NationsUnies S/2002/671

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Conseil de sécurité

Distr. Générale 14 juin 2002
Original: français
2-42804 (F) 180602 200602

Rapport du Secrétaire général sur la situation en République centrafricaine

I. Introduction

1. Le présent rapport est soumis conformément à la demande du Conseil de sécurité contenue dans la déclaration faite par son président le 26 septembre 2001 (S/PRST/2001/25) dans laquelle le Conseil m'a prié de continuer à le tenir régulièrement informé des activités du Bureau des Nations Unies pour la consolidation de la paix en République centrafricaine (BONUCA) et de la situation dans ce pays. Le présent rapport rend compte des activités du BONUCA et des faits nouveaux qui sont intervenus en République centrafricaine sur les plans politique, sécuritaire, militaire, social et économique depuis mon dernier rapport en date du 2 janvier 2002 (S/2002/12). Le rapport relate également les développements dans le domaine des droits de l'homme et l'évolution des relations entre la République centrafricaine et certains pays voisins.

II. Situation politique

2. La décrispation du climat politique amorcée vers la fin de l'année 2001 s'est nettement renforcée. La tendance progressive à la restauration de la confiance et de la sérénité a permis une évolution positive dans les rapports entre le pouvoir et l'opposition ainsi que le retour d'un nombre important de réfugiés civils et militaires. Ainsi, suite à l'appel au retour lancé par le Président Patassé le 31 décembre 2001, et avec le concours du BONUCA, trois parlementaires du Rassemblement démocratique centrafricain, parti de l'ancien Président Kolingba, antérieurement réfugiés en République démocratique du Congo au lendemain du putsch manqué du 28 mai 2001, sont rentrés à Bangui et ont repris leurs sièges à l'Assemblée nationale. De même, 307 réfugiés militaires centrafricains sont rentrés dans leur pays et se sont présentés au Bureau. De nombreux autres réfugiés civils centrafricains ont fait de même.

3. L'aboutissement du procès relatif à la tentative de coup d'État du 28 mai 2001 aurait sans doute contribué à un apaisement de la tension politique engendrée par les troubles politico-militaires de l'année 2001. Ce procès avait commencé le 15 février 2002 et était public, mais a été interrompu le 12 mars 2002 en raison du retrait des avocats de la défense qui entendaient ainsi protester contre l'interdiction faite à un de leurs confrères de plaider. Renvoyé à la prochaine session de la Cour criminelle, il pourrait reprendre au mois de juin 2002.

4. Le dialogue politique amorcé grâce aux efforts du BONUCA se poursuit. La première rencontre des partis politiques et des parlementaires, organisée par le Bureau les 18 et 19 février 2002, a favorisé un rapprochement entre la majorité et l'opposition. Une deuxième rencontre est prévue les 14 et 15 juin 2002 pour consolider ce processus. Le Président Patassé n'a pas encore reçu en audience les dirigeants de l'opposition. Toutefois, la plupart d'entre eux ont accepté de l'accompagner, au courant du mois d'avril, dans ses déplacements dans la région nord du pays (pour rassurer les populations suite à l'insécurité persistante), à Ndjaména (pour sa rencontre avec le Président Déby) et à Malabo (pour la pose de la première pierre du Parlement de la Communauté économique et monétaire d'Afrique centrale (CEMAC), dont il est le Président en exercice).

5. Des points de divergence subsistent cependant entre le pouvoir et l'opposition, qui du reste demeure divisée sur l'idée d'un rapprochement avec le Président Patassé. Au premier rang de ces divergences figure l'organisation, vers la fin de l'année 2002, des élections municipales et régionales. L'opposition estime que les conditions ne sont pas réunies pour la tenue du scrutin et reproche au Gouvernement de ne pas les associer à la préparation de ces échéances. Pour leur part, les autorités centrafricaines sont déterminées à respecter l'engagement pris par le chef de l'État dans son message de voeux de Nouvel An concernant la tenue des élections. Aussi procèdent-elles actuellement au recensement électoral et, dans le même temps, multiplient-elles les contacts avec les bailleurs de fonds, pour une éventuelle assistance financière à l'organisation du scrutin, dont le coût est évalué à 4,5 milliards de francs CFA. Entre-temps, des divisions internes affectent les partis politiques d'opposition ainsi que ceux de la majorité présidentielle.

