Un proche parent d’Houphouët-Boigny : «Mon témoignage pour l’histoire»
I- LES RAISONS D’UN LONG SILENCE
Ma famille maternelle, fondatrice du village d’Atchinkwassykro, est héritière de
droit de Nanan Atchinkwassy , arrière grand-père en lignée patrilinéaire du
président Félix Houphouët-Boigny.
J’ai été intronisé en 1997 en qualité de Haute Autorité Morale du patrilignage
du président Houphouët-Boigny. Mes responsabilités s’étendent à tous les parents
résidant à Atchinkwassykro, Goroyakro, Yamoussoukro-Kpangbassou, Zaakro, N’Doukahakro,
Kouamé Bonou et à toutes les diasporas établies dans les zones à exploitation
caféière et cacaoyère.
Le rassemblement et l’organisation d’une communauté aussi vaste sur des bases
d’une vie de solidarité agissante exige énormément de disponibilité. Ma
participation à la vie associative de mon parti, le PDCI-RDA, s’en est
malheureusement ressentie.
Par ailleurs, de nombreuses difficultés liées à mon état de santé depuis
l’entame de l’année 1997 n’ont rien facilité.
A peine j’en émergeais que nous sommes entrés dans l’ère des convulsions
ouvertes par le coup d’Etat du 24 Décembre 1999. Enfin, pour donner droit aux
obligations de ma charge, je me devais de me garder de prendre une part trop
active à l’interprétation des raisons qui ont conduit la Côte d’Ivoire dans
l’imbroglio actuel.
Mais ce devoir de réserve que je m’étais imposé ne m’a pas empêché, pour autant,
de suivre l’évolution de cette série de crises et d’en rechercher les raisons
fondamentales. C’est dire que ma distanciation par rapport à la politique
politicienne ne fut, somme toute, que relative.
Aujourd’hui, en tant que croyant en Dieu unique, Source intarissable de Vérité,
de Justice et d’Amour, j’ai décidé de rompre le silence en apportant mon modeste
éclairage à mes concitoyens afin de les aider, un tant soit peu, à se situer en
ces moments de dures épreuves.
II- MON ANALYSE DES ORIGINES DE LA CRISE ACTUELLE
Du vivant du président Houphouët -Boigny, je l’avais très souvent écouté et
décrypté ses silences. J’ai aujourd’hui un témoignage de croyant et de militant
du PDCI–RDA à partager avec l’ensemble des membres et autres sympathisants du
parti.
Je voudrais, avec insistance, que l’on ne perçoive ici que la contribution d’un
citoyen épris de paix, convaincu que ni le mensonge ni la duplicité ne
conduiront à la paix tant recherchée par tous les êtres sensés.
II-1. La colonne vertébrale de la pensée et de l’action politiques du Président
Félix Houphouët Boigny.
Je ne voudrais aucunement attenter à la mémoire de cet illustre fils que Dieu a
donné à la Côte d’Ivoire et à l’Afrique. Au regard de la pérennisation du
fabuleux héritage qu’il nous a légué, je retiens qu’au départ était Félix
Houphouët-Boigny et ses compagnons de lutte, syndicale et politique, qui ont
conduit la Côte d’Ivoire à l’indépendance.
Le profil intellectuel et la moulure culturelle des premiers compagnons les
inclinèrent, tout naturellement, à lui réserver les fonctions de penseur et de
dirigeant total. Il devint ainsi le Grand Timonier. Certes le PDCI-RDA demeurait
un creuset et continuait d’accueillir plusieurs franges de brillants cerveaux.
Mais, la rupture fatale pointait déjà à l’horizon. Félix Houphouët-Boigny était
le seul à penser les objectifs du développement de la Côte d’Ivoire, à en
maîtriser les stratégies de réalisation et enfin à tisser la toile de
l’environnement diplomatique de notre pays. La maison tint pourtant bon jusqu’en
1988.
A partir de là, la crise économique et sociale ainsi que des pressions
extérieures très fortes émanant surtout des institutions de Bretton Woods
effarouchées par l’arrêt du paiement de la dette extérieure, ont engendré la
troisième génération, celle de tous les malheurs, symbolisée par l’irruption de
Monsieur Alassane Dramane Ouattara sur l’échiquier politique national.
L’avènement de cette génération imposée à Houphouët-Boigny a été ressentie comme
une trahison par ceux qui œuvrèrent jusque-là à ses côtés.
