Incursions tchado-centrafricaines et recherche d'Abdoulaye Miskine : bilan, 22 hommes tués
L'armée tchadienne voulait capturer Miskine (selon le ministre des Affaires Etrangères centrafricain)
BANGUI, 9 août (AFP) - 0h13 - Le ministre centrafricain des affaires étrangères, Agba Otikpo Mézodè, a déclaré vendredi soir que l'objectif pour l'armée tchadienne de l'accrochage, mardi dernier, à la frontière tchado-centrafricaine, était de capturer l'ex-rebelle tchadien Abdoulaye Miskine, a annoncé la radio nationale.
"L'attaque" mardi dernier "par l'armée tchadienne, visait à le (NDLR: Miskine) capturer pour permettre à" des "réseaux occultes" de "continuer à opérer impunément", a affirmé le ministre à la radio nationale.
"On prend et prendra facilement prétexte aujourd'hui de la présence de M. Miskine pour attaquer le territoire centrafricain. a expliqué le chef de la diplomatie centrafricaine. Mais jamais, les hommes sous les ordres d'Abdoulaye Miskine n'ont posé, à ce que nous sachions, un quelconque acte sur le territoire tchadien".
"En réalité, a poursuivi le ministre, les actions menées contre les contrebandiers du bétail ainsi que les coupeurs de route (...) gênent énormément certains intérêts". Or, M. Miskine, a-t-il dit, "doit absolument connaître les filières de ces trafics. L'attaque du 6 août 2OO2 par l'armée tchadienne visait à le capturer pour que ces réseaux occultes puissent continuer à opérer impunément".
Au cours de cette déclaration, le ministre des affaires étrangères a réaffirmé la version centrafricaine, à savoir que les hommes sous les ordres de Miskine ne sont pas entrés en territoire tchadien mais qu'ils ont été attaqués en territoire centrafricain par l'armée tchadienne.
Pour N'Djamena, des "mercenaires" ont attaqué une position militaire à Sido (Tchad) et l'armée tchadienne a ensuite exercé son "droit de poursuite" en RCA. Au total, 22 hommes ont été tués, dont deux militaires tchadiens.
M. Miskine dépend directement de la présidence centrafricaine qui l'a chargé de "sécuriser" la région nord du pays, frontalière du Tchad. Enfin, le ministre centrafricain a indiqué qu'une mission d'experts de la CEMAC (Communauté Economique et Monétaire d'Afrique centrale) se rendrait "sur les lieux afin de déterminer les responsabilités". "Ainsi, a t-il ajouté, la communauté internationale en jugera". M. Agba Otikpo Mézodè a précisé que le sommet tripartite de Khartoum sur les questions de sécurité entre la RCA, le Tchad et le Soudan, initialement prévu en juin, pourrait se tenir à la fin du mois d'août pour des raisons de calendrier.Importante déclaration à la
presse du Ministre des Affaires Etrangères Agba Otikpo Mézôdé
Source: Centrafrique-Presse (dépêche du 10/08/2002)
Voici l'intégralité de la déclaration faite à la presse le 9 août 2002 par le Ministre des Affaires Etrangères Agba Otikpo Mézôdé au sujet de l'agression et de l'incursion dans le territoire centrafricain des troupes tchadiennes du 6 août 2002...
DECLARATION DE SON EXCELLENCE MONSIEUR LE
MINISTRE DES AFFAIRES ETRANGERES RELATIVE AUX EVENEMENTS DU 6 AOUT 2002 - Mes
biens chers compatriotes, Le 6 Août, aux premières heures de la matinée, les éléments
des Forces Armées Tchadiennes ont fait une incursion en territoire Centrafricain, en
envahissant notamment la Moyenne Sido où ils se sont violemment attaqués aux intérêts
centrafricains, avec mort dhommes. Interrogé à ce sujet, le porte parole du
Gouvernement Tchadien a laissé entendre sur les médias internationaux que les Autorités
Tchadiennes ont plutôt exercé leur droit de légitime défense puisque ; selon ce porte
parole, ce sont les Forces Armées Centrafricaines qui ont franchi le pont de Sido pour
aller attaquer la population tchadienne, et ce au moyen darmements lourds. Le
meilleur moyen de se défendre est dattaquer comme on le dit couramment. Depuis
cette date, des déclarations contradictoires se succèdent les unes aux autres à
NDJAMENA.
