CÔTE D IVOIRE : Les Nations unies retardent l'application des sanctions
ABIDJAN, le 20 décembre Nations
Unies (IRIN) - L'application du deuxième volet de la résolution
1572 du Conseil de sécurité des Nations Unies qui prévoyait
d'imposer le 15 décembre des sanctions individuelles à
l'encontre de personnalités politiques qui bloqueraient le
processus de paix en Côte d'Ivoire n'a pas été voté, le
conseil de sécurité préférant lancer un sévère
avertissement aux protagonistes et accorder plus de temps aux
efforts de médiation du président sud-africain Thabo Mbeki.
Dans un communiqué publié après l'échéance du 15 décembre,
le Conseil de sécurité a indiqué «qu'il déplorait le fait
que les parties au conflit n'aient pas respecté tous leurs
engagements» et prévenu qu'un comité spécial des Nations
unies travaillait à l'établissement de la liste de responsables
ivoiriens auxquels seraient appliqués une interdiction de
voyager et un gel des avoirs, si des progrès rapides ne sont pas
réalisés pour mettre fin aux deux années de conflit.
Le communiqué ne fixe aucune échéance précise, mais l'actuel
président du conseil de sécurité, l'Algérien Adballah Baali,
a indiqué que les Nations Unies préféraient accorder plus de
temps aux efforts de médiation de Thabo Mbeki, mandaté par
l'Union africaine.
"Nous avons décidé d'attendre la fin de la médiation du
Président Mbeki avant d'appliquer les sanctions," a
indiqué le diplomate depuis New York.
Selon certains observateurs, les Nations Unies ne prendront
aucune mesure susceptible d'entraver les efforts de médiation de
Mbeki avant la réunion du 10 janvier du Conseil de paix et de
sécurité de l'Union africaine consacrée à la crise en Côte
d'Ivoire.
Les documents qu'IRIN a pu se procurer révèlent que la
médiation de Mbeki commencent à porter ses fruits. Ainsi,
vendredi dernier, l'assemblée nationale ivoirienne adoptait le
projet de loi portant révision de l'article 35 de la
constitution, deux semaines avant l'échéance fixée par le
Mbeki et sans qu'il soit fait mention d'un referendum comme le
souhaitait le camp présidentiel.
Le président Laurent Gbagbo insiste pour que toute modification
de la constitution ivoirienne, et notamment celle qui a trait aux
conditions d'éligibilité, soit approuvée par referendum.
La crise qui secoue la Côte d'Ivoire, premier producteur mondial
de cacao, a coupé le pays en deux - le nord tenu par les forces
rebelles et le sud aux mains des forces loyalistes -- a
dégénéré au début du mois de novembre dernier lorsque
l'armée ivoirienne a bombardé les positions des forces
rebelles, rompant ainsi la trêve en vigueur depuis 18 mois.
Mandaté par l'UA pour mener une mission de médiation en Côte
d'Ivoire, et après cinq jours de négociations, Mbeki a obtenu
de toutes les parties au conflit l'engagement de relancer le
processus de paix des accords de Linas-Marcoussis signés en
janvier 2003 sous l'égide de la France, conformément à un
calendrier bien établi.
Selon Mbeki, le gouvernement de la Côte d'Ivoire, les parties
d'opposition et les forces nouvelles ont pris les engagements
suivants : appliquer les réformes politiques prévues, amorcer
le processus de désarmement, reprendre les activités du
gouvernement de réconciliation nationale et rétablir la
sécurité dans le pays.
Mbeki veut des "résultats rapides"
Une délégation des forces rebelles s'est rendue vendredi
dernier à Pretoria, la capitale sud africaine, pour remettre à
Mbeki leurs propositions de sortie de crise.
"Nous sommes d'accord sur tous les points," a indiqué
Mbeki à l'issue de l'entretien qu'il a eu avec la délégation
des Forces Nouvelles, ajoutant qu'il envisageait de renforcer son
équipe en Côte d'Ivoire et dans le fief des rebelles en y
envoyant des envoyés spéciaux. "Des progrès rapides
doivent être accomplis," a t-il fait remarquer
A Abidjan, la capitale économique de la Côte d'Ivoire,
l'assemblée nationale - où le Front populaire ivoirien (FPI)
est majoritaire - votait vendredi dernier le projet de loi
portant révision de l'article 35 de la constitution qui
permettra d'apaiser les tensions ethniques dans le pays.
Grâce à l'adoption de ce projet de loi, quelque 700 000
étrangers vivant en Côte d'Ivoire pourront être naturalisés.
La nationalité est un problème sensible en Côte d'Ivoire où
un quart des 16,8 millions d'habitants sont d'origine
étrangère.
Les immigrants proviennent majoritairement des pays limitrophes,
attirés par la prospérité économique et la stabilité du
pays, mais le concept d'ivoirité lancé il y a un peu plus de
dix ans n'a fait qu'exacerber l'animosité des Ivoiriens contre
les étrangers.
Ce concept interdit non seulement les immigrants de longue date
de posséder des terres, mais en 2000 il a été inclus dans la
constitution sous l'article 35 qui stipule que tout candidat à
l'élection présidentielle doit être de père et de mère
ivoiriens.
L'assemblée nationale a aussi adopté vendredi dernier le projet
de loi sur la révision de cet article controversé. Selon le
programme de sortie de crise présenté par Mbeki, le
gouvernement dispose de deux mois pour amender la constitution.
Cette reforme est nécessaire pour permettre à Alassane
Ouattara, l'un des responsables de l'opposition majoritairement
soutenu par les populations du nord - qui n'a pu se présenter
aux élections de 2000 en raison de cette clause - de prendre
part aux prochaines élections présidentielles prévues en
octobre 2005.
Mais face aux Jeunes patriotes qui le soutiennent, le président
Gbabo a réaffirmé qu'il organisera un référendum.
"La constitution c'est nous. C'est notre sang», a t-il
déclaré à la foule. "C'est moi qui vais vous parler à la
télévision pour vous dire tel jour on va aller au
référendum."
Mais depuis le début de la médiation de Mbeki, d'autres
progrès sensibles ont été enregistrés. La semaine dernière,
Gbagbo a interdit toute manifestation publique pour trois mois,
quelques jours avant la marche que les Jeunes patriotes
entendaient organiser pour exiger de la France, ancienne
puissance coloniale, le départ de ses 5000 militaires basés en
Côte d'Ivoire.
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