Wangari Maathai , Prix Nobel de la Paix, 2004


Le président américain et ses alliés ne réalisaient pas ce que la guerre en Irak allait entraîner, selon Wangari Maathai

NAIROBI, Kenya (AP), lundi 11 octobre 2004, 18h43  - La lauréate du prix Nobel de la paix, Wangari Maathai, a affirmé lundi qu'elle pensait que le président américain George W. Bush et ses alliés ne réalisaient pas ce qui allait advenir quand ils ont envoyé des milliers d'hommes en Irak pour évincer Saddam Hussein.

"Je suis sûre que ceux qui ont commencé la guerre ne savaient pas ce qui allait se passer", a-t-elle déclaré en marge d'une conférence réunissant à Nairobi des femmes occupant des postes de ministres et de secrétaires d'Etat à l'Environnement.

Vendredi, la Kenyane Wangari Maathai, secrétaire d'Etat à l'environnement dans son pays, a reçu à Oslo le prix Nobel de la paix pour son travail en faveur de la reforestation en Afrique. AP


Les questions d'environnement, source de conflits en Afrique

Par Ed Stoddard

JOHANNESBURG (Reuters), samedi 9 octobre 2004, 23h21 - De nombreux conflits sur le continent africain trouvent leur origine dans la dégradation et la désertification des terres, phénomènes exacerbés par le réchauffement de la planète, selon une enquête de l'Onu qu'éclaire d'un jour nouveau l'attribution du prix Nobel de la Paix à l'écologiste kényane Wangari Maathai.

"De la sécurité alimentaire à la santé, nous pouvons considérer les changements climatiques comme une très lourde menace pour toute l'Afrique", notait au début du mois Crispian Oliver, directeur général au ministère sud-africain de l'Environnement et du Tourisme.

L'étude de l'Onu (intitulée "Evaluation de l'écosystème de l'Afrique australe", Sama) estime que les causes environnementales de conflits en Afrique accentuent l'urgence de la recherche de solutions à des questions qui ne relevaient jusque-là que de l'écologie et de la défense de l'environnement.

L'attribution, à la surprise générale, du prix Nobel de la Paix à la militante écologiste kényane Wangari Maathai pour sa campagne de reboisement du continent africain résonne comme en écho à cette étude.

"La paix dans le monde dépend de notre capacité à préserver notre environnement", a expliqué Ole Danbolt Mjoes, président du comité Nobel, en dévoilant vendredi le nom de la lauréate, distinguée "pour sa contribution au développement durable, à la démocratie et à la paix".

L'actuelle secrétaire d'Etat à l'Environnement du gouvernement kényan, ajoute le comité Nobel, se trouve à la pointe du combat pour la promotion d'un développement social, économique et culturel viable sur le plan écologique au Kenya et en Afrique.

[Prix Nobel de la Paix à l'écologiste kényane Wangari Maathai (photo). /Photo prise le 9 octobre 2004/REUTERS/Radu Sigheti  • (Reuters - samedi 9 octobre 2004, 23h37)]

"L'ANARCHIE A VENIR"

L'étude Sama met en évidence un lien frappant entre les questions écologiques et les conflits sociaux.

"Les correspondances entre les régions à écosystème dégradé et les conflits sociaux évoquent un lien entre ces deux questions, qui sont généralement traitées de façon indépendante", écrivent les rédacteurs de cette évaluation.

"La relation joue dans les deux sens: le conflit crée des conditions encourageant une dégradation de l'écosystème, de même que l'épuisement des ressources environnementales peut être cause de conflit", ajoutent-ils.

Les problèmes évoqués englobent les pénuries d'eau ou de semences, les récoltes insuffisantes, les pratiques de surpâturage qui épuisent les terres ou encore les déforestations massives pour récolter du bois de chauffage.

D'après la communauté scientifique, tous ces problèmes, amplifiés par la pression démographique, risquent de s'aggraver encore avec le réchauffement de la planète dû aux émissions de gaz à effet de serre.

"Nous estimons que ce changement climatique exacerbe ces problèmes écologiques que nous avons reliés aux conflits sociaux", note le professeur Bob Scholes, un des auteurs de l'étude de l'Onu.

Ce lien entre environnement et conflits apparaît au Rwanda, où environ un million de personnes ont été victimes d'un génocide au printemps 1994, au Burundi et dans l'est de la République démocratique du Congo, trois zones parmi les plus affectées par les violences en Afrique.

La région du delta du Niger, centre de la production pétrolière du Nigeria, est elle aussi concernée.

"Vous avez là des populations très pauvres dans une région riche en pétrole, et ces populations en voient les aspects négatifs: chômage, nappes de pétrole et dégradation de l'environnement, sans en voir aucun dividende", souligne Keith Myers, spécialiste de l'Afrique de Chatham House, un groupe de réflexion britannique.