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2. Jusquà ce jour, nous nous sommes gardés en Centrafrique de succomber à la
frénésie des déclarations car convaincus que la marche de la vérité est certes lente
mais toujours triomphante. Mais au delà, cet épisode que déplore le Gouvernement
Centrafricain en raison des pertes quil a entraîné tant au plan humain que
matériel, appelle les observations suivantes : Depuis ce quil est convenu
dappeler laffaire BOZIZE qui est désormais sans objet du point de vue du
Gouvernement Centrafricain du fait dune décision judiciaire suspendant toute
poursuite contre lex-Général, le Gouvernement Centrafricain na cessé de
multiplier les actes de conciliation et de bonne volonté en direction du Gouvernement de
la République Soeur du TCHAD. Cette volonté de paix sest traduite par la
participation personnelle de Son Excellence Monsieur le Président de la République, Chef
de lEtat, aux réunions : - De Khartoum du 3 Décembre 2001 ; - De Libreville du 4
et 5 Décembre 2001 ; - La visite du Ministre des Affaires Etrangères auprès du
Président DEBY le 10 Janvier 2002 ; - La participation personnelle du Président de la
République, Chef de lEtat, Monsieur Ange Félix PATASSE aux travaux du Sommet
Extraordinaire des Chefs dEtat de la CEMAC, le 16 Janvier 2002,
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3. Sommet au cours duquel, il avait été décidé du principe denvoi sur la
frontière entre les deux Pays une mission dExperts placée sous lAutorité du
Président du Comité ad hoc sur la situation en République Centrafricaine. Il convient
de préciser que cette mission devait comprendre outre les Représentants des Etats
membres de la CEMAC, le Représentant du Secrétaire Général des Nations Unies en
République Centrafricaine, un Représentant du Secrétaire Général de lOUA ainsi
quun Représentant de la CEN-SAD. Cette volonté de paix du Gouvernement de la
République Centrafricaine sest encore manifestée de manière solennelle par la
visite que le Président de la République, Chef de lEtat a effectuée auprès de
son frère le Président DEBY le 10 Avril 2002 à NDJAMENA. Cétait, disaient les
observateurs, la rencontre de la Grande réconciliation puisque les deux Chefs dEtat
avaient impressionné par lintimité qui avait entouré cette rencontre. Plus tard,
du 13 au 15 Mai 2002, une importante délégation ministérielle (5 Ministres) que
conduisait le Ministre des Affaires Etrangères devait se rendre à NDJAMENA dans le cadre
du suivi de la rencontre du 10 Avril entre les deux Chefs dEtat. Au terme de cette
réunion de suivi de Mai 2002, la délégation devait en faire un compte rendu au
Président de la République, Chef de lEtat.
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4. Entre autres, jai confié au Chef de lEtat que Son Frère le Président
DEBY ma chargé de Lui dire quil allait très prochainement venir à BANGUI
dans le cadre dune fraternelle visite. En même temps, aussi je Lui indiquais la
disponibilité de la Partie Tchadienne à venir également à BANGUI aux travaux de la
13ème Session de la Grande Commission Mixte Centrafricano-Tchadienne prévue à BANGUI
pour le mois de Juin 2002. Depuis, le Gouvernement Tchadien na fait que demander le
report jusquà ce que nous acceptions de participer aux travaux de la TRIPARTITE
décidée en marge du Sommet de DURBAN et qui devait se tenir le 4 Août 2002 à KHARTOUM,
date proposée par le Gouvernement Soudanais et acceptée par les trois Parties. Cependant
pour des raisons de calendrier du pays hôte, cette rencontre na pu avoir lieu.
Celui-ci a encore proposé la date du 12 au 13 Août 2002 mais nous avons fait observer
que certains impératifs dordre intérieur ne nous permettraient pas momentanément
dhonorer cette fraternelle rencontre, mais par contre, à partir de la dernière
semaine du mois Août, celle-ci pourrait se tenir. Et cest sur cette attente, très
patiente du Gouvernement de la République Centrafricaine que les Autorités Tchadiennes
ont décidé de lattaque contre les intérêts Centrafricains ce 6 Août 2002.
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5. Mes chers compatriotes, Vous comprendrez que nous ne pouvions un seul instant nous
attendre en République Centrafricaine à cette attaque surprise tellement nous sommes
assurés de lattachement commun de nos deux Pays aux valeurs de paix, de
solidarité, de relations de bon voisinage malgré les agressions caractérisées et
répétées dont sont victimes les populations centrafricaines des frontières par les
Forces Armées Tchadiennes comme en témoigne lattaque perpétrée dans la VAKAGA le
8 Mai dernier et qui a fait lobjet dun rapport au Représentant Spécial du
Secrétaire Général de lONU à BANGUI après une Note adressée dans le même
temps à lAmbassade du TCHAD à BANGUI et qui est demeurée sans suite jusquà
ce jour. Nous nallons pas pour autant nous remettre en cause puisque dans Sa
profession de foi, son Excellence le Président de la République, Chef de lEtat,
Monsieur Ange Félix PATASSE a marqué Son engagement pour « une Diplomatie dynamique et
préventive ainsi quune politique de coopération agissante et mutuellement
avantageuse ». Cest pourquoi nous allons demander, au titre de la Présidence de la
CEMAC quexerce la République Centrafricaine, que la mission dExperts commise
par le Sommet des Chefs dEtat de la CEMAC le 16 Janvier 2002 à BRAZZAVILLE puisse
rapidement se mettre à luvre en se rendant sur les lieux afin de déterminer
les responsabilités. Ainsi, la Communauté Internationale en jugera.
