La RDCongo au bord d'un troisième conflit en huit ans, d'une nature nouvelle
NAIROBI (AFP), mercredi 15 décembre 2004, 16h38 - La République démocratique du Congo (RDC) semble au bord d'un nouveau conflit, le troisième en huit ans, mais cette fois les tensions actuelles pourraient déboucher sur une "guerre larvée" plutôt que sur un affrontement direct entre Kinshasa et Kigali, selon des analystes régionaux.
"On est au bord d'une troisième guerre. Mais il n'y aura pas de grosses batailles et cela sera limité aux Kivus", les deux provinces de l'est de la RDC frontalières du Rwanda, estime dans une déclaration à l'AFP un observateur de la région ayant requis l'anonymat.
En 1996-97 et de 1998 à 2003, l'ex-Zaïre a été ravagé par des guerres régionales, impliquant de nombreux pays de la région, dont le Rwanda.
Depuis dimanche, des affrontements opposent l'armée régulière à des soldats mutins, issus d'une ancienne rébellion soutenue par le Rwanda, à Kanyabayonga, à une centaine de kilomètres à vol d'oiseau de Goma, le chef-lieu du Nord-Kivu.
Les autorités de Kinshasa ont affirmé mardi mener dans l'est une véritable "guerre contre le Rwanda" et non pas contre des mutins congolais.
Mais la Mission de l'Onu en RDC (Monuc) assure pour sa part que ces combats "opposent l'armée congolaise à d'autres soldats congolais", affirmant n'avoir "aucune preuve" d'une présence de soldats rwandais dans la zone de Kanyabayonga.
De son côté, Kigali continue de nier inlassablement toute nouvelle intervention chez son immense mais fragile voisin congolais.
Et dans la nuit de mardi à mercredi, la tension est encore montée d'un cran avec une tentative d'incursion en RDC d'hommes armés venant du Rwanda qui a été repoussée par la Monuc. Pour Kigali, il ne s'agirait que de "trafiquants".
Mais pour que ces affrontements sporadiques dégénèrent en conflit de grande ampleur, il faudrait que l'armée congolaise en ait les moyens.
Or, "elle n'est pas en état de mener des offensives fulgurantes" souligne le même observateur, rappelant les problèmes récurrents de logistique de l'armée, avec des troupes nombreuses, officiellement 300.000, mais pas ou mal payées et donc peu motivées.
"Nous nous attendons à des combats localisés, à des incursions, à une instabilité larvée mais cela ne sera pas la 3ème guerre mondiale, plutôt une suite de combats sporadiques", renchérit un autre observateur des Grands Lacs, également sous couvert d'anonymat.
"Nous ne prévoyons pas de confrontations directes, de déplacements massifs de population. De plus, pour le Rwanda, il y a une menace (en cas d'intervention directe) d'un point de vue financier. Le Rwanda a besoin des fonds de la communauté internationale", souligne-t-il.
Petit pays pauvre de huit millions d'habitants, avec une densité de population parmi les plus élevées au monde, le Rwanda fait figure de "petit poucet" par rapport à son immense voisin (23,4 millions de km2), dont la superficie est presque cent fois supérieure à la sienne.
Hors ses exportations de café et de thé, le régime de Kigali ne peut compter que sur l'aide internationale pour financer son budget.
C'est pour cela que "d'un point de vue stratégique et économique, le Rwanda veut conserver une zone d'influence" dans l'est de la RDCongo, qui dispose de vastes ressources agricoles et minières, souvent peu exploitées.
Les premiers perdants de ce brusque regain de tension seront sans aucun doute les civils.
Selon une étude de l'International Rescue Committee (IRC), une organisation non-gouvernementale basée à New York, 3,8 millions de personnes ont péri au cours des six dernières années et un millier meurt encore chaque jour en RDC, essentiellement des suites de maladies et de malnutrition.
Jamais un conflit n'a fait autant de mort, dans le monde, depuis la Seconde Guerre mondiale.
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