6. Le Gouvernement est préoccupé par la situation des réfugiés militaires rentrés au pays. Ceux-ci, au nombre de plusieurs centaines, sont considérés comme déserteurs et ne seront certainement pas réintégrés dans l'armée. S'il devait en être ainsi, leur cas pourrait constituer un danger pour la quiétude et la stabilité du pays. C'est la raison pour laquelle le BONUCA, en relation avec le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et les autorités centrafricaines, réfléchit sur les possibilités de réinsertion socioéconomique des intéressés, de façon à éviter que leur position actuelle d'inactivité ne les conduise à une autre tentative de déstabilisation des institutions.

III. Situation sécuritaire et militaire

7. La situation sécuritaire, tant à Bangui que dans les provinces, a connu une relative amélioration. Ainsi, le couvre-feu, en vigueur depuis la tentative de coup d'État du 28 mai 2002, a été définitivement levé le 9 mai 2002. Cependant, une certaine insécurité (actes de braquage et tirs sporadiques nocturnes à Bangui, activités des coupeurs de route à l'intérieur) règne toujours dans le pays, du fait principalement de la prolifération des armes légères. C'est la raison pour laquelle une opération de désarmement a été lancée le 23 janvier 2002, sous l'impulsion du BONUCA, avec l'appui du PNUD et en rapport avec le Gouvernement. À ce jour, 9 armes lourdes, 681 armes légères, 1 167 grenades, 94 263 munitions, 8 obus, 37 roquettes, 890 chargeurs et 5 appareils de transmission, ont été récupérés. Une cérémonie solennelle de destruction aura lieu le 13 juin 2002.

8. L'amélioration progressive de la situation sécuritaire a favorisé le retour de la plupart des réfugiés. Ainsi, au site de Bokilio (République démocratique du Congo), il resterait environ 600 militaires sur les 1 250 enregistrés au départ. En ce qui concerne les réfugiés civils, la majorité d'entre eux ont été transférés au site de Molé (République démocratique du Congo, à 44 kilomètres de Bangui). Les autres ont préféré se rendre à Bétou en République du Congo. Au total, il resterait 7 000 réfugiés centrafricains en République démocratique du Congo sur approximativement les 23 000 qui s'y trouvaient.

9. S'agissant du déploiement en République centrafricaine de la force de la Communauté des États sahélo-sahariens (CEN-SAD), il convient de noter qu'en plus des troupes libyennes, généralement évaluées à une centaine d'hommes, et qui ont été déployés dans un cadre bilatéral, un contingent soudanais d'une cinquantaine d'éléments se trouve à Bangui depuis le mois de janvier 2002. Un contingent djiboutien, d'une cinquantaine d'hommes également, est arrivé en République centrafricaine en février 2002. Un contingent du Burkina Faso, de 165 éléments, est annoncé pour le mois d'octobre 2002.

10. L'étude sur l'harmonisation des diverses initiatives régionales pour le retour de la paix et de la stabilité en République centrafricaine (initiative CEN-SAD de Khartoum et Syrte, initiative CEMAC de Libreville et Brazzaville, initiative de Tripoli de l'Organisation de l'unité africaine), demandée par le Conseil de sécurité dans la déclaration faite à la presse par son Président, le 10 janvier 2002 (SC/7262), est en cours. À cet égard, je ferai parvenir mes recommandations au Conseil le moment venu.

11. En matière de restructuration des forces armées, l'Équipe militaire du BONUCA continue d'apporter ses conseils techniques aux autorités militaires centrafricaines. En janvier et février 2002, avec le PNUD et le Ministère en charge de la restructuration, cette équipe a contribué à l'élaboration d'un plan d'action portant sur les volets formation et réhabilitation des infrastructures du programme de restructuration. La mise en oeuvre de ce programme reste toujours entravée par l'absence de financement.

C'est la raison pour laquelle je demande, encore une fois, aux partenaires ayant pris des engagements à cet égard, de bien vouloir les honorer.

