Mise au point des partis politiques d'opposition en Centrafrique sur les relations entre le peuple centrafricain et la Libye.


MISE AU POINT RELATIVE AU COMMUNIQUE DE PRESSE DE L’AMBASSADE DE LIBYE DU 13 DECEMBRE 2001 DES PARTIS POLITIQUES D’OPPOSITION EN CENTRAFRIQUE

Suite au communique de presse des partis politiques d’opposition du 14 décembre 2001 relatif à la décision prise à Khartoum, à l’initiative du dirigeant libyen Mouammar Al Kadhafi, par trois (3) pays africains sur les seize (16) Etats qui composent la COMESSA, d’envoyer en République Centrafricaine une force militaire dite force de maintien de paix, de sécurité et de stabilité, l’Ambassade de Libye à Bangui a cru devoir justifier ladite décision, à l’égard, en particulier, des Missions diplomatiques et consulaires et des Organisations Internationales.

Les Partis Politiques d’Opposition saisissent cette occasion pour faire la mise au point suivante sur les relations entre le peuple centrafricain et la Libye.

Au début du mois de juin 2001, sans que le Président Patassé se conforme au conditions que lui impose l’article 28 de la constitution, il a décidé de faire appel aux troupes libyennes, alors que cela n’est pas de sa seule compétence. D’ailleurs, l’auteur déclaré du coup d’Etat avait déjà trouvé refuge hors de notre pays et c’est sur des populations innocentes que ces troupes libyennes, lourdement équipées, ont procédé à des pilonnages massifs, faisant de nombreuses victimes ainsi que d’importantes destructions de bien dans les 2ème, 3ème, 5ème, 6ème, 7ème Arrondissements de Bangui et les quartiers de Bimbo et jetant sur les routes de M’baïki, Boali, Damara, dans les forêts environnantes et la ville congolaise frontalière de Zongo, plus de cent mille (100.000) réfugiés.

A cause de la présence illégale de ces forces militaires et des brutalités exercées sur les populations, les partis politiques d’opposition ont exigé leur retrait immédiat, tandis que les principaux pays démocratiques et les Organisations de défense des Droits de l’Homme condamnaient cette ingérence de la Libye.

Cinq (5) mois plus tard, à la suite de la tentative d’arrestation, par la Garde Présidentielle, de l’ancien Chef d’Etat Major Général des FACA, l’ex-Général François Bozizé, ce sont les mêmes troupes libyennes qui vont pilonner à l’arme lourde et aussi bombarder, à l’aide de l’aviation, les quartiers Nord de Bangui tels que Boy-Rabbé, Fouh, Gobongo, Boeing. On aura encore à déplorer de nouvelles victimes, d’autres destructions de biens dans ces zones considérées jusqu’ici comme le bastion du président Patassé. Pour échapper à la mort, de nombreux habitants de ces zones chercheront refuge soit dans les quartiers sud de Bangui, soit dans les localités situées sur les routes menant vers le Nord de la RCA. N’est-il pas paradoxal, voire incongru, au moment où les populations centrafricaines exigent expressément le retrait inconditionnel des troupes libyennes présentes illégalement sur notre sol depuis les événements du 28 mai 2001, que ce pays récidive en faisant venir de nouvelles troupes d’occupations sous le couvert de la COMESSA ?

Si c’est de cette manière que la Libye entend " chercher à établir d’excellentes relations avec toutes les forces vives de la nation, reconnaître en plus du pouvoir, l’opposition, les députés, les syndicats … et apprécier les activités politiques et démocratiques " dans notre pays, elle se trompe lourdement.

Les partis politiques d’opposition estiment, à juste titre, que cette nouvelle opération militaire n’est qu’une manœuvre montée de toute pièce, dans la précipitation, par la Libye, pour couper court à toute réaction de la communauté internationale. Elle vise à légitimer et à renforcer la mainmise du régime libyen sur le territoire de la RCA, et à imposer au peuple centrafricain, par la force des armes, le régime à bout de souffle du président Patassé.

En fait de précision, le communiqué de l’Ambassade de la Libye est accablant dans la mesure où il confirme officiellement que l’ingérence de ce pays dans les affaires intérieures de la RCA est bien une réalité. C’est l’aveu, si besoin était, que la velléité hégémonique nourrie par le dirigeant libyen à l’égard de la RCA n’est pas une vue de l’esprit ou une invention. Car, en raison de sa position stratégique privilégiée, la RCA offre, pour le leader libyen, les meilleurs atouts pour son rêve d’étendre sa domination sur tout le continent africain.

Ce communiqué de l’ambassade de Libye éclaire, sous un jour nouveau, le rôle négatif joué par la Libye dans le processus qui a conduit à l’aggravation de la crise dans notre pays.

En effet, tout tend à accréditer la thèse selon laquelle c’est la Libye qui est la cause principale des obstacles au dialogue et à la réconciliation entre centrafricains et qui encourage le président