L’armée française évacue par hélicoptère
les étrangers menacés par les débordements populaires en Côte d'Ivoire
ABIDJAN, le 7 novembre 2004 Nations Unies (IRIN) - Des partisans du
président Laurent Gbagbo ont pillé et incendié les maisons, des écoles et des
commerces de ressortissants français et étrangers, obligeant les forces armées
françaises à évacuer plus de 150 étrangers vers des zones sécurisées et à faire
intervenir la troupe pour rétablir le calme.
Les manifestations ont éclaté à Abidjan, la capitale économique de la Côte
d’Ivoire, après que les forces françaises aient détruit les moyens militaires
aériens ivoiriens, en représailles au bombardement par l’armée ivoirienne d’une
base militaire française dans le Nord.
Le bombardement de samedi a fait neuf morts parmi les militaires français et un
civil américain à Bouaké, le fief des rebelles.
Les partisans de Gbagbo, dont certains étaient armés de machettes et de bâtons,
ont incendié trois écoles françaises et les bureaux de la compagnie de
téléphonie mobile Orange. Des restaurants, hôtels et maisons de ressortissants
français ont également été pillés après que Charles Blé Goudé, le chef des
Jeunes patriotes, a appelé ses troupes à descendre dans la rue pour libérer la
Côte d’Ivoire.
«Ils ont tout cassé dans la maison. Ils ont pris ce qu’ils pouvaient et ont tout
saccagé, tout détruit,» a confié dimanche à IRIN Viviane, une résidente
française du quartier chic de Cocody. «Mon marié est expatrié, il a une
entreprise et ils étaient apparemment au courant.»
Terré dans sa maison, en ville, Marc, un artiste français, se demandait s’il
allait avoir suffisamment de provisions.
«Je retournerai en France dès que la situation redeviendra calme,» a t-il
indiqué à IRIN.
Selon un porte-parole de la Mission des Nations unies en Côte d’Ivoire (ONUCI)
le niveau de sécurité dans tout le pays est passé en phase 4, le dernier avant
que l’ordre d’évacuation soit donné.
Ce niveau de sécurité permet aux responsables de la sécurité présents sur le
terrain de recommander le déménagement de tous les fonctionnaires
internationaux, à l’exception ceux travaillant dans les programmes d’urgence,
d’assistance humanitaire ou de sécurité.
Evacuations des étrangers par hélicoptère, face aux débordements des
militants dans les rues
Selon l’ambassade de France en Côte d’Ivoire, des hélicoptères ont extirpé de
leur maison plus de 150 étrangers de différentes nationalités. Ces derniers sont
actuellement hébergés dans la base militaire française d’Abidjan. L’ambassade
signale également l’évacuation de 12 personnes de la ville portuaire de San
Pedro, à l’ouest de la Côte d’Ivoire.
Dimanche encore, on entendait des coups de feu à Abidjan où certains résidents
indiquent avoir vu des jeunes s’enfuir avec des matelas, des ordinateurs et des
sacs pleins à craquer sous les regards des agents de police.
La France dispose déjà de 4000 hommes de troupe stationnés en Côte d’Ivoire,
mais 600 militaires vont être envoyés en renfort, selon le ministre de la
défense français.
La France a renforcé dimanche matin son dispositif en République de Côte
d’Ivoire de 300 soldats en provenance des forces pré-positionnées à Libreville.
Trois airbus, dont un médicalisé, décollent de la base aérienne d’Istres en
début d’après-midi et acheminent 300 hommes supplémentaires et un escadron de
gendarmerie.
Selon des témoins, des véhicules blindés de l’armée française circulaient
dimanche dans les rues d’Abidjan, alors que des naviresmilitaires patrouillaient
sur la lagune et que des soldats armés installaient des fils barbelés sur les
deux principaux ponts de la ville pour en interdire l’accès.
Au cours d’une session convoquée d’urgence à New York, le Conseil de sécurité
des Nations Unies a condamné l’attaque contre les troupes françaises. Le Conseil
a également autorisé les troupes françaises et les 6000 militaires des forces de
maintien de la paix stationnés dans le pays à faire usage de la force
nécessaire.
Koffi Annan, le secrétaire général des Nations Unies, a demandé au président
Gbagbo à faire cesser immédiatement toutes les manifestations.
«Il est important que le Président calme la population afin qu’elle cesse les
manifestations,» a indiqué Annan à la presse.
Le fragile cessez-le-feu qui régnait en Côte d’Ivoire depuis le mois de mai 2003
a subitement été rompu jeudi lorsque des avions de combat des forces armées
ivoiriennes ont bombardé Bouaké, le fief des rebelles.
Les bombardements se sont poursuivis samedi sur les villes de l’est et de
l’ouest et des témoins ont signalé des mouvements de troupes vers le nord.
Les troupes ivoiriennes se retirent
Désiré Tagro, le porte-parole de la présidence ivoirienne, a indiqué à IRIN
dimanche que l’armée a suspendu son offensive contre les rebelles dans la région
nord.
Au cours de cette offensive, les troupes ivoiriennes ont aussi fait une
incursion dans la zone de confiance, une zone tampon qui sépare le sud, contrôlé
par le gouvernement, du nord détenu par les rebelles depuis septembre 2002.
A en croire Tagro, la réaction des autorités françaises au bombardement de
samedi est démesurée.
«Nous estimons que la réaction des français est disproportionnée,» a-t-il
indiqué. «Les Ivoiriens suspectent que la France tente de déstabiliser la Côte
d’Ivoire.»
Quatre personnes ont été tuées et de nombreuses autres ont été blessées lorsque
des hélicoptères français ont tiré des coups de semonce pendant que des milliers
de manifestants marchaient vers l’aéroport.
La réaction de Pascal Affi N’guessan, le chef du parti de Gbagbo et ancien
Premier ministre, a été plus violente. Il a demandé le départ immédiat des
troupes françaises du territoire ivoirien et invité ses compatriotes à descendre
dans les rues.
«La France a décidé de bafouer notre indépendance et de traîner notre dignité et
notre souveraineté dans la boue,» a t-il confié à la télévision nationale. «Nous
devons défendre notre honneur et notre dignité.»
A Paris, le ministre français de la Défense, Michèle Alliot-Marie, a réfuté
l’idée selon laquelle l’intervention de la France allait bien au-delà d’une
simple protection de ses citoyens.
La France, les Nations Unies et l’Union africaine (UA) ont exhorté les partis
ivoiriens à œuvrer de concert pour la recherche d’une solution politique à la
crise.
Réunie samedi au Nigeria pour débattre des récents troubles survenus en Côte
d’Ivoire, l’UA a indiqué dans un communiqué qu’elle a mandaté Tabo Mbeki,
président de l’Afrique du Sud, pour trouver une solution pacifique à la crise
qui, selon de nombreux analystes, menace toute l’Afrique de l’ouest.
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