12. En ce qui concerne les activités au profit des forces armées centrafricaines, le Bureau a organisé, du 12 au 15 mars 2002, avec la collaboration active de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture et en partenariat avec le Ministère centrafricain de la défense, un séminaire de formation sur la culture de la paix, à l'intention des personnels militaires. Ce séminaire a regroupé 250 militaires de tous grades. Cette formation se situait dans le cadre d'une vaste campagne de sensibilisation à la culture de la paix initiée par le BONUCA en mars, avril et mai 2002 et qui a touché Bangui et les régions de Sibut, Bambari, situées au centre du pays, respectivement à 180 kilomètres et 380 kilomètres de Bangui, et Bouar, à 450 kilomètres à l'ouest de la capitale centrafricaine.

13. L'Équipe de police civile du BONUCA continue de suivre la situation sécuritaire des réfugiés de retour à Bangui, pour lesquels elle assure des missions ponctuelles d'accueil. En matière de formation, cette équipe a organisé, au profit de la police centrafricaine, un stage sur les techniques d'enquête en février et mars 2002 et un autre stage sur la police économique et financière en mai 2002. Un stage sur le maintien de l'ordre a également été organisé en juin 2002 au profit de la gendarmerie centrafricaine.

IV. Situation sociale

14. La République centrafricaine continue de faire face au problème des arriérés de salaires, pensions et bourses. Au 30 avril 2002, sans tenir compte des 12 mois d'arriérés de salaires hérités du régime Kolingba, la situation était la suivante : 14 mois d'arriérés pour les agents de la police, 16 mois pour les militaires des forces armées, 18 mois pour les fonctionnaires civils de l'État. Cependant, depuis janvier 2002, le Gouvernement a versé trois à quatre mois de salaire sur ses propres ressources.

15. La paix sociale prévalant actuellement dans le pays reste fragile en raison de la persistance de la crise salariale. Les travailleurs continuent d'observer la trêve convenue avec les autorités depuis l'année dernière. Celle-ci a été reconduite le 22 mars 2002, avec la signature, en présence du BONUCA, d'un avenant au communiqué conjoint Gouvernement/Syndicats du 6 mars 2001.

16. Le Comité de suivi et d'arbitrage, mis en place aux termes de ce communiqué, a repris ses activités et devrait prochainement procéder à une évaluation du respect des engagements pris par les deux parties. Il importe de noter que les dirigeants syndicaux, qui avaient fui le pays, suite au putsch manqué du 28 mai 2001, sont tous rentrés à Bangui.

V. Situation économique

17. La situation économique continue d'être très préoccupante. La République centrafricaine n'a toujours pas de programme formel de coopération avec les institutions de Bretton Woods. Jusqu'au 31 mars 2002, elle n'avait qu'un cadre de référence de six mois. Suite à la dernière mission gouvernementale conduite à Washington du 8 au 19 avril 2002 par le Premier Ministre centrafricain, la réunion de revue a eu lieu à Paris le 29 mai 2002. Le Gouvernement est optimiste quant à la prochaine conclusion d'un accord. Le dossier de la République centrafricaine devrait passer au Conseil d'administration du Fonds monétaire international (FMI) au début du mois de juillet 2002. Dans la meilleure des hypothèses, les premiers décaissements ne pourraient intervenir qu'au troisième trimestre 2002.

18. La République centrafricaine n'a bénéficié d'aucune assistance budgétaire depuis janvier 2001. Les graves difficultés financières du pays engendrées par cette situation pourraient compromettre la trêve sociale. Je suis resté en contact avec les autorités du FMI et de la Banque mondiale, afin qu'elles s'efforcent de tenir compte de la situation spécifique de la République centrafricaine et lui apportent l'assistance nécessaire.

VI. Situation des droits de l'homme

19. La situation générale des droits de l'homme a été principalement marquée par le début du procès des auteurs présumés du putsch avorté du 28 mai 2001. Environ 700 personnes devaient comparaître devant la Cour criminelle, dont 628 par contumace. La session avait été exceptionnellement prorogée jusqu'au 30 mars 2002 pour permettre l'aboutissement du procès. Le 8 mars 2002, la Cour criminelle a prononcé le dessaisissement de Me Zarambaud (avocat de 59 personnes poursuivies dans cette affaire), en raison de son implication probable dans la tentative de coup d'État. Ce dessaisissement, jugé arbitraire par le barreau centrafricain, a entraîné le départ collectif des avocats du procès. Cette situation inédite a conduit à l'interruption du procès, qui a ainsi été renvoyé à la prochaine session de la Cour.