II-2. Les fautes des héritiers
La suite de l’histoire, c’est cette sempiternelle guéguerre des héritiers. Le
PDCI-RDA, visiblement, s’affaiblissait. C’est en ce moment que le Président
Henri KONAN BEDIE accède au pouvoir d’Etat après le décès du Père de la nation
le 07 Décembre 1993. Cet affaiblissement a été accentué par la floraison à la
fois spontanée et provoquée des clubs de soutien, les fameuses cent fleurs qui,
dans la pensée comme dans les faits, ont été voulues pour supplanter les
structures de base du PDCI-RDA, alors confinées dans des rôles subalternes, sans
ressources. Nous sommes en 1994.
A partir de ce moment, les adversaires internes et les ennemis externes tapis
dans l’ombre s’activaient à porter, le moment venu, le coup fatal.
Certes, le Bureau Politique continuait d’exister, du moins dans la forme parce
que réduit à la fonction d’une caisse d’enregistrement des décisions prises, en
catimini, ailleurs.
De ce point de vue, il convient que nous reconnaissions que nous nous sommes
tous employés, soit par cupidité, soit par incompétence ou soit par lâcheté, à
semer et à arroser, avec zèle, les germes déstabilisateurs de nos nobles
ambitions pour la Côte d’Ivoire, de notre cohésion et de notre dynamisme. Oui,
nous avons tous été coupables. Nous aurions dû extirper, à temps, les
redoutables cancers que furent le Cercle National Bédié, l’absence totale de
communication entre le sommet et la base et vice versa, l’ivoirité, la
propension forte à l’autocratie et le culte de la personnalité. La prolifération
de ces cancers ne nous a laissé aucune chance. Inconsciemment certes, mais
assurément, nous avons justifié l’opportunité du coup d’Etat du 24 Décembre 1999
et facilité sa réalisation.
II-3. Les dangereuses omissions du Président Laurent GBAGBO
Monsieur le Président Laurent GBAGBO qui avait toutes les raisons pour ne pas
voler au secours du PDCI-RDA, l’adversaire irréductible devenu l’ennemi
inconciliable, accède au pouvoir en Octobre 2000 dans des conditions reconnues
scabreuses et calamiteuses au lendemain des élections présidentielles.
Monsieur le président Laurent GBAGBO qui avait fait, à mon avis, une analyse
intelligente de la situation en organisant le Forum pour la réconciliation, ne
semble pas avoir tiré, pour autant, toutes les conséquences du contexte
exceptionnel dans lequel il accédait au pouvoir d’Etat.
Le président Laurent GBAGBO aurait dû saisir l’opportunité qu’offrirent les
prestations burlesques de Monsieur Alassane Dramane OUATTARA au forum de la
réconciliation nationale en brandissant des preuves surréalistes de sa
nationalité ivoirienne pour requérir une commission rogatoire aux fins de faire
éclater, une fois pour toutes, la vérité. Hélas, la détermination machiavélique
de Monsieur Seydou Elimane DIARRA et consorts à imposer, coûte que coûte, cette
supercherie aux Ivoiriens eût raison de la volonté, pourtant manifeste, du
Président Laurent GBAGBO de libérer et de réconcilier véritablement les
Ivoiriens avec leur souveraineté et leur soif inextinguible de paix.
Le Président Aimé Henri KONAN Bédié qui, deux années plus tôt, avait lancé un
mandat d’arrêt international contre Monsieur Alassane Dramane OUATTARA alors
exilé à MOUGINS (France), pour faux en écriture administrative relative à sa
nationalité,, aurait dû voler au secours de la vérité. Mais hélas, rien ne vînt
de ce côté-là.
Feu le général Robert GUEI qui fut un témoin de premier ordre du débat national
sur le ET et le OU, débat somme toute consacré aux nombreux doutes que
partageait le peuple ivoirien quant à l’appartenance de Monsieur Alassane
Dramane OUATTARA à la terre d’Eburnie, se tût lui aussi.
En dépit des déclarations hautement responsables de l’Honorable Député de Bako,
Monsieur Mamadou Ben Soumahoro, à travers son «dossier en béton» sur les
forfaitures de Monsieur Allassane Dramane OUATTARA, Monsieur le Président
Laurent GBAGBO, par son manque de réaction appropriée, finit par convaincre les
Ivoiriens que cette affaire ne le concernait pas.