6. On prend et prendra facilement prétexte aujourdhui de la présence de Monsieur
ABDOULAYE MISKINE pour attaquer le territoire centrafricain. Mais jamais les hommes sous
ordre de Monsieur ABDOULAYE MISKINE nont posé à ce que nous sachions un quelconque
acte sur le territoire tchadien. En réalité, les actions menées contre les
contrebandiers du bétail ainsi que les coupeurs de route gênent énormément certains
intérêts. Monsieur ABDOULAYE MISKINE doit assurément connaître les filières de ce
trafic. Lattaque du 6 Août 2002 par lArmée Tchadienne visait justement à le
capturer pour que ces réseaux occultes puissent continuer à opérer impunément. Oui,
sil y a un point sur lequel nous sommes daccord, le Gouvernement Tchadien et
le Gouvernement Centrafricain, cest la sécurité des paisibles populations de part
et dautre de la frontière. Le Gouvernement centrafricain sen est expliqué
par la voix du Ministre de lIntérieur ainsi que du Chef du Gouvernement. Il
lont fait sur instructions de Son Excellence le Président de la République, Chef
de lEtat, Monsieur Ange Félix PATASSE Nous sommes pour la paix et la sécurité
dans la sous-région et plus particulièrement avec le TCHAD, car depuis toujours et pour
toujours nous partageons et partagerons une Communauté de destin.. Je vous remercie.
Après sa visite à Bangui, l'émissaire libyen, secrétaire général de la Communauté des Etats sahélo-sahariens (COMESSA) dont le président en exercice est le chef d'Etat libyen, est ensuite immédiatement parti pour N'Djamena afin de rencontrer le président tchadien Idriss Deby.
"Le président Patassé m'a assuré que, du côté centrafricain, il n'y a que la modération, il n'y a que la paix. Et il espère que son frère Idriss Déby sera du même coté", a déclaré le secrétaire général de la COMESSA à l'issue de son entretien avec le chef de l'Etat centrafricain.
"Je vais tout de suite aller de mon côté rencontrer le président Déby, pour voir avec lui quelles sont les possibilités, tout d'abord, pour rétablir la confiance, et ensuite envisager des solutions radicales et définitives à ces genres de situation, car nous nous inquiètons effectivement", a t-il précisé.
Selon le secrétaire général de la COMESSA, "Nous ne pouvons pas accepter que des incidents de ce genre conduisent à un affrontement militaire. Nous regrettons qu'il y ait des morts mais nous devons exprimer haut et fort notre refus du langage des armes". L'accrochage de mardi dernier à la frontière tchado-centrafricaine a fait 22 morts, selon N'Djamena.
"Les textes de la communauté sont très clairs", a indiqué M. Madani Al Azhari. "Chaque Etat doit s'abstenir d'apporter un quelconque soutien à un opposant d'un autre pays membre de la Sin-Sad (autre nom de la COMESSA). Et, s'il y a des problèmes de frontière, il faudra que les pays trouvent des solutions à travers le dialogue, l'arbitrage, et le règlement pacifique", a-t-il ajouté.
"Le message du président en exercice (de la COMESSA) est un message de paix et de dialogue", a-t-il poursuivi.
"Nous allons contacter également le Président (gabonais Omar) Bongo", a-t-il dit (...) "La Sin-Sad et la CEMAC (Communauté Economique et Monétaire d'Afrique Centrale) doivent amener le Tchad et la RCA à accepter qu'il y ait des missions techniques pour surveiller, pour contrôler les frontières jusqu'au rétablissement de la confiance", a ajouté l'émissaire libyen..
Une centaine de militaires libyens assure la sécurité du président Patassé. La Libye a également entrepris une médiation entre le gouvernement de N'Djamena et les rebelles du Mouvement Pour la Démocratie et la Justice au Tchad (MDJT), implantés à la frontière tchado-libyenne.
Le président Bongo s'était déclaré jeudi "préoccupé" par les tensions entre le Tchad et la Centrafrique et avait appelé ses homologues "à la sagesse pour que cesse le bruit des armes".