20. La Cour criminelle a cependant jugé l'affaire du colonel Georges Touaguendet, ancien sous-chef d'État-major de l'armée de terre, coupable d'assassinat sur la personne de deux adolescents qu'il avait abattus en juillet 2001. L'accusé a été condamné à 20 ans de travaux forcés et au versement de dommages-intérêts d'un montant de 40 milliards de francs CFA aux parties civiles. Cette sentence a été critiquée par l'opinion qui l'a considérée comme étant un verdict de complaisance.

21. La période sous examen a vu la libération, le 2 mai 2002, par la cour d'appel de Bangui, du député indépendant Hilaire Sébalet, incarcéré pour complicité de crime depuis 1998. L'intéressé, qui n'avait pu siéger au Parlement depuis son élection, vient de retrouver son siège à l'Assemblée nationale.

22. Si les exécutions extrajudiciaires ont nettement diminué, elles n'ont pas pour autant disparu. Ainsi, le 19 janvier 2002 à Bossangoa (nord du pays), deux personnes ont été abattues par des militaires. Cet acte faisait suite à un soulèvement des habitants qui protestaient contre l'exécution d'un citoyen par un militaire quelques jours auparavant. Par ailleurs, le phénomène de la justice populaire continue de régner en milieu rural.

23. Des entraves à la liberté de réunion et/ou à la liberté d'association, ont été signalées au cours de la période sous examen. Le Rassemblement démocratique centrafricain, principal parti de l'opposition parlementaire, suspendu en juin 2001, n'a toujours pas repris ses activités, alors que la période de suspension légale de trois mois est largement dépassée. De même, la réunion de rentrée politique du parti d'opposition, Mouvement démocratique pour la renaissance et l'évolution de la Centrafrique, prévue le 9 février 2002, a été interdite, ainsi que celle d'un parti de l'opposition modérée, le Parti social démocrate, prévue le 2 mars 2002, le Ministre de l'intérieur ayant estimé que le moment n'était pas " propice pour organiser des meetings et autres réunions politiques ".

24. En raison de l'absence de prisons à Bangui, les locaux de la brigade de gendarmerie, des commissariats de police et/ou de la Section d'enquêtes, de recherches et de la documentation, rattaché à l'Unité de sécurité présidentielle, continuent d'être des centres de détention ad hoc. L'équipe de la composante des droits de l'homme du BONUCA a visité, en avril et mai 2002, des centres de détention à Bangui et en province où elle s'est entretenue avec plus de 350 détenus. D'une manière générale, les conditions de détention demeurent extrêmement préoccupantes en raison de la surpopulation, de l'insuffisance ou de l'absence chronique de nourriture, d'équipements sanitaires ou de soins médicaux. Néanmoins, en vue de la réhabilitation et de l'humanisation des prisons, une assistance matérielle et financière a été apportée par l'Église catholique, notamment à Bouar et à Bangassou, situés respectivement à l'ouest et à l'est du pays.

25. Le système judiciaire est toujours en proie à de sérieuses difficultés. Cette situation est beaucoup plus perceptible en province où, en l'absence de magistrats, certaines autorités administratives se substituent au juge et rendent des décisions de justice. Plus fréquemment encore, dans les régions éloignées, le système de juge unique conduit à une concentration des pouvoirs. En effet, dans certaines sous-préfectures, un seul magistrat est à la fois juge d'instruction, procureur et président du tribunal, ce qui est préjudiciable au respect des droits de l'homme.

26. Dans le cadre de sa mission de renforcement des capacités des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l'homme, le BONUCA a organisé à Bangui, du 26 au 28 février 2002, en partenariat avec le Ministère de l'intérieur, la municipalité de Bangui et l'Association des maires de Centrafrique, un séminaire national de formation en droits de l'homme au profit notamment des maires et des chefs de quartiers. En province, le Bureau a poursuivi ses activités de formation destinées aux agents d'application des lois, y compris les policiers et les gendarmes. En mai 2002, cette formation s'est déroulée à Bangassou et a concerné les agents d'application des lois de la préfecture du Mbomou (est du pays).

27. En outre, une formation en droits de l'homme et en droit international humanitaire a été dispensée aux 19 militaires centrafricains, éléments du Groupe d'intervention rapide chargé de la sécurité du personnel des Nations Unies en République centrafricaine. L'objectif était de leur transmettre des connaissances relatives aux instruments juridiques nationaux et internationaux afin qu'ils respectent mieux les droits de l'homme dans l'accomplissement de leurs missions sur le terrain.

