distribution des armes a été effectuée en présence de :
- Sergent Koyangatoua
- Caporal Ngbokoli
- Capitaine Nzapali Dieudonné
- Landa Nzengué Askin
- Guy Likiti
- Caporal Etoukan Gbozoumé
- Serge Kolingba
- Kogbia Jules
- Charles Massi
- Brice Mbelli
- Bruno Ziaté

Durant la semaine du 1er au 7 avril 2001, le caporal Ngbokoli était reparti à Lissala avec la somme de 1.650.000 F cfa pour acheter des caisses de G 3 et des munitions de RPG 7.
Pendant la même période, une somme de 2.500.000 f CFA remise par André Kolingba, Joseph Koyagbélé, Charles Massi, était confiée à Jakoda, accompagné de Gbozoumé et le sergent Koyangatoua qui se sont rendus à l’Equateur puis à Géména pour l’achat des armes lourdes.
Le 12 avril 2001, Kongatoua rencontre Pierre Bron qui était chargé de recruter des rebelles rwandais ; à cette occasion, il leur a remis le plan de la ville de Bangui avec des directives précises sur les quartiers du 7è ; 2è ; et 6è arrondissement. C’est Mathieu Gandangombé qui se chargera durant la période du 12 au 17 avril 2001 d’aider les rebelles congolais à traverser à Bangui où ils seront logés et nourris à Landja aux frais de Charles Massi et André Kolingba.
Dans la nuit du 17 avril 2001 à 2 h 00, le sergent Koyangatoua, Gbozoumé, Jakoda, Mathieu Gandangombé, (déclarant en douanes), réfugié à Zongo, arrivent à Sao avec les colis de : 10 missiles dont 2 à double canaux, 50 fusils, 15 AA 52 ; 20 lance-roquettes ; 10 caisses de G 3 ; 15 fusils 1030 ; 105 AK 47.
Le 25 avril 2001, la délégation composée de : Charles Massi, de Serge Kolingba, du caporal Gbokoli, du caporal Guendé, s’est rendue à Zongo pour procéder à l’achat de 3 caisses d’armes. Entre temps, les militaires congolais accueillis à Bangassou comme des réfugiés se sont infiltrés à Bangui et se sont répartis dans les quartiers Kpéténé, Yapélé, Lakouanga, Bruxelles et autres;
Considérant que dans la nuit du 27 au 28 mai 2001 à 2 h du matin, la résidence du Chef de l’Etat a été violemment attaquée par des assaillants qui ont tué et blessé plusieurs personnes parmi les forces de l’ordre et causé de nombreux dégâts matériels ; l’Etat-Major des Armées, situé au camp de roux a été attaqué ; et l’ex général Lucien Guillaume Ndjengbot qui s’y trouvait en détention a été libéré et simultanément plusieurs points stratégiques de la ville étaient sous le coup de feu des assaillants, notamment la maison de la Radio Nationale, le centre émetteur de la radio à Bimbo, l’émetteur de la Télévision situé sur la colline des panthères, le camp militaire de Kassaï et l’armurerie du camp des gardes ;
Que les assaillants ont fait irruption dans les différents locaux de détention pour libérer les détenus gardés dans les commissariats de police et les brigades de gendarmerie de Bangui ;
Pendant que la population, atterrée par l’amplitude des évènements s’interrogeait sur l’identité de leurs auteurs, André Kolingba, à visage découvert, s’est empressé de revendiquer la paternité de ce coup de force sur les antennes de la Radio France Internationale par une note adressée le 29 mai 2001 en ces termes à l’Ambassadeur de France :
« Mr l’ambassadeur, Je voudrais vous prier très amicalement d’intervenir auprès du Président Patassé pour lui dire de penser à l’avenir de ce pays, de nos enfants, de nos familles et d’arrêter toutes hostilités.
Très fraternellement, je voudrais le prier de me remettre le pouvoir. Je m’engagerais à assurer sa sécurité et la protection de ses biens. Amicalement. André Kolingba »
Considérant que le crime d’atteinte à la sûreté de l’Etat est constitué lorsqu’une résolution concertée entre deux ou plusieurs personnes décidées à détruire la forme sociale et les institutions du pays a été suivi d’un commencement d’exécution ; les agents qui y ont participé sont réputés co-auteurs ;
Considérant que les pièces du dossier révèlent une participation matérielle très active aux actes préparatoires et à l’exécution sur le terrain par des combats acharnés des nommés :
Jean Pierre Doléwaya(ex Lt-Colonel) ; Clément Moyémane(ex Lt-Colonel) ; Anicet Saulet(ex Chef de Bat.) ; Jules Kogbia(ex Chef de bat.) ; Dieudonné Nzapally(ex Capitaine) ; Guy José Bibanga Galloty(ex Capitaine) ; Ferdinand Ngalo(ex capitaine) ; Guy Rufin Simplice Kolingba(ex Lt-Colonel) ; Alphonse Dolin Batiako(ex Lt) ; Alphonse Komélo(ex Lt-Colonel) ; Guy Serge Zanga Kolingba(ex Lt) ; Yékoua-Ketté(ex Lt) ; Charles Massi ; Eloi Limbio ; Arthur Kolingba(ex Lt) ; Calixte Anatole Ngaya Mbandji(ex Sergent) ; Maurice Gamba(ex Colonel) ; Guy Bernardin Koy Komélo(ex 1ère cl.) ; Kongatoua ; Gilbert Koyangba(ex Capitaine) ; Nvoumi-Grengbo(ex Capitaine) ; Cyriaque Gnindou Té Souka(ex douanier) ;
Que la paternité de ce coup de force a été revendiquée par l’ex général André Kolingba lui même, démontrant ainsi la violation irréfutable de la Constitution du 14 janvier 1995 qui dispose en son article 18 que « l’usurpation de la souveraineté nationale par coup d’Etat et par tous autres moyens, constitue un crime imprescriptible contre le peuple centrafricain » ;
Qu’il y a lieu de retenir à leur encontre la coaction du crime d’atteinte à la sûreté de l’Etat prévu et puni par les articles 70, 72 et 73 du Code Pénal ;
Considérant que lorsque le complot est suivi d’un acte extérieur commis par des agents qui ont prêté leur assistance en parfaite connaissance du complot, ceux-ci sont réputés complices ;
Qu’il ressort des éléments du dossier que la plupart des réunions préparatoires et les moyens mis à contribution qui ont précédé l’exécution de l’attentat se tenaient tantôt chez le député Daniel Langandji, tantôt chez Célestin Gbiatimbi en présence constante des nommés : Joseph Pingama ; Désiré Kolingba ; Jacob Gbéti ; Patrick Doubro ; Michel Allé ; Jonathan Nkouet ; pour ne citer que ceux-là ;
Réunions favorisées par la complicité de Parfait Mbay ; de la collaboration de Gustave Bolé(ex Adjt) ; de Guillaume Lucien Ndjengbot ;
Que les actes révélés constituent à leur encontre, la complicité du crime d’atteinte à la sûreté de l’Etat, prévu et puni par les articles 38, 70 et 71 du Code Pénal ;
Considérant qu’au lendemain de la tentative du coup d’Etat du 28 mai 2001, les différents Etat-Major constituant l’ensemble des forces armées de la République Centrafricaine ont constaté les absences dans leurs rangs de plusieurs éléments de leurs effectifs ; qu’il s’agit là, des cas de désertion avec complot en temps de guerre prévue et sanctionnée par l’article 387 al.2 du Code de Justice militaire d’une peine de 10 à 20 ans de réclusion criminelle ;
Qu’il en a été dénombré ainsi par corps les chiffres suivants :
Gendarmerie Nationale: 41 ; Garde Républicaine : 66 ; Bataillon de Soutien et des Services :119 ; Bataillon d’Intervention et d’Appui : 19 ; Bataillon d’Infanterie Territoriale : 151 ; Bataillon du Génie : 57 ; Bataillon des Sapeurs Pompiers : 60 ; Ecole Militaire des Enfants de Troupes : 37 ; Force Navale : 19 : Armée de l’Air : 38 ;Centre d’Instruction de Bérengo : 2 ; Centre d’Instruction de Bouar : 5 ; Unité de Sécurité Présidentielle : 2

