GABON : Les taxis : une nouvelle arme dans la lutte contre le VIH/SIDA

LIBREVILLE, le 16 décembre 2004, Nations Unies (IRIN) - Si vous prenez un taxi rouge et blanc à Libreville entre décembre etfévrier prochain, vous pourriez avoir bien plus qu’une simple course.

Quelque 300 chauffeurs de taxi de la capitale gabonaise participent à la campagne de sensibilisation pour la lutte contre le VIH/SIDA et distribuent gratuitement aux passagers des préservatifs et des dépliants sur le virus et les moyens de s’en protéger.

A la place des messages publicitaires affichés de manière ostentatoire sur les carrosseries et les toits des taxis, les taxis promènent des messages tels que "Se protéger du sida, c’est protéger ceux qu’on aime".

Libreville abrite près de la moitié des 1,2 millions d’habitants du Gabon. Mais bien que le taux de prévalence soit inférieur à la moyenne nationale, estimée à 8,1pour cent, le maire André Dieudonné Berre sait qu’aucune attitude complaisante ne peut être tolérée dans un des pays les plus affectés par la pandémie de VIH/SIDA de la région.

"Il s’agit d’une campagne de sensibilisation mobile qui s’étendra dans les grandes communes du pays," a déclaré le maire à la presse.

Les autorités de la ville estiment que près de 65 000 préservatifs ont déjà été distribués depuis le début de la campagne, il y a deux semaines.

Selon les chauffeurs de taxi, la campagne de distribution de préservatifs remporte un réel succès, surtout auprès des étudiants qui essayent d’échapper au contrôle parental dans des familles qui associent toujours l’usage de préservatifs à des comportements sexuels amoraux.

"Les passagers, surtout les jeunes, montent de préférence dans nos taxis pour se ravitailler en préservatifs," a indiqué un chauffeur de taxi. "Et un passager sur trois emportent les dépliants sur le sida."

Un jeune homme de 20 ans qui est monté dans l’un de ces taxis est tout surpris de recevoir du chauffeur une boîte de préservatifs.

"Ces préservatifs sont bien emballés. Je pense qu’ils sont meilleurs que ceux vendus au quartier chez les commerçants ouest-africains", a déclaré le jeune homme, qui a requis l’anonymat. "J’utilise systématiquement des préservatifs depuis que j’ai souffert d’une infection urinaire qui a coûté à mes parents plus de 100 000 francs CFA (200 dollars américains) d’analyses médicales et en dépenses pour les antibiotiques."

Les préservatifs se vendent 1 200 francs CFA (2,45 dollars) la boîte en pharmacie. Chez les vendeurs de rue, ils ne coûtent plus que 500 francs (un dollar).

Et les préservatifs féminins ?

Les stocks de préservatifs distribués gratuitement dans les nouveaux taxis de Libreville ont été offerts par le Programme national de lutte contre le sida (PNLS). Toutefois, certains résidents de Libreville se sont plaints que cette campagne ne concernait que les préservatifs masculins.

"Le gouvernement doit favoriser de manière égale l’usage des préservatifs masculins et féminins", a déploré l’institutrice Irène Boucah. "Il y a là une injustice qu’il faut réparer car peu de femmes utilisent le préservatif féminin ou en ont entendu parler. Il faudrait qu’on vulgarise à grande échelle son usage."

Selon le PLNS, sur les quatre millions de préservatifs vendus l’année dernière en pharmacie et dans les divers points de vente (kiosques à journaux ou kiosque de la loterie), seuls 60 000 étaient des préservatifs féminins.

Les autorités de Libreville ont dit souhaiter que les préservatifs féminins – qui protègent les femmes contre les maladies sexuellement transmissibles et les grossesses non désirées – seront bientôt disponibles dans les taxis. Mais actuellement les stocks sont épuisés.

La distribution gratuite de préservatifs n’est pas le seul avantage de l’initiative, ont indiqué deslaborantins. Les taxis offrent aussi un espace sécurisant pour parler librement de la sexualité et des maladies sexuellement transmissibles.

"Ces taxis spéciaux brisent certains tabous et favorisent le dialogue autour d’un sujet incontournable au sein de la population dont une bonne partie ignore les dangers de rapports sexuels multiples ou occasionnels", a indiqué Samuel Nang, un laborantin de l’hôpital général de Libreville.

Ces taxis collectifs deviennent ainsi des tribunes où les gens peuvent discuter de la maladie.

Le correspondant de PlusNews qui est monté dans l’un de ces taxis était coincé entre le chauffeur et deux jeunes passagers – un jeune homme et une jeune fille – en pleine conversation à propos de l’usage des préservatifs, des spermicides, des maladies sexuellement transmissibles et des difficultés à aborder les problèmes de sexualité à la maison.

Tous les chauffeurs de taxis qui participent à cette campagne sont volontaires et n’ont aucune formation particulière. Certains ont fait l’effort de mémoriser le contenu des dépliants afin de prodiguer des conseils aux passagers, tandis que d’autres ont une expérience professionnelle éprouvée.

"J’ai travaillé dans une infirmerie pendant cinq ans", a expliqué Moustapha, un chauffeur qui participe à la campagne de sensibilisation. "Et j’ai beaucoup discuté avec les jeunes comme je le fais avec mes enfants sur les questions qui touchent à la sexualité," a t-il affirmé.

Quand les deux jeunes passagers sont descendus du taxi, ils savaient tout – comment utiliser un préservatif correctement et pourquoi ils sont si importants.

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