28. Le BONUCA poursuit ses activités de sensibilisation en matière de droits de l'homme par la diffusion de programmes radiophoniques par la radio nationale et les radios privées. En outre, l'unité Information du Bureau s'emploie à rendre plus visibles le rôle et les interventions du BONUCA et maintient également son appui aux médias centrafricains. À ce titre, elle a notamment organisé, en juin 2002, une formation sur la conduite d'un débat audiovisuel et une autre en faveur des attachés de presse.

29. Dans le cadre du renforcement des activités du Bureau, que j'avais recommandé dans mon rapport du 21 septembre 2001 (S/2001/886) et que le Conseil de

sécurité a accepté le 26 septembre 2001 (S/PRST/2001/25), une antenne régionale de la Section des droits de l'homme ouvrira le 15 juin 2002 à Bouar (450 kilomètres à l'ouest de Bangui). Cette

décentralisation des activités en matière des droits de

l'homme permettra de vulgariser et de diffuser les principes fondamentaux des droits de l'homme à l'intérieur du pays et d'y assurer une assistance judiciaire aux victimes des violations des droits humains.

VII. Relations entre la République

centrafricaine et le Tchad

30. En vue de favoriser la normalisation des rapports entre le Tchad et la République centrafricaine, dont la détérioration avait contribué à de vives tensions à la frontière entre les deux pays depuis novembre 2001, le Président Patassé s'est rendu à Ndjaména le 10 avril dernier.

31. Le chef d'État centrafricain avait auparavant effectué une visite dans la région nord de son pays, en particulier dans les villes de Batangafo et Kabo, pour rassurer les villageois victimes d'exactions, d'incendies et de pillages. Il était accompagné, à cette occasion, par des leaders de l'opposition, par mon Représentant à Bangui, le Délégué du Haut Commissariat aux réfugiés et le représentant du Programme alimentaire mondial.

32. La rencontre entre le Président Patassé et le Président Déby a contribué à réduire la tension entre leurs deux pays, les deux chefs d'État ayant décidé de l'ouverture immédiate des frontières et de la rencontre des autorités administratives frontalières. Ils ont également décidé de créer une commission ministérielle conjointe chargée d'examiner la question de la tension à la frontière. Cette commission ministérielle s'est réunie à Ndjaména du 13 au 17 mai 2002.

33. À l'issue de leur rencontre, le Président Patassé a réaffirmé que l'affaire Bozizé n'est pas un problème politique et que l'ancien chef d'État-major centrafricain peut rentrer en toute sécurité à Bangui s'il le souhaite. Quant au Président Déby, il a déclaré que MM. Bozizé, Miskine (un Centrafricano-tchadien au service du Président Patassé) et Djembété (opposant tchadien réfugié à Bangui) doivent regagner leurs pays respectifs.

34. Il est très peu probable que M. Bozizé accepte de revenir à Bangui dans le contexte actuel. Il maintient ses exigences, y compris le rétablissement de son grade, la réfection de ses résidences et des garanties de sécurité. Le problème Bozizé demeure donc entier et, tant qu'une solution appropriée ne sera pas trouvée, la normalisation durable des rapports entre la République centrafricaine et le Tchad pourrait prendre plus de temps que prévu. Les efforts de conciliation se poursuivent cependant, notamment dans le cadre de la CEMAC, au niveau de la Commission ad hoc des chefs d'État pour la relance du dialogue politique en République centrafricaine dont la présidence est assurée par le Président Bongo.

VIII. Relations entre la République

centrafricaine et le Cameroun

35. Le Conseil de sécurité se souvient qu'en février et mars 2001, une vive tension avait surgi entre la République centrafricaine et le Cameroun au sujet de la frontière entre ces deux pays. Suite à une mission d'établissement des faits, initiée par le BONUCA, la tension avait été apaisée et les deux parties avaient convenu de réunir leur Commission mixte de coopération, pour envisager notamment la démarcation de la frontière. Mais, la tentative de coup d'État du 28 mai 2001 et les troubles qui ont suivi n'avaient pas pu permettre la tenue de la réunion.

