LES PARTIS POLITIQUES D'OPPOSITION EN CENTRAFRIQUE

DECLARATION DES PARTIS POLITIQUES D'OPPOSITION RELATIVE AUX CONCLUSIONS DES SOMMETS DE KHARTOUM ET DE LIBREVILLE SUR LA SITUATION EN REPUBLIQUE CENTRAFRICAINE

Au lendemain du coup d'Etat manqué du 28 mai 2001, les Partis Politiques d'Opposition, tout en condamnant sans ambiguïté cette grave atteinte aux principes démocratiques inscrits dans la Constitution Centrafricaine, avaient invité le Président de la République à prendre toutes dispositions pour mettre fin aux exactions, ainsi que toutes les mesures de décrispation susceptibles de préserver les chances d'une réconciliation nationale et de sauvegarder ce qui pouvait rester de l'unité nationale. Au lieu d'un retour à l'apaisement tant souhaité par la population, la gestion chaotique de l'après coup d'Etat manqué du 28 mai 2001 par le Président Patassé ne fera qu'aggraver les tensions et multiplier les crises. La dernière en date, celle du 2 novembre 2001, liée à la tentative d'arrestation du Général Bozizé qui a dégénéré en un nouveau conflit armé, va obliger certains chefs d'Etats africains à accourir encore une fois de plus au chevet de la République Centrafricaine, à travers deux sommets : celui de la COMESSA tenu à Khartoum au Soudan le 3 décembre 2001, et celui de la CEMAC tenu à Libreville au Gabon les 4 et 5 décembre 2001.

Si en leur temps, les Partis Politiques d'Opposition ont réagi à chaud en rendant public deux communiqués de presse sur ces sommets, ils tiennent, maintenant qu'ils disposent des documents officiels de ces réunions et après analyse, à faire connaître leurs positions sur les principales décisions et recommandations adoptées par ces sommets et qui ont trait à la relance du dialogue national, aux mesures d'apaisement dont l'amnistie générale en vue de faciliter le retour des centrafricains réfugiés à l'étranger, à l'envoi d'une force de maintien de la paix, de la sécurité et de stabilité en Centrafrique.

I - De la relance du dialogue national

Les Partis Politiques de l'Opposition n'ont eu de cesse de réclamer la négociation et le dialogue sincère entre les centrafricains comme les meilleurs moyens de résoudre les différends et les crises récurrentes qui ont émaillé la vie nationale depuis l'arrivée au pouvoir du Président Patassé. Ils se félicitent de ce que cette préoccupation ait été prise en compte par le sommet de la CEMAC qui a privilégié cette approche de la recherche plutôt de solutions politiques au problème centrafricain. Cependant, ils considèrent que ce dialogue doit concerner tous les centrafricains sans exclusive c'est-à-dire les acteurs politiques, la société civile, les civils et les militaires. Il doit être, pour eux, l'occasion de mettre à plat tous leurs problèmes et de rechercher en commun les solutions appropriées à l'instar :

En tout état de cause, toute solution concoctée de l'extérieur et qui ne tiendrait pas compte des aspirations réelles des Centrafricains sera vouée à l'échec.

II - Des mesures d'apaisement dont l'amnistie générale

Comme déjà mentionné, les Partis Politiques d'Opposition n'ont pas cessé de réclamer le coup d'Etat manqué du 28 mai 2001 des mesures d'apaisement, particulièrement la manifestation d'une volonté politique claire et l'offre de garanties sérieuses en faveur du retour de nos compatriotes réfugiés à l'étranger. Dès le lendemain des affrontements dans ce qu'il convient d'appeler l'affaire Bozizé, l'opposition a rendu officiel des propositions de sortie de crise comprenant entre autre une amnistie générale en faveur de Bozizé et de ses hommes, comme une mesure susceptible de ramener des militaires révoltés à la table de négociation en vue d'un compromis pour la paix. L'on se souviendra alors du courroux que ces propositions ont déclenché à la Présidence de la République, dont le porte parole est allé jusqu'à traiter les leaders de ces Partis Politiques, de ''complices des terroristes'' après de graves menaces et une sévère mise en garde. Les Partis Politiques d'Opposition, tout en exprimant leur satisfaction que le principe de cette amnistie générale ait été adopté aussi bien à Khartoum qu'à Libreville, restent convaincus que compte tenu du sentiment de haine tribale et de division qui règne désormais dans le pays, seul un signal fort comme une amnistie générale étendue même à la tentative du coup d'Etat manqué du 28 mai 2001 peut créer les conditions favorables à la reprise d'un dialogue sincère, ce qui, par la suite, pourra permettre à la République Centrafricaine de repartir sur une nouvelle base.

