Le général Bozizé limoge Abel Goumba
RFI actualité Centrafrique (11/12/2003)
Le gouvernement dAbel Goumba devait présenter le 12 décembre un programme de politique générale au Conseil national de transition (CNT) qui a rejeté une précédente mouture le 5 novembre dernier. Le Premier ministre ne pourra plus défendre de nouvelle copie devant lorgane législatif du général Bozizé. Ce dernier la démis de ses fonctions, par décret présidentiel, le 11 décembre. Opposant à tous les régimes successifs depuis quarante ans, Abel Goumba avait salué le putsch du 15 mars 2003 comme une «véritable révolution du peuple en quête de changement». Candidat malheureux à la présidentielle de 1999, le militant socialiste avait accepté avec empressement le fauteuil de Premier ministre dune transition chargée de conduire à des élections dont le président Bozizé attend légitimation.
Abel Goumba, le Premier ministre limogé ce jeudi 11 décembre. - © AFP |
Abel Goumba ne portera sans doute plus létendard du général victorieux François Bozizé comme en ce 28 mars 2003 où il sétait joint aux milliers de Banguissois rassemblés autour de la statue du défunt père de la Nation, Barthélémy Boganda, pour saluer, comme une délivrance, le coup dEtat du 15 mars. La «révolution populaire» pourrait bien lavoir dévoré et rien ne garantit quelle améliorera le cours rocailleux de lhistoire centrafricaine. Entre-temps, ses alliés politiques dhier ont commencé à accuser le Premier ministre Goumba de favoriser ses proches. La grogne a repris dans la fonction publique, suivant la courbe des arriérés de salaires. Les rares opérateurs économiques ruent dans les brancards fiscaux que le gouvernement a tenté dimposer. Le commerce du diamant séchappe par des portes dérobées. A la chute de dAnge-Félix Patassé, Abel Goumba avait publiquement soutenu le général Bozizé, assurant quil navait rien de commun avec le genre de putschiste qui «accapare le pouvoir au nom de quelque intérêt personnel». Visiblement, le Premier ministre nest guère payé en retour. En tout cas, son gouvernement na pas même obtenu de circonstances atténuantes. Le 5 novembre dernier, la messe était dite par lorgane législatif du général Bozizé, le CNT.
Fusible ou concurrent |
Après le rejet de son programme
politique, par 37 voix contre 17, le gouvernement dAbel Goumba devait présenter ce
12 décembre au CNT «un programme durgence, clair et précis, indiquant les
objectifs à atteindre dici la fin de la transition, les différentes étapes et les
moyens à mettre en uvre avec un chronogramme permettant den suivre
lexécution». Le président Bozizé vient de bousculer ce calendrier, prenant
peut-être les devants face aux critiques assurant que le vote négatif du CNT
navait aucune valeur juridique, faute de texte ou de procédure ad hoc. Pour
leur part, en réponse à ce premier camouflet, les ministres de la transition avaient
invoqué labsence de recettes, pour expliquer leur impotence budgétaire, et
lampleur de la tâche à accomplir, pour justifier leurs retards de calendrier
au-delà du terme de la transition fixée à janvier 2005 (investiture dun
président de la République élu) par François Bozizé.
Créé par décret (le troisième signé par le général Bozizé en qualité de
président), le 3 avril 2003, au lendemain du coup dEtat et de la dissolution de
lAssemblée nationale, le Conseil national de transition (CNT) a pour mission
première d «assister le président de la République dans sa fonction
législative». Le gouvernement est tenu de lui faire chaque mois le point sur
lexécution de ses programmes. Le cabinet dAbel Goumba naurait pas été
en mesure de respecter cet engagement depuis sa formation en avril dernier. Mais
cest aussi le CNT qui est chargé dassister le gouvernement dans la rédaction
du projet de constitution et qui devra préparer les scrutins à venir, fin 2004. En la
matière, François Bozizé vient de siffler la fin de la partie pour un Abel Goumba,
certes fusible de choix, mais aussi concurrent possible, surtout sil était parvenu
à sériger en «Monsieur mains propres» et en trésorier payeur général
régulier.
Abel Goumba était censé mettre en uvre la politique décidée par le chef de
lEtat, le général de division François Bozizé, unique signataire des deux actes
constitutionnels qui remplacent depuis le 15 mars dernier la loi fondamentale
centrafricaine de janvier 1995. Après son renvoi en forme de camouflet, le président
Bozizé devrait lui nommer un successeur et continuer de présider lui-même le conseil
des ministres. Formé en avril 2003, le gouvernement issu du 15 mars était élargi à
lensemble des partis politiques. La personnalité de Goumba faisait alors figure de
cerise sur le gâteau de la démocratisation promise. Aujourdhui, Bozizé décide de
sen passer.
MONIQUE MAS
11/12/2003