36. La Commission mixte de coopération entre la République centrafricaine et le Cameroun a tenu sa dixième session à Bangui, du 2 au 4 mai 2002. Elle a décidé de redynamiser et de renforcer la coopération bilatérale entre les deux pays et a convenu de la démarcation, puis du bornage de la frontière commune.

IX. Observations

37. J'aimerais souligner que, depuis mon dernier rapport en date du 2 janvier 2002 (S/2002/12), la situation générale en République centrafricaine a connu une évolution positive à bien des égards. La levée définitive du couvre-feu, le retour d'un grand nombre de réfugiés, la poursuite du dialogue social entre le Gouvernement et les syndicats, l'amorce du dialogue politique entre pouvoir et opposition en sont les signes tangibles. Il convient d'accompagner ces efforts qui pourraient être compromis s'ils ne sont pas soutenus.

38. En effet, la situation économique et financière difficile dans laquelle se trouve la République centrafricaine risque de sonner le glas de la trêve sociale en cours. À l'expiration de celle-ci, le 22 juillet 2002, les travailleurs n'excluent pas la reprise des mouvements sociaux, qui risquent de menacer la paix et la stabilité du pays. Il importe donc que le Gouvernement soit en mesure de faire face au paiement régulier des salaires, comme convenu aux termes du communiqué conjoint signé avec les syndicats. À cette fin, l'État centrafricain devrait pouvoir disposer de l'assistance financière extérieure qui lui a manqué depuis janvier 2001. C'est la raison pour laquelle j'invite à nouveau les autorités du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale à tenir compte de la spécificité de la situation dans ce pays pour la conclusion rapide d'un programme de coopération. J'encourage également les autorités centrafricaines à poursuivre les réformes recommandées par les institutions de Bretton Woods et les actions visant à assainir les finances publiques.

39. Il convient, en effet, de ne pas perdre de vue le caractère extrêmement volatile de la situation en République centrafricaine. L'accumulation des arriérés de salaires, pensions et bourses, la tension sociale latente, l'antagonisme dans les rapports entre la majorité et l'opposition y créent, en effet, les conditions propices à tout dérapage.

40. Au-delà des difficultés financières récurrentes que connaît la République centrafricaine, la situation des réfugiés militaires récemment rentrés constitue aussi une cause sérieuse de préoccupation, comme je l'ai souligné plus haut. Le maintien de la paix et de la stabilité dans le pays commande qu'une solution appropriée soit trouvée au sort des militaires qui ne seront pas réintégrés dans l'armée. C'est la raison pour laquelle j'invite à l'avance les donateurs et partenaires de la République centrafricaine à apporter leur concours financier aux programmes de réinsertion socioéconomique qui seront élaborés en faveur des anciens militaires.

41. Je félicite le Président Patassé pour les initiatives de facilitation du dialogue politique et social qu'il a déjà prises et l'encourage à rencontrer les leaders de l'opposition et les dirigeants syndicaux, conformément à ses promesses. Mon Représentant, le général Lamine Cissé, et le BONUCA continueront leurs efforts dans ce sens.

42. Comme il a été indiqué plus haut, la République centrafricaine s'est efforcée d'améliorer ses relations avec ses voisins durant ces derniers mois. Cette normalisation est de nature à créer dans le pays un climat d'apaisement susceptible de permettre aux autorités de poursuivre les efforts de réconciliation nationale et de restauration d'une paix durable. Il est également évident que, compte tenu de la complexité des réalités géopolitiques de la République centrafricaine, une paix durable et des progrès tangibles ne pourront y être réalisés qu'au moyen d'une coopération et de relations mutuellement bénéfiques entretenues au niveau de la sous-région. Par conséquent, je continue à encourager les leaders de la sous-région à poursuivre leurs efforts visant à renforcer la confiance et à promouvoir des liens constructifs entre eux.

43. En conclusion, je souhaiterais rendre hommage à mon Représentant, le général Lamine Cissé, et à tout le personnel du BONUCA, qui, de concert avec le personnel du système des Nations Unies sur le terrain, continuent, avec courage et dévouement, à contribuer de façon louable aux efforts de consolidation de la paix du Gouvernement et du peuple de la République centrafricaine.

Spécial Sangonet - Dossier du Conseil de Sécurité (Nations Unies) sur la République Centrafricaine

Dossier Kodro à lire : http://membres.lycos.fr/kodro/bonuca_062002.htm