La peur au ventre, les Français quittent la Côte d'Ivoire
ABIDJAN (AFP), 14 novembre 2004, 10h31- Traumatisés par les récentes exactions commises en Côte d'Ivoire, des centaines d'occidentaux parmi lesquels de nombreux Français quittaient encore le pays samedi, également abandonné par 6.000 Ivoiriens au moins qui ont gagné le Liberia voisin par crainte d'une reprise des violences.
Le pont aérien mis en place entre Abidjan, apaisée samedi, et différentes capitales européennes et africaines depuis plusieurs jours était toujours en place samedi, permettant l'évacuation de personnes choquées par les scènes de haine et de violences dont elles ont été victimes ou témoins.
Selon le porte-parole du contingent français en Côte d'Ivoire, le colonel Henry Aussavy, deux nouveaux avions affrétés par le ministère français des Affaires étrangères devaient samedi ramener en France quelque 800 personnes. Au total, près de 2.600 occidentaux ont déjà été évacués depuis la réouverture jeudi de l'aéroport d'Abidjan, fermé pendant cinq jours, et toujours sous le contrôle des militaires français.
A Rome, un premier groupe d'environ 120 Italiens rapatriés de Côte d'Ivoire est arrivé samedi après-midi à l'aéroport de Rome-Fiumicino et l'évacuation de 220 personnes par la Royal Air Force des Britanniques installés en Côte d'Ivoire vers le Ghana voisin s'est achevée samedi.
Redoutant pour leur part une reprise des combats entre les forces gouvernementales ivoiriennes et les rebelles des Forces nouvelles (FN), bien qu'aucune confrontation directe des deux parties n'ait été signalée, près de 6.000 réfugiés ivoiriens ont tout quitté et gagné le Liberia voisin au cours de la semaine écoulée. "J'ai tout laissé derrière pour venir mettre ma famille à l'abri", a expliqué Mathias Glé, 52 ans, père de six enfants, qui s'est réfugié à Butuo dans l'est du Liberia. L'exode des Ivoiriens de l'ouest du pays a commencé le 4 novembre avec le début des raids de l'aviation ivoirienne sur Bouaké (centre), fief des FN qui contrôlent la partie nord du pays depuis septembre 2002, selon un responsable des services d'immigration libériens, Jerry Menlor.
"On nous dit que les Français sont en train de quitter la Côte d'Ivoire. Quand on sait que ce sont les Français qui empêchent la reprise de la guerre, il y a de quoi s'inquiéter de ce départ", estime un autre réfugié Ivoirien au Liberia, Robert Gué Sahie. "Si les ressortissants français quittent la Côte d'Ivoire, ajoute-t-il, les soldats de la (force d'interposition) Licorne peuvent baisser les bras et laisser les deux camps se battre".
A Abidjan, le calme régnait samedi, marquant le début d'un long week-end, avec la fête musulmane, dimanche, de fin du Ramadan et lundi de la célébration de la journée de la Paix, fériée en Côte d'Ivoire. Effaçant peu à peu les stigmates des manifestations et des nombreux pillages commis entre le 6 et le 9 novembre, la ville commençait à revivre et la police ivoirienne s'est déployée un peu partout dans la ville.
L'envoyé spécial du président ivoirien à Washington, Laurent Kokora, a déclaré vendredi qu'il allait demander l'aide des Etats-Unis pour obtenir le retour des soldats français dans leurs casernes et le report du vote du Conseil de sécurité de l'ONU sur l'imposition de sanctions à la Côte d'ivoire réclamé mercredi par la France.
Dans le nord du pays, le couvre-feu instauré depuis une semaine dans plusieurs localités sous contrôle rebelle depuis septembre 2002 a été "levé" vendredi soir pour trois jours, à l'occasion de la fin du Ramadan, a annoncé l'état-major des Forces nouvelles. Sur la "ligne de confiance" séparant rebelles et loyalistes, la situation est "calme mais tendue", selon un militaire français.
Plusieurs responsables d'agences humanitaires de l'ONU ont averti vendredi à Dakar à l'issue d'une réunion "inter-agences" que la Côte d'Ivoire plongeait dans une "crise humanitaire grave et durable", qui risque de dépasser les frontières du pays.
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