"La dégradation de l'environnement est l'un des nombreux facteurs contribuant aux tensions dans le Delta", ajoute-t-il.

Les chercheurs ayant participé à l'étude se sont également penchés sur le centre surpeuplé du Nigeria, où éleveurs nomades et agriculteurs sédentaires s'affrontent pour le contrôle des terres disponibles, de plus en plus réduites à mesure de la désertification.

Une analyse similaire peut s'appliquer au Darfour, dans l'ouest du Soudan, où s'opposent pareillement sédentaires et nomades.

Dans un essai publié en février 1994 sous le titre "L'Anarchie à venir", le journaliste américain Robert Kaplan estimait que la surpopulation, les épidémies, la dégradation de l'environnement et le développement de la criminalité constituaient les principales menaces contre la sécurité en Afrique.

L'Afrique, ajoutait-il dans cet article publié dans l'Atlantic Monthly, était au bord d'un chaos sans retour.

L'étude de l'Onu atteste aujourd'hui en partie de la véracité de ses sombres prévisions.


Le prix Nobel de la paix monte au créneau pour sauver le Mont Kenya

NAIROBI (AFP), samedi 9 octobre 2004, 16h31  - La Kényanne prix Nobel de la paix, Wangari Maathai, a déclaré samedi la guerre aux charbonniers, aux cultivateurs de marijuana, aux bûcherons et aux fermiers qui, selon elle, ont "détruit" l'équilibre écologique du Mont Kenya, point culminant du pays.

"Nous devons mettre un terme à la destruction du Mont Kenya qui est en train d'être placé la tête en bas", a déclaré Wangari lors d'une conférence de presse à Nairobi, après avoir été récompensée vendredi par le Prix Nobel de la Paix pour plusieurs dizaines d'années de lutte en faveur de la reforestation et la défense des droits de l'homme.

"A distance, c'est très beau, mais la montagne pleure pour qu'on l'aide à survivre... C'est une zone de captation pour environ 300 rivières", a déclaré la militante écologiste en expliquant que le sommet neigeux du Mont Kenya et les pics volcaniques cernés de nuages lui avaient inspiré cet engagement en faveur de la défense de l'environnement.

"C'est ma priorité de m'assurer que tous les envahisseurs seront stoppés", a-t-elle déclaré.

Selon Wangari Maathai, la montagne - qui culmine à 5.199 mètres au-dessus du niveau de la mer - "a été détruite par les charbonniers, les braconniers, les cultivateurs de marijuana, les bûcherons et les fermiers".

Les paysans ont depuis des décennies moissonné des espèces locales de plantes rares sur la montagne qui domine un parc national dans le centre du Kenya.

"Laissons la montagne aux animaux et aux arbres", a-t-elle ajouté, prenant la parole au milieu d'un groupe de femmes en compagnie desquelles elle a lancé un mouvement écologiste de reforestation dit "le Mouvement de la Ceinture verte" en 1977.

A ce jour, l'association a planté plus de 30 millions d'arbres en Afrique.

Maathai s'est également élevée contre l'autorisation donnée aux fermiers locaux de cultiver en pleine forêt, indiquant que ces pratiques avaient détruit la bio-diversité et affaibli la capacité de rétention d'eau localement.

Les hommes politiques kényans sont profondément divisés sur la question d'établir des cultures dans la forêt, qui a perdu 1,7 pour cent de son étendue à l'échelle du territoire.

Maathai, âgée de 64 ans, vice ministre de l'Environnement et des ressources naturelles, a déclaré qu'elle introduirait une loi au parlement visant à obtenir que les fermiers procèdent à des plantations d'arbres sur 10 pour cent de leur possessions.

Elle a révélé que le gouvernement réclamerait environ 750.000 hectares de forêt accaparés lors du régime de l'ex-président Daniel Arap Moi, qui s'est retiré en décembre 2002.

Samedi, une fête autour de danses Kikuyu a été organisée au siège de l'association, à Nairobi, en l'honneur du prix Nobel.

"Un long chemin a été parcouru pour arriver jusqu'ici" a déclaré Maathai, première femme africaine a remporter le prix, récompense qui la situe au niveau de Nelson Mandela, Desmond Tutu, Kofi Annan, Martin Luther King et Shirin Ebadi.

"En attribuant ce prix, le jury du Nobel a hissé la question difficile de l'environnement, de la démocratie, du pouvoir de la communauté sous les yeux du monde, et de cela je lui suis profondément reconnaissante", a-t-elle déclaré.

"Ceux qui saisissent le concept difficile d'environnement doivent agir. Nous ne devons pas nous retirer ni baisser les bras, nous devons persister", a-t-elle ajouté.

"Quand nous plantons des arbres, nous plantons des graines de l'espoir. Nous assurons aussi l'avenir de nos enfants", a insisté Maathai.

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