Sur l’évasion
Considérant qu’il est reproché à Ndjengbot le délit d’évasion ; qu’il convient de rappeler que ce dernier était antérieurement détenu pour autres causes et qu’en profitant des circonstances de ce coup de force pour se libérer lui-même en fuyant avec les assaillants, il s’est rendu de ce fait coupable du délit d’évasion prévu et puni par l’article 149 du code Pénal,
Sur les intérêts civils
Considérant que Maître Jean-Pierre Kabylo, par une requête au nom de la succession Léon Banganzoni ; Mme Kommando née Marie-Josèphe Yamalé pour la succession de feu Pierre Yamalé ; Mme Pounématchi née Iténé Alphonsine, sœur aînée du feu Sergent Albert Koutougbono ; Monsieur Maurice Baïgo-Dari, en son nom et celui de sa famille ; Madame Agathe Nandimon pour le décès de son frère David Yambia ; se sont constitués partie civile ;
Que leurs demandes sont régulières en la forme, mais qu’il y a lieu de réserver leur examen actuel quant au fond ;
La Cour, par ces motifs ,
Statuant publiquement en matière criminelle, en dernier ressort et par arrêt rendu contumace,
I - Déclare coupable du crime d’atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat et les condamne à la peine capitale :
- Kolingba André
- Doléwaya Jean-Pierre
- Moyémane Clément
- Saulet Anicet
- Kogbia Jules
- Nzapally Dieudonné
- Galloty Bibanga Guy José
- Ngalo Ferdinand
- Kolingba Guy Rufin Simplice
- Batiako Alphonse Dolin
- Komélo Alphonse
- Kolingba Zanga Guy Serge
- Yékoua-Ketté
- Massi Charles
- Limbio Eloi
- Kolingba Arthur
- Ngaya-Mbandjé Calixte Anatole
- Gamba Maurice
- Komélo-Koy Guy Bernardin
- Koyangatoua
- Koyengba Gilbert
- Nvoumi Grengbo
- Gnindou Té Souka Cyriaque

