CENTRAFRIQUE - DOSSIER SPECIAL : TEMBELEY (JOURNALISTE, PRESIDENT du Mouvement de Défense des Droits de l'Homme - MDDH) EN DETENTION
Symbole de liberté, Droit de l'Homme, droit à la vie et solidarité agissante du monde libre, sont des expressions courantes qui s'écrivent et se disent à propos du journaliste et président de la ligue centrafricaine des droits de l'homme, Aboukary Tembeley. Il gardera encore longtemps les séquelles d'une justice mêlée à des pratiques où des hommes sans scrupules bafouent impunément le droit de l'Homme. Encore des mots chargés d'idées tristes qui jaillissent des lèvres : séquestrations, bastonnades, zèle.
Le journaliste Aboukary Tembeley gracié par le président Patassé
Le journaliste centrafricain Aboukary Tembeley, condamné lundi à deux mois de prison ferme pour "incitation à la haine et à la violence", a été gracié mardi par le chef de l'Etat Ange-Félix Patassé.
M. Tembeley, directeur de publication du Journal des droits de l'Homme et président du Mouvement de défense des droits de l'Homme (MDDH), s'était vu en outre infligé une amende de 150.000 F CFA (1.500 FF) par le tribunal de grande instance de Bangui.
"Je demande au ministre de la Justice de lui accorder (à M. Tembeley, ndlr) la grâce présidentielle", a déclaré M. Patassé lors d'une cérémonie officielle au palais de la "Renaissance", siège de la présidence de la République
Il était reproché au journaliste d'avoir publié un sondage dans lequel la majorité de 200 personnes interrogées s'étaient déclarées favorables à la démission du président centrafricain.
Le procès de M. Tembeley avait été reporté à deux reprises, le 19 et 21 février, en raison de son état de santé. Emprisonné depuis le 15 février, date de son arrestation, il souffrait de traumatisme crânien, de contusion thoracique grave et de broncho-pneumopathie aiguë.
Le 26 février, le procureur du tribunal avait requis contre le directeur de publication du Journal des droits de l'Homme une peine de six mois de prison ferme assortis d'une amende de 2OO.OOO F CFA (2.000 FF).
Son avocat avait plaidé la relaxe, estimant que le journaliste n'avait fait "que poser des questions à des citoyens qui ont exprimé librement leur opinion sur le président de la République".
L'organisation de défense des journalistes Reporters sans frontières (RSF), Amnesty international, l'Observatoire centrafricain des droits de l'Homme (OCDH) et les centrales syndicales centrafricaines avaient depuis exigé sa libération immédiate.
(AFP, Bangui, 6 mars 2001 - 17h17)
DECLARATION DE LA LIGUE CENTRAFRICAINE DES DROITS DE L’HOMME AU REGARD DES RECENTES VIOLATIONS REPETEES DES DROITS DE L’HOMME EN CENTRAFRIQUE
La situation des droits de l’Homme en République Centrafricaine au cours des trois derniers mois est très préoccupante.
En effet, on enregistre une restriction sans limite et injustifiée des libertés individuelles et collectives au mépris de la Constitution, des Lois et engagements internationaux souscrits par l'Etat Centrafricain en matière des Droits de l’Homme.
1 - DE LA LIBERTE DE REUNION
Cette liberté est garantie par l’article 8 de la Constitution, l’article 11 de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples ratifiée par la République Centrafricaine.
La Charte Internationale des Droits de l’Homme consacre l’intangibilité de cette liberté (article 20 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et article 21 du pacte international relatif aux droits civils et politiques).
Le 19 décembre 2000, à la suite d’un meeting de 15 partis politiques d’opposition dispersé par les forces de l’ordre, soixante treize personnes dont un Président de parti politique, quatre députés et des mineurs âgés de 8 à 13 ans ont été arrêtés.
Alors qu’aucune décision de refus n’a été notifiée aux organisateurs, 65 personnes appréhendées sont passées en jugement le 3 janvier 2001.
Le tribunal a prononcé la relaxe d’une soixante de personnes. La condamnation des seuls responsables politiques (4 députés et 1 Président de Parti) traduit la volonté du pouvoir d’empêcher toute manifestation pacifique de l’opposition démocratique.
2 - DE LA LIBERTE D’ALLER ET VENIR
La liberté d’aller et venir est régulièrement bafouée par les pouvoirs publics.
Le 25 janvier 2001, Monsieur David DACKO Ancien Président de la République Centrafricaine, Président du Parti dénommé Mouvement pour la Démocratie et le Développement a fait l’objet d’une interdiction verbale de quitter le territoire centrafricain alors qu’il se trouvait à l’aéroport de Bangui et s’apprêtait à se rendre aux Etats – Unis d’Amérique pour assister à une conférence religieuse. Il ne peut pas quitter le pays pour aller se soigner à l’étranger alors que son état de santé est très préoccupant.
Le 8 février 2001, trois syndicalistes qui se rendaient à des réunions internationales ont été refoulés à l’aéroport de Bangui et ce, sans aucune notification en la forme administrative ; il s’agit de : Messieurs SAKANGA MOROUBA René et NDAKALAS Louis de l’Union Syndicale des Travailleurs de Centrafrique et de Monsieur KOGRENGBO Louis – Marie de la Confédération Nationale des Travailleurs de Centrafrique, les deux (2) premiers devant se rendre à Addis – Abeba, le troisième à LOME.
Il s’agit d’une atteinte grave à la Constitution et aux instruments internationaux en matière des droits de l’Homme souscrits par la République Centrafricaine.