III - De l'envoi d'une force de maintien de la paix, de sécurité et de stabilité en Centrafrique

Pour les Partis Politiques de l'Opposition, la décision prise par une minorité de trois Etats sur les seize qui composent la COMESSA, de déployer une force multinationale dite de maintien de la paix, de sécurité et de stabilité en Centrafrique n'est qu'une manœuvre qui vise à légitimer puis à renforcer la présence des troupes libyennes d'occupation qui stationnent déjà à Bangui depuis la tentative avortée de coup d'Etat du 28 mai 2001. Ils sont convaincus que cette prétendue force multinationale ne sera composée essentiellement que des troupes libyennes du fait du rôle assigné au dirigeant libyen au sein de la COMESSA comme le responsable mandaté pour les questions de sécurité dans tous les Etats membres de la Communauté et aussi en raisons des velléités hégémoniques qu'a toujours nourries le Président Kadhafi sur la République Centrafricaine comme tremplin de son expansionnisme en Afrique.

Les Partis Politiques d'Opposition qui ont eu à dénoncer la présence des troupes libyennes et à exiger leur retrait immédiat, continuent de penser que la solution de la crise centrafricaine ne saurait être militaire, puisque celle-ci ne résoud en rien le problème de fond du peuple Centrafricain. Bien au contraire elle ne fera que renforcer l'intransigeance du Président Patassé qui se sentant sécurisé persistera dans sa fuite en avant.

Il y a lieu de rappeler que malgré la présence de la MISAB en 1997 puis celle de la MINURCA en 1998, toutes deux des forces de maintien de la paix, cette crise n'a jamais pu être jugulée et elle perdure. Elle ne fera que s'accentuer surtout à un moment où l'armée nationale a volé en éclat au profit des milices armées du pouvoir et des forces étrangères d'occupation.

Dans tous les cas le peuple centrafricain s'oppose fermement au déploiement de cette force.

Les Partis Politiques d'Opposition tiennent à renouveler leur gratitude et leur reconnaissance aux chef d'Etat et de délégation, aux représentants des organisations internationales et sous-régionale pour l'intérêt qu'ils manifestent chaque fois à l'endroit de notre pays la République Centrafricaine, en dépit de la lassitude que peut créer la fréquence de ces crises à répétition. Ils expriment toute leur disponibilité à œuvrer avec la commission ad hoc des chefs d'Etat mise en place à Libreville et avec le concours des organisations internationales que sont l'ONU et l'OUA pour la recherche de solutions durables pour peu que les autorités du pays aient fait ce choix.

Malheureusement, plus de dix jours après la tenue de ces sommets, alors que le peuple centrafricain n'est toujours pas informé de la position de ses dirigeants par rapport à ces deux sommets en raison du flou entretenu sur leur choix, tout porte à croire que c'est toujours l'épreuve de force qui est privilégiée au détriment de l'apaisement. En témoignent les dernières déclarations de la Présidence de la République relatives au refus de tout dialogue avec des militaires comme Bozizé ou encore, le prétexte de la visite de ce Général Français au Cameroun et au Tchad que l'on saisit pour justifier et précipiter la solution militaire de ces conflits.

Pour les Partis Politiques d'Opposition, c'est cette éternelle fuite en avant du Président Patassé à laquelle vient s'ajouter le manque de fiabilité de ses engagements, qui sont à la base de cette crise de confiance entre les centrafricains, ce qui fait accréditer de plus en plus l'idée que le Président Patassé est bel et bien la cause et la solution du problème centrafricain.

Fait à Bangui, le 15 décembre 2001

Ont signé :

Alliance pour la Démocratie et le Progrès (ADP)

Honoré DOUBA

Mouvement de l'Evolution Sociale de l'Afrique l'Indépendance et le Progrès Social (MDI/PS)
Daniel NDITIFEI BOYSEMBE

Alliance pour la Solidarité et le Développement (ASD)
Honoré DOUBA

Mouvement de l'Evolution Sociale de l'Afrique Noire - BOGANDA (MESAN-BOG)
Dieudonné Stanislas MBANGOT

Forum Démocratique pour la Modernité (FODEM)
Jean DOZIMOGNAN

Mouvement National pour le Renouveau (MNR)

Paul BELLET

Forum Civique (FC)
Timothée MALENDOMA

Parti de l'Unité Nationale (PUN)
Léa KOYASSOUM-DOUMTA

Front National pour la Démocratie (FND)
André DENAMSEKETTE

Union Nationale pour la Défense de la Démocratie (UNDD)
Djibrine SHOW

Front Patriotique pour le Progrès (FPP)
Jean-Claude GOUANDJIA

 

Actualité Centrafrique - Dossier 8