Ici, naquit l’alliance indéfectible et diabolique des mauvais perdants, ceux-là
mêmes qui forment aujourd’hui, à quelques unités près, la composante du G7.
Ainsi, sans crier gare, les ennemis de la paix et de la prospérité en Côte
d’Ivoire allaient s’atteler à la tâche pour nous servir l’inoubliable et
terrible nuit du 18 au 19 septembre 2002.
Monsieur le Président, vous auriez eu le bon réflexe au bon moment que votre
programme de refondation qui, selon vous, ambitionnait une ré-appropriation par
les Ivoiriens du destin de leur pays serait aujourd’hui mis en œuvre, dans un
environnement socio-politique favorable.
Par ailleurs, Monsieur le Président, vous auriez dû fédérer réellement,
c’est-à-dire sans arrières-pensées, toutes les forces politiques ainsi que
l’avait recommandé la rencontre de Yamoussoukro avant le scrutin présidentiel
d’octobre 2000.
Mais, je conviens que cela exigeait au préalable, beaucoup plus de lucidité, de
discernement et de distanciation vis à vis à la fois de l’accession du F.P.I au
pouvoir et à l’exercice, par vous-même, du pouvoir d’Etat que vous découvriez en
grandeur nature.
III- L’EVOLUTION DE LA CRISE
III-1. Les avatars du devoir d’ingérence
Face au pourrissement de la situation pour nos populations qui n’en peuvent
plus, il faut commencer par mettre un terme au tourisme diplomatique qui
accentue l’angoisse parce qu’on ne voit pas poindre concrètement la solution.
Il faut que les Ivoiriens et les Ivoiriennes comprennent et admettent qu’autant
les raisons de la crise sont internes, autant la solution sera interne ou
n’adviendra jamais durablement. Nous devons pouvoir nous asseoir pour voir
ensemble ce que nous pouvons encore consentir comme sacrifices en vue d’assurer
notre survie collective. Le problème Alassane Ouattara me paraît aujourd’hui
dépassé. Mais celui qui est loin de l’être, c’est celui de l’indépendance et de
la souveraineté de la Côte d’Ivoire eu égard à sa particularité de pays
représentant 40% du PIB de l’UEMOA, c’est-à-dire de huit pays. Il nous faut
prendre conscience de cette réalité pour comprendre que n’importe quelle
solution ne conviendra pas à la consolidation de notre indépendance et de notre
dignité. Au demeurant, certains faits devraient nous interpeller. L’exemple du
régime de la transition militaro-civile du Général Robert Guéi à qui l’Union
Européenne refusait le financement des élections générales en Côte d’Ivoire en
2000, tandis que, quelque part en Afrique Centrale, l’on déroulait le tapis
rouge à Laurent Désiré Kabila est suffisamment édifiant à cet égard. L’un et
l’autre n’étaient –ils pas des putschistes ? Il nous faut sortir des «logiques»
d’immixtion.
La pratique par trop sélective de la logique d’immixtion est inacceptable. Le
gouvernement français, par exemple, n’acceptera jamais que le Conseil de
Sécurité des Nations Unies vote des Résolutions pour régler le problème Corse.
La grande Chine, pourvoyeuse de marchés, va de son chemin tout en étant membre
permanent du Conseil de Sécurité. Le grave différend russo-tchetchène ne prive
pas la République Fédérale de Russie de jouir d’un traitement de faveur de la
part des pays riches réunis dans le G7.
Par ailleurs, comment pouvons-nous comprendre que les divers régimes qui se sont
succédé en France, depuis le retrait du général DE GAULLE du pouvoir, aient pu
faire bon ménage avec le couronnement de Jean Bedel BOKASSA en qualité
d’Empereur de la République Centrafricaine, le renversement du Président Moussa
TRAORE par une junte militaire aux ordres du Colonel Amadou TOUMANI TOURE,
l’accession de Blaise COMPAORE à la Magistrature suprême du Burkina FASO grâce à
l’assassinat odieux de Thomas SANKARA , le renvoi à ses chères études de Pascal
LISSOUBA par le Général SASSOU N’GUESSO depuis Paris et Libreville, la prise du
pouvoir d’Etat en République Centre Africaine par François BOZIZE depuis Paris,
N’Djamena et Libreville, le sacre de Joseph KABILA, fils de feu Laurent Désiré
KABILA, comme Président de la République Démocratique du Congo et sa réception,
avec tous les honneurs, à une session de l’Assemblée Générale des Nation Unies,
le renversement du régime démocratique du Président HABYARIMANA du Rwanda par le
Général Paul KAGAME puissamment armé par les Etats-Unis d’Amérique et l’Ouganda
etc.?