3 - DES PERSECUTIONS ET MENACES A L’ENCONTRE DES OPPOSANTS
Les responsables des partis politiques de l’opposition sont persécutés et font l’objet de menaces d’arrestation. Les députés Jean – Paul NGOUPANDE et Charles MASSI malgré leur statut et l’immunité dont ils bénéficient sont pourchassés et inquiétés par les forces de l’ordre. Le domicile de Monsieur NGOUPANDE a été violé le 15 janvier 2001 à 21 heures par une cohorte de policiers dirigés par Monsieur YANDIA aide de camp du Premier Ministre. L’Ancien Premier Ministre a été contraint de déserter son domicile pendant plusieurs semaines pour échapper à la vindicte de ses adversaires politiques. Les personnes arrêtées à son domicile ont subi des sévices et ont été privées de leur liberté pendant plusieurs jours.
Il faut noter que ces tracasseries sont consécutives à une revendication des partis politiques réclamant la démission du Chef de l’Etat Ange Félix PATASSE.
La démission du Président de la République est prévue par l’article 32 de la Constitution. Elle constitue un mode normal, régulier et pacifique de cessation des fonctions du Président de la République au même titre que le décès, la condamnation du Président ou l’empêchement définitif d’exercer ses fonctions conformément aux devoirs de sa charge.
La formulation pacifique d’une telle revendication ne saurait s’assimiler à un crime ou à un délit pouvant donner lieu à des poursuites.
Par ailleurs, le 10 février 2001 à 5 heures du matin des policiers armés font irruption au domicile de Monsieur Guy MAMADOU, défoncent la porte de sa chambre et l’ayant manqué, emportent des documents personnels. Ce dernier vit dans la clandestinité, craignant pour sa sécurité. Il est soupçonné d’appartenir au FLAC (Flambeau Centrafricain) un mouvement clandestin hostile au régime du Président PATASSE. Monsieur Guy MAMADOU est responsable du Parti d’opposition dénommé Alliance pour la Démocratie et le Progrès (A.D.P.).
4 - DE LA LIBERTE D’OPINION
Alors que les partis politiques d’opposition n’ont pas accès aux médias de l’Etat, toute velléité d’opinion contraire à celle des pouvoirs publics est sévèrement réprimée.
Ainsi, Monsieur ABOUKARY TEMBELEY Président du Mouvement des Droits de l’Homme et d’Action Humanitaire a été arrêté, sauvagement molesté par les gendarmes et placé sous mandat de dépôt avant de passer en jugement le 29 janvier 2001 pour avoir publié dans son journal un mini – sondage défavorable au Président PATASSE et portant sur la démission de ce dernier.
Face à cette escalade de répression des syndicalistes, opposants, journalistes et militants des droits de l’Homme, la Ligue Centrafricaine des Droits de l’Homme exprime sa très vive préoccupation et interpelle les autorités afin qu’elles restaurent les libertés bafouées.
Lorsque les droits de l’Homme sont foulés aux pieds par des pseudo – démocrates qui se parent des oripeaux de la légitimité populaire, l’onction du suffrage universel et la mise en place des institutions sont insuffisantes pour garantir l’existence d’un véritable Etat de Droit.
La Ligue Centrafricaine des Droits de l’Homme constate avec amertume que la façade démocratique des institutions sert de paravent à des violations multiformes des droits de la personne humaine.
La Ligue Centrafricaine des Droits de l’Homme exige :
- L’accès équitable de tous les partis politiques aux médias de l’Etat ;
- La cessation des poursuites et autres tracasseries à l’encontre des journalistes, opposants, syndicalistes et militants des droits de l’Homme ;
- La restauration de la liberté d’opinion, de la liberté de réunion, de la liberté d’aller – venir.
Elle appelle à un dialogue constructif entre les pouvoirs publics et les autres composantes politiques et sociales de la nation pour une paix durable.
Pour le Conseil Exécutif réuni à Bangui, le 27 février 2001
Le Président
CENTRAFRIQUE_DROITS HUMAINS: UNE BATAILLE GAGNEE GRACE A VOTRE MOBILISATION...
Par la mobilisation de Centrafricains, d'organisations de défense des Droits Humains et d'institutions politiques, une bataille vient d'être gagnée en République centrafricaine, pays que nous souhaitons tous du "Zo-Kwé-Zo", [chaque (tout) être humain est un homme].
Cette victoire des Droits Humains, sur le régime dictatorial du président Patassé, est particulièrement celle de l'implication des femmes dans cette campagne de mobilisation.
Kodro remercie infiniment Reporters Sans Frontières (France), Amnesty International, le Rapporteur spécial de l’Onu pour la liberté d’expression, le Rapporteur du Comité de lutte contre la torture (Onu), le Département d'Etat américain (USA), le Mouvement de défense des Droits de l'Homme ( MDDH - Centrafrique), l'Observatoire centrafricain des Droits de l'Homme (OCDH - Centrafrique), la Ligue centrafricaine des Droits de l'Homme (LCDH - Centrafrique), les Centrales syndicales centrafricaines (Centrafrique), les journalistes de la presse privée et indépendante centrafricaine (GEPPIC - Centrafrique), ... et les nombreuses personnalités anonymes de toutes tendances politiques et de toutes confessions religieuses (tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de la République centrafricaine) qui ont pris de leur temps si précieux pour faire avancer les libertés en République centrafricaine.
© 2001, kodro
GONESSE ( FRANCE ) – 07 mars 2001 00H00
Les Dossiers spéciaux sangonet