BANGUI, 12 sept 2003 (AFP) - 9h37 - "Ils m'ont jetée à terre et violée, l'un après l'autre", témoigne d'une voix douce une jeune femme de 23 ans sur Radio Centrafrique, lors de l'émission hebdomadaire "Violences faites aux femmes".
Chaque mercredi, des Centrafricaines anonymes y témoignent des violences sexuelles infligées par les rebelles du Mouvement de libération du Congopendant leur présence, entre octobre 2002 et mars 2003.
Elles expliquent le soutien qu'elles ont reçu du Projet d'assistance aux femmes victimes des viols, mis en place par le ministère centrafricain des Affaires sociales et appuyé par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD).
"J'étais humiliée. Je vivais cachée. Le projet m'a aidée à faire des examens, à me soigner. Actuellement, je me porte bien", poursuit la jeune femme.
Les combattants du MLC, de l'actuel vice-président congolais Jean-Pierre Bemba, se sont signalés par de nombreux viols, exactions et pillages pendant leur présence en Centrafrique, où ils étaient venus soutenir, à sa demande, la régime vacillant du président Ange-Félix Patassé.
Le président Patassé a finalement été renversé le 15 mars dernier par la rébellion de son ancien chef d'état-major, le général François Bozizé.
"Plusieurs centaines de victimes de viols ont déjà été recensés à Bangui, Bégoua, dans les villages de la sortie nord-ouest de Bangui, à Bossémbélé, Yaloké, Bossangoa, Paoua, Bozoum, Bossemptélé", a expliqué à l'AFP le chargé de mission aux affaires sociales, Emmanuel Djada.
Souvent honteuses du drame qu'elles ont vécu, les victimes de ces viols ont été incitées à se rapprocher du programme d'assistance mis en place par les nouvelles autorités.
"Quand elles arrivent, elle sont enregistrées sous un numéro codé. Un psychologue les accueille, les écoute, cerne leurs problèmes et les envoie vers un médecin en cas de problèmes de santé", explique M. Djada.
Toutes ces victimes exigent réparation. Elle veulent porter plainte contre l'ex-président Patassé, qu'elles accusent d'avoir été à l'origine des crimes causés par ces rebelles congolais honnis des Centrafricains, qu'on appelle ici "les Banyamuléngués".
"J'ai été violée par trois Banyamuléngués alors que j'étais enceinte de deux mois. Avec mes problèmes de santé, j'ai fais des examens médicaux grâce au projet et ça va maintenant", raconte à la radio une femme de 4O ans.
Des hommes aussi témoignent à Violences faites au femmes, une émission très suivie dans le pays et animée par deux journalistes.
Junior, du haut de ses 12 ans, se souvient parfaitement des violences des hommes de Bemba: "Ils sont entrés dans notre maison au PK 22. Ma mère était malade depuis trois semaines. Ils voulaient la violer. Papa s'est interposé. Ils l'ont abattu devant moi et sont sortis".
"J'étais troublé, Maman aussi. Mes nuits étaient agitées, je pleurais, sans cesse, poursuit le jeune garçon. Grâce au projet, j'explique ce qui est arrivé à mon père. Je parviens à dormir, à m'amuser avec les autres".
Pour ce jeune homme de 24 ans, c'est une femme qui l'a violé: "ils ont vidé ma boutique et m'ont chassé. Mais une femme-soldat m'a saisi le poignet en disant: +J'ai trouvé ce qu'il me faut+".
"Elle m'a conduit à l'écart, m'a ordonné de me coucher sur le dos sous la menace de son arme. Elle m'a déshabillé, s'est assise sur moi et m'a obligé à coucher avec elle", raconte-t-il d'une voix tremblante.