Le virus de la grippe aviaire difficile à détecter en Afrique

JOHANNESBURG (Reuters), mercredi 26 octobre 2005, 15h09 - Le virus de la grippe aviaire pourrait être déjà à l'oeuvre dans des villages africains sans que ne remonte l'information, ont mis en garde mercredi des experts selon lesquels traquer la présence du H5N1 sur le continent noir est une tâche herculéenne.

Le caractère traditionnel de l'élevage et l'absence d'intégration dans la filière avicole en Afrique rendra la détection éventuelle de la grippe aviaire très difficile, d'autant que la mortalité est déjà très élevée chez les volailles africaines.

L'absence d'infrastructures de contrôle de la production, la pénurie de ressources et les réticences des éleveurs à autoriser l'abattage de leurs volailles sont autant de raisons qui compliqueront le traitement d'une éventuelle épidémie.

"La plupart des villages sont éloignés et les maladies constituent une sorte de norme au sein de leurs élevages", a expliqué Celia Abolnik, une chercheuse de l'Institut vétérinaire sud-africain Onderstepoort

"La maladie de Newcastle peut raser 80% d'un élevage sans que cela se sache à l'extérieur car personne ne va prendre un poulet mort et marcher sur plusieurs kilomètres simplement pour le signaler".

La maladie de Newcastle, très répandue en Afrique, est mortelle pour les volailles mais sans danger pour les humains. Le H5N1, lui, a fait une soixantaine de morts en Asie du Sud-Est.

Les scientifiques, qui s'attendent à l'apparition d'une nouvelle pandémie mondiale de grippe, craignent que celle-ci ne soit provoquée par une mutation génétique du H5N1 en un virus potentiellement ravageur qui serait transmissible d'homme à homme.

CONFUSION POSSIBLE AVEC LE PALUDISME

"La présence d'autres maladies comme celle de Newcastle peut masquer les ravages du virus de la grippe aviaire et compliquer sa détection et sa gestion", a estimé Nancy Morgan, de l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture (Fao).

A en croire un article paru récemment dans le World's Poultry Science Journal, 80% des volailles africaines seraient élevées selon un mode traditionnel, et non dans des élevages intensifs comme en Europe.

Les volailles sont essentiellement en Afrique des poulets élevés en plein air près des lieux d'habitation et destiné à nourrir leurs éleveurs, ou à être vendus sur de petits marchés.

"Le problème avec la production aviaire traditionnelle est son taux de mortalité, qui peut atteindre 80 à 90% d'une couvée à l'issue de la première année", selon l'auteur de l'article.

La mort d'un grand nombre de volailles dans un village retiré du Congo ou du Kenya pourrait par conséquent passer inaperçue, et ne pas inquiéter outre mesure les éleveurs.

L'Afrique du Sud, qui possède un vrai réseau de techniciens en matière d'élevage ainsi qu'un programme de veille sanitaire de la grippe aviaire, est certainement le pays le mieux préparé pour détecter la maladie.

Le risque est peut-être moins élevé en Afrique de l'Ouest qu'en Afrique de l'Est, où les oiseaux migrateurs ont pour habitude de s'arrêter aux points d'eau de la vallée du Rift.

L'apparition de cas humains de grippe aviaire pourrait en outre être confondue avec des maladies qui dévastent le continent noir comme le sida ou le paludisme.

Les volailles sont la seule source de viande dans certains villages africains. Et les éleveurs seront d'autant plus réticents à abandonner leurs volailles en cas de campagne d'abattage liée à l'apparition de la grippe aviaire que la mortalité est forte dans leurs élevages.

"Je dépends des poulets. Ma famille en vit et j'éduque mes enfants avec les bénéfices de cette activité", a expliqué Philip Okaro, devant son étal d'un marché aux volailles de la banlieue de Nairobi.

"Je ne permettrai pas au gouvernement de mettre un terme à mon activité, à moins qu'il accepte de nourrir ma famille".

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