Darfour: le Soudan reconnaît des violations des droits de l'Homme
KHARTOUM (AFP), dimanche 22 aout 2004, 12h45 - Le Soudan a reconnu pour la première fois que des violations des droits de l'Homme et des viols avaient été commis au Darfour (ouest), une semaine avant la fin du délai qui lui a été accordé par l'Onu pour rétablir l'ordre dans cette région.Une liste de 30 miliciens arabes pro-gouvernementaux djandjawids, accusés de crimes au Darfour, en particulier de viols de femmes déplacées, a été remise par le ministre de la justice Ali Mohammed Osmane Yassine au Ghanéen Emanuel Akoy, observateur international de la Commission des Nations unies pour les droits de l'Homme.
"Le gouvernement ne nie pas qu'il existe des violations des droit de l'Homme, mais il ne protège pas ceux qui les commettent", a reconnu dimanche M. Yassine devant M. Akoy. Il a demandé "l'assistance des observateurs internationaux et des organisations bénévoles" et les a appelés à "adresser (aux autorités) toutes les informations en leur possession, notamment celles concernant des viols". Cet aveu intervient alors que le Conseil de sécurité des Nations unies est appelé à se prononcer à partir du 30 août sur la situation au Darfour, notamment sous l'angle du respect des droits de l'Homme.
L'Onu avait demandé au Soudan de désarmer les djandjawids dans un délai de 30 jours et de rétablir la sécurité au Darfour, menaçant le pays de sanctions internationales. Les djandjawids sont accusés par les organisations humanitaires et l'Onu d'avoir chassé de leurs terres des Soudanais d'origine africaine du Darfour. Le représentant du secrétaire général de l'Onu au Soudan, Jan Pronk, doit présenter un rapport préliminaire sur ce sujet mardi devant le Conseil de sécurité, selon des sources soudanaises. Parmi les djandjawids sur la liste figurent deux policiers pour participation à l'incendie d'un village, radiés et emprisonnés à Nyala (Darfour sud), et deux soldats des Forces de défense populaire (réservistes) pour viol contre deux femmes déplacées.
Dans un rapport diffusé vendredi, le directeur des opérations du Haut commissariat des Nations unies pour les Réfugiés (UNHCR), Jean-Marie Fakhouri, avait fait état de nouveaux témoignages de viols de femmes contraintes de quitter les camps de déplacés à la recherche de bois de chauffage. "Tous les jours des femmes sont violées, mais elle continuent à sortir du camp pour chercher du bois, parce que lorsque les hommes s'aventurent hors du camp ils sont tués", selon le témoignage d'une femme de 43 ans, rapporté par M. Fakhouri.
Le 19 juillet, Amnesty International avait accusé le gouvernement soudanais de crimes contre l'Humanité et notamment de très nombreux viols de femmes dans la région du Darfour, dans un rapport intitulé "Le viol comme arme de guerre dans le Darfour, au Soudan". Le gouvernement soudanais a constamment nié ces accusations. Samedi, le procureur d'El-Facher, capitale du Darfour nord, a annoncé avoir inculpé 13 personnes, dont deux employés d'une "organisation étrangère", accusés d'avoir "fabriqué de toutes pièces" une vidéo représentant un viol commis par des soldats soudanais.
M. Akoy devait se rendre dimanche au Darfour pour poursuivre la mission qui lui a été confiée. Selon la presse soudanaise, il "a reconnu la difficulté d'enquêter sur les affaires de viol, du fait de la sensibilité particulière de ce type de crimes et du refus des victimes d'en parler".
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