Washington, le 26 juillet 2002

Monsieur le Directeur de Publication
du quotidien " Le Citoyen "
B.P. 974
Bangui (R.C.A.)

Objet : Droit de réponse.

 

        Monsieur le Directeur,

        Dans votre livraison datée du mercredi 17 juillet 2002, vous mentionniez à la une, "la sœur de Yabouet-Bazoly entendue par le fisc a Lyon ", pour reprendre en page 3, l’intégralité d’une dépêche parue initialement sur le site Kodro en date du 12 courant. Une semaine plus tard, dans votre numéro 1417 daté du mardi 23 juillet, vous semblez vouloir atténuer, mais sans pour autant démentir, les informations initiales.

        Depuis mon " exil " américain, je souhaiterais formuler quelques observations quant à votre manière très professionnelle de traiter l’information. Vous remarquerez en passant que je sors de ma réserve pour la première fois, après un mutisme volontaire consécutif à de nombreuses mises en cause, depuis près de trois ans. Tour à tour " prédateur " et " génocidaire ", membre d’un soit-disant " quator criminel " sévissant à la Primature, voilà que vous sautez le pas aujourd’hui, par la mise en cause de ma sœur cadette Barbara, épouse Kotéké-Yengué.

        Comme vous avez pris l’habitude de traiter le silence comme un aveu de culpabilité, je me dois aujourd’hui de vous répondre, afin de ne pas cautionner des assertions fantaisistes, profondément diffamatoires, susceptibles d’affecter l’honneur de ma sœur, de perturber la sérénité de son foyer et de nuire à sa carrière professionnelle.

        Je ne prétends pas vous faire la leçon, pour ne pas reproduire un travers qui caractérise votre démarche journalistique, même si par moments le doute me traverse quant au professionnalisme de votre publication.

        Venons-en aux faits, ou plutôt aux allégations de Kodro, que vous vous êtes senti obligé de reproduire in extenso et sans vérifications préalables. Primo, ma sœur n’a jamais été entendu par le fisc ni un autre service de police français, pour d’éventuels " versements d’importantes sommes d’argent en provenance de Bangui, en République Centrafricaine, sur ses comptes bancaires ".

        Secundo, il serait difficile au fisc français ou à un quelconque autre service d’investigation de quelque nationalité, d’établir que les comptes de ma sœur (ou les miens, hypothèse que vous avez glissé subrepticement dans votre article du 23 juillet), aient subit " depuis six mois, une inflation subite de transferts d’importantes sommes d’argent en provenance de Bangui ", dont je serais le donneur d’ordre, puisqu’il n’y a eu aucun transfert de ma part au cours de la période indiquée. Mieux, je vous informe que l’on doit remonter au début de l’année 2000, pour trouver trace d’un transfert dont le montant est loin d’approcher le RMI (Revenu minimum d’insertion, soit moins de 260.000 FCFA), afin d’aider votre source française à rester près de la réalité.

        Tertio, je découvre sous votre plume que je serais " sous surveillance depuis un certain temps, dans le cadre de la lutte contre la corruption engagée par les autorités centrafricaines ". Soit ! Mais je continue à m’interroger sur l’autorisation qui m’a été donnée de partir en mission au Fonds Monétaire International pour cinq semaines, au moment même où Kodro et Sangonet rendaient publique cette information. Avouez que c’est une aubaine pour un futur prévenu, qui a là l’opportunité de filer à l’anglaise ! mais rassurez-vous, je serai de retour à Bangui à la mi-août, afin de ne pas illustrer par un éventuel exil, le crétinisme stupéfiant de ces autorités centrafricaines qui laissent ainsi filer un grand délinquant.

        Voilà pour les faits. Permettez que je vous livre maintenant mon sentiment quant au procédé de traitement de l’information que vos deux articles illustrent à merveille. Vous vivez avec moi à Bangui, et à plusieurs reprises, nous avons eu l’occasion de confronter nos opinions.

        Au-delà des règles déontologiques propres au métier de journaliste, j’avais espéré qu’un minimum de civilité vous aurait conduit à solliciter une réaction de ma part aux allégations de Monsieur Henri Grothe, animateur du site Kodro, avant une éventuelle exploitation de sa dépêche. Cela vous aurait évité d’avoir à atténuer maladroitement, des allégations dénuées de toute réalité. Vous auriez gagné en bonne foi, en proposant un véritable démenti, plutôt que de laisser entendre insidieusement que lesdits transferts auraient pu intervenir sur mes propres comptes, puisque j’ai été enseignant à Lyon.

        Comment mentionner des transferts d’importantes sommes d’argent depuis plus de six mois (sic), sans jamais éclairer l’opinion sur l’origine nécessairement douteuse de ses transferts. Comment ai-je fait pour mobiliser ces " importantes sommes d’argent " : détournements de deniers publics, corruption, blanchiement d’argent sale, etc… ?

        En tentant de me joindre, vous auriez pu constater que j’étais déjà parti de Bangui depuis le 14 juillet, pour une personne en principe sous surveillance ! J’attends patiemment et sereinement que des investigations approfondies établissent mes malversations, tout comme j’attends de la même façon, que la lumière soit faite un jour sur mes actes de " prédateur ", " criminel ", " génocidaire ", et j’en passe ;

        S’il fut un temps où cela m’amusait que vous utilisiez l’image du " gamin " (n’avez-vous pas évoquer le jardin d’enfant pour stigmatiser mon intrusion fortuite au cabinet de la Primature), je ne puis tolérer aujourd’hui que vous donniez complaisamment de la résonance aux fantasmes d’individus perdus à des milliers de kilomètres du pays, pour s’en prendre lamentablement à ma famille. En l’occurrence, ma sœur mène une paisible carrière d’administrateur au ministère français de l’Education nationale et de l’Enseignement supérieur, avec la responsabilité d’une agence comptable d’un établissement public supérieur, qui ne saurait tolérer une intégrité douteuse.

        Va pour les attaques contre le personnage public (ou l’ex, c’est selon l’opinion de tout un chacun, et je n’en serais pas frustré), mais attention aux atteintes gratuites à l’honneur et à la dignité. Nous vivons dans le même pays, et l’argent mal acquis, même dissimulé à l’étranger, finit toujours par sortir de sa cachette pour satisfaire des besoins ou assouvir des désirs que l’on ne peut réprimer indéfiniment.

        Je suis convaincu que l’on n’est pas obligé de vivre en exil pour rester honnête, et que tous ceux qui exercent des responsabilités publiques ne sont pas malhonnêtes par définition. Du moins, faut-il l’espérer.

        Avec l’expression de mes sentiments patriotiques.

        Bons baisers de Washington.

 

Serge-Alain YABOUET-BAZOLY
Chargé de mission coordonnateur au Ministère des
Finances et du Budget,
Ancien ministre, directeur de cabinet à la Primature


Actualité Centrafrique - Dossier 10