II - Déclare coupable du crime de complicité d’atteinte à la sûreté de l’Etat et les condamne à la peine de 20 ans de travaux forcés :
- Langadji Daniel
- Gbéti Jacob
- Ndjengbot Guillaume Lucien
- Nkouet Gilbert Jonathan
- Gbiatimbi Célestin
- Allé Michel
- Doubro Patrick
- Pingama Joseph
- Kolingba Désiré
- Mbay Parfait

III - Ordonne la confusion avec la première peine de 20 ans du même accusé,
IV - Déclare coupables du crime de désertion avec complot et condamne à la peine de 10 ans de réclusion : (voir liste détaillée par corps de 1 à 676)
V - Décerne des mandats d’arrêt à l’encontre des condamnés
VI - Les déclare déchus de leurs droits civiques, militaires en application des dispositions de l’article 17 du Code Pénal
VII - Ordonne la confiscation au profit de l’Etat Centrafricain des biens meubles et immeubles appartenant aux condamnés pour crime d’atteinte à la sûreté de l’Etat et de complicité de crime d’atteinte à la sûreté de l’Etat ;
VIII- Réserve les intérêts civils
IX - Met les dépens à la charge des condamnés.

Coomentaire de l'événement par Centrafrique-Presse:
"26/08/2002, Verdict du procès des putschistes du 28 mai 2001"

La cour criminelle a rendu aujourd'hui son verdict dans le procès contre André Kolingba et ses principaux complices. La cour a pratiquement suivi le Procureur Général Joseph Bindoumi dans ses réquisitions en condamnant par contumace André Kolingba, l'auteur principal du putsch et vingt et un de ses acolytes, à la peine de mort pour atteinte à la sûreté de l'Etat.

D'autres complices ont été condamnés à des peines de vingt ans et dix de réclusion criminelle. Elle a également ordonné la saisie au profit de l'Etat de tous les biens meubles et immeubles de tous les condamnés, ainsi qu'un mandat d'arrêt international sera émis à leur encontre.
Ci dessous, la liste des condamnés à mort et de ceux qui ont écopé de 20 ans de réclusion...

Crime d’atteinte à la sûreté de l’Etat
1 Kolingba André
2 Doléwaya Jean-Pierre
3 Moyamane Clément
4 Saulet Anicet
5 Kogbia Jules
6 Nzapali Dieudonné
7 Galloty Guy José
8 Ngalo Ferdinand
9 Kolingba Guy Rufin Simplice
10 Bassiako Alphonse Tolin
11 Komélot Alphonse
12 Kolingba Zanga Guy Serge
13 Yékoua Kété
14 Massi Charles
15 Limbio Eloi
16 Kolingba Arthur
17 Ngaya Calixte Anatôle
18 Komélot Koy Guy Bernardin
19 Koyangatoua
20 Koyemba Gilbert
21 Nvouli Grengbo
22 Gnindou Tè Souka Cyriaque

Complicité de crime d’atteinte à la sûreté de l’Etat
1 Langandi Daniel
2 Gbéti Jacob
3 Djengbot Guillaume Lucien
4 Nkouet Jonathan Gilbert
5 Gbiatimbi Célestin
6 Alley Michel
7 Doubro Patrick
8 Pingama Joseph
9 Kolingba Désiré
10 Mbay Parfait

Centrafrique-Presse, 26 juillet 2002


Procès du putsch manqué du 28 mai 2001 : trouver le coupable et des noms II