Pour tenter d’esquisser une réponse, je demande aux puissances industrielles,
technologiques et financières de l’Occident qui sont, en réalité, les vraies
«propriétaires» de la Banque Mondiale, du Fonds Monétaire et du Conseil de
Sécurité des Nations Unies d’arrêter de mépriser le peuple de Côte d’Ivoire car
il est, lui aussi, créature de Dieu et façonné à Son image (Ge :1. 26 à 27)
III-2. La démocratie ne saurait être à visage unique
J’admets que la mondialisation-globalisation tend à uniformiser les réflexes des
peuples. Mais je dis non à la robotisation des peuples faibles. La démocratie
française est différente de ses consœurs espagnole, suédoise, norvégienne et
anglaise qui s’accommodent de monarchies. La démocratie n’est donc pas, comme
les puissants de ce monde paraissent déterminés à nous l’imposer, un produit
exportable sous le label « mondialisation-globalisaiton ».
Je m’insurge de toutes mes forces contre ceux qui prennent prétexte de cette
nouvelle donne économico-politique pour dénier aux peuples faibles - parce que
pauvres - le droit de rechercher patiemment une adaptation de la démocratie à
leur génie propre.
Et puis, les grands pays et les bailleurs de fonds internationaux s’interdisent
d’exercer des pressions sur certains autres Etats. En effet, combien de pays
démocratiques y a-t-il dans tout le Moyen Orient ?
Je déplore la trop grande assurance affichée à l’époque par François Mitterand.
Avait-il réellement mesuré la portée sociologique de son discours qui, à mon
avis, avait mis la charrue avant les bœufs ?
Il ne peut avoir nulle part de démocratie agissante et fertilisante lorsque la
misère est le lot quotidien des peuples.
Aussi le jeu démocratique est-il très souvent faussé par le tribalisme, la
manipulation, la corruption et l’instrumentalisation des forces vives et des
velléités nationalistes et patriotiques.. L’Etat existe dans nos pays, sous
diverses formes, bien entendu, mais la nation, où est-elle ?
Il ne demeure pas moins vrai que nos pays, dans ce concert des nations où les
puissants se donnent bonne conscience en louangeant, à n’en plus finir, la
démocratie, la transparence, la bonne gouvernance et la protection des droits de
l’homme et du citoyen, ne peuvent refuser obstinément de bouger. Mais la réalité
dans nos pays n’est-elle pas aussi celle d’un agrégat de micro-nations
confrontées trop souvent à des conflits inter-communautaires ?
La misère et les antagonismes intra et extra ethniques ne favorisent-elles pas
la manipulation et la corruption qui restent des virus mortels pour la
démocratie ?
Je pense qu’il nous appartient d’adapter objectivement la démocratie à nos
valeurs culturelles spécifiques. Je me permets d’apprécier, à cet égard, le
travail colossal que réalise Monsieur Amoa Urbain avec les rois et autres
notabilités traditionnelles.
III-3. Le discours de la Baule de François Mitterrand et son impact.
Ce discours, en réalité, ne s’adressait qu’aux plus faibles que nous sommes :
sinon il aurait du sanctionner aussi le PC chinois. Pour le Président Houphouët
qui a fait tout son parcours dans le cadre de la démocratie française, le parti
unifié était une étape. C’est pour cela qu’il a laissé l’article 7 dans la
première constitution. Il ne s’était jamais proclamé président à vie, tout comme
il a favorisé, depuis 1975, le jeu du libre choix des candidats aux élections
législatives au sein du PDCI-RDA. Ce processus se poursuivit en 1980 pour les
municipales.
Bien évidemment, l’on peut reprocher au Président Houphouët-Boigny sa trop forte
présence charismatique qui n’a pas permis, selon moi, l’émergence de véritables
leaders politiques à sa mesure et à ses côtés.
Mais s’agissant de la Baule, il faut dire que la France n’a jamais eu en vue que
ses intérêts. Le Général De GAULLE ne disait-il pas que les Etats n’avaient pas
d’amis mais uniquement des intérêts à défendre ?
Et puis, la manière dont nous Ivoiriens avons accédé à l’indépendance politique
a énormément influé sur nos relations avec l’ancienne Métropole.
A y regarder de très près, la France ne respecte que les pays avec lesquels elle
a eu des confrontations, des guerres de libération. Les exemples de l’Algérie et
de Madagascar l’attestent. La France laisse ces pays aller, à leur rythme, à la
démocratie. Radio France internationale, notamment, «n’y croise très souvent
pas» pour des condamnations aux violations des droits de l’homme. Elle n’y
décèle point de germes de xénophobie, d’antifrancisme et de que sais-je encore ?
IV- LA COTE D’IVOIRE DANS LA FRANÇAFRIQUE
Notre problème, c’est que - toutes choses égales par ailleurs - nous n’avons pas
encore, depuis Houphouët-Boigny, de dirigeants politiques ayant un tant soit
peu, le profil de serviteurs du peuple. Ils sont, dans leur grande majorité à un
stade où ils défendent leurs intérêts de classe de politiciens calculateurs,
égocentriques et avides du succès pour eux-mêmes.
Il y a ici , en Côte d’Ivoire, une idéologie de classe dirigeante qui jure avec
la lutte souverainiste du peuple. La démagogie et l’égoïsme sont au cœur de la
lutte pour la conquête du pouvoir et de sa conservation.
Parfaitement. A cet égard, je voudrais illustrer mon jument en notant que les
exigences du PDCI-RDA contre la concession du Port à Conteneurs d’Abidjan au
Groupe Bolloré Technologies me paraissent incestueuses d’autant plus que c’est
sous le régime PDCI –RDA que cette multinationale a entrepris de dévorer le
moindre espace économico-industriel qu’elle pouvait rencontrer sur son chemin.
L’appétit s’affirmant davantage en mangeant , je vous laisse deviner la suite...
V- LES ACCORDS DE MARCOUSSIS ET D’ACCRA III
A mon avis, les accords de Marcoussis et d’Accra III doivent plutôt accompagner
nos initiatives propres et non vouloir orienter celles-ci, encore moins
prétendre les ignorer. Nous vivons tous les souffrances de nos populations avec
le retrait des investisseurs. Ni pour nous, ni pour les pays qui nous
environnent, ni pour nos partenaires au développement, il n’est bon que cette
situation perdure.
Il est donc temps pour nous Ivoiriens, de tirer les leçons du ballet
diplomatique improductif auquel nous nous sommes soumis depuis Linas- Marcoussis
pour nous mettre enfin à l’écoute de la Côte d’Ivoire blessée et humiliée. Il
nous faut faire confiance à la capacité des Ivoiriens à résoudre, par eux-mêmes,
cette crise. Nous avons suffisamment souffert pour nous engager dans la voie du
suicide collectif.
Aussi souhaité-je vivement que nos dirigeants politiques de tous bords sachent
que leur légitimité et leur dignité exigent qu’ils soient des gardiens
irréductibles et incorruptibles des intérêts du peuple. Ils doivent poser les
fondements de l’avènement de la nation ivoirienne au sortir de la nuit de cette
crise, en poursuivant l’œuvre de Félix Houphouët Boigny avec les arguments
d’aujourd’hui. Il nous faut, pour ce faire, revenir à la recherche permanente
des équilibres géopolitiques et géostratégiques en évitant de privilégier les
intérêts partisans et personnels.
VI- DES APPELS
Je voudrais m’adresser d’abord aux jeunes pour leur demander de ne pas
désespérer. Ils doivent croire en à la Côte d’Ivoire. Qu’ils sollicitent le
discernement et qu’ils s’humilient devant l’Eternel pour obtenir la réponse à la
question qu’ils doivent se poser sur le sens réel de leur engagement. Cet
engagement ne devra jamais être pris en otage par quelque dirigeant politique
que ce soit. Je leur demande de se préparer à favoriser leur réinsertion après
la guerre. Ils doivent consentir tous les sacrifices pour revenir à une vie
normale.
Aux Autorités traditionnelles, je rappelle ce proverbe baoulé qui dit que
«lorsque vous vous avisez de manger la tête d’un gibier c’est que vous êtes
déterminé à regarder avec courage ses yeux». Nous devons avoir le courage
politique qui sied aux vrais chefs. Le chef est un symbole vivant de dignité.
Evitons donc d’être instrumentalisables et manipulés à souhait.
Aux hommes politiques, à leurs partis respectifs, je rappelle que tout royaume
divisé contre lui-même ne peut subsister (Marc 12 : 24). Qu’ils fassent
loyalement et solidairement bloc autour des institutions républicaines et ceux
que le peuple a choisis pour les incarner afin que le pays soit sauvé. Je
souhaite qu’ils ne se lassent pas d’implorer Dieu à genoux. L’on ne saurait
diriger sans la vérité, la justice et l’amour. Il est inconcevable de se rendre
au rendez-vous du suffrage des citoyens sans se demander s’il y a, encore
quelque part, quelqu’un qui a soif de nourriture, de justice, d’amour et de
paix.
Politiciens ivoiriens, ouvrez les yeux sur ce qui se passe présentement en
France. La prise d’otages journalistes français en Irak a sonné la charge de
l’union sacrée autour de la République. Toute la classe politique fait ainsi
bloc autour du gouvernement Raffarin pour s’insurger contre le chantage des
terroristes, contre l’ingérence extérieure. Tous en chœur, ils réclament la
libération sans condition des otages. Tous en chœur, ils refusent d’abroger la
loi interdisant les signes religieux ostentatoires dans les écoles publiques. Et
pendant ce temps, les mêmes dirigeants français nous imposent de sortir de notre
crise par la révision de notre loi fondamentale, notre Constitution.
Alors, je vous demande d’avoir le courage de rompre les alliances infernales
pour vous donner de réelles chances d’œuvrer pour la survie du peuple ivoirien
dans la dignité.
C’est pourquoi je crois que la Côte d’Ivoire sortira grandie de cette épreuve
parce que l’héritage idéologique et praxiologique de Félix Houphouët Boigny qui
est immense demeure à jamais et est à notre portée. Puissions-nous y puiser des
forces morales et intellectuelles pour bâtir une Côte d’Ivoire plus unie, plus
forte et plus prospère.
Au PDCI-RDA, je dirais que, dans la perspective des échéances importantes de
2005, nous devons arrêter nos jérémiades et autres récriminations qui n’ont de
mérite que d’accentuer nos divisions et faiblesses. Si une maison est divisée
contre elle-même, cette maison ne peut subsister (Marc 12 : V25) Que chacun de
nous accepte, dans l’humilité qui sied aux Grands Hommes, de se remettre en
cause car le péril pour la survie de l’œuvre monumentale de Félix Houphouët
Boigny est grave. Ayons donc l’audace de nous renouveler afin d’être crédibles à
nouveau et à temps. Arrêtons de vouloir, coûte que coûte, conserver le vin
nouveau dans des cruches trouées. Des hommes et des femmes intelligents et
représentatifs sont légions dans nos rangs. Faisons-leur la place que commandent
les dures réalités d’aujourd’hui.
Tous ensemble, regardons les faits et les hommes en face et qualifions-les tels
qu’ils sont. Nous ne saurons ruser encore longtemps avec la logique.
La victoire aux élections générales de 2005 est possible à la condition que nous
résolvions, courageusement, nos contradictions internes. Donnons un souffle
nouveau à notre Parti et l’immense patrimoine ivoirien à travers l’œuvre de
Félix Houphouët Boigny sera restauré et sauvé.
A vous rebelles travestis en forces nouvelles, comme toute tempête, vous
soufflez terriblement certes, mais vous passerez. Ne sentez-vous pas que vous
entrez progressivement mais sûrement dans un coma irréversible ? Il est temps
que vous convainquiez vos tristes commanditaires et autres alliés des premiers
jours, dans la sous-région comme tous ceux des derniers dans notre propre pays,
qu’ils doivent accepter votre cuisante défaite. La barbarie et les tueries ne
triompheront jamais de la noble résistance et du patriotisme des Ivoiriens. Le
ciel ivoirien, comme naguère, sera à nouveau balayé par des brises d’amour
partagé, d’espoir vivifiant, car l’Eternel notre Dieu nous aime et nous protège
tous, malgré nos nombreux manquements.
Abidjan, le 31 août 2004
Nanan Michel Kangha Atchin Kwassy
Ambassadeur à la retraite
Membre du Conseil Politique du PDCI-RDA
[Le Courrier d'Abidjan - 9/4/2004 12:54:32 AM , en ligne sur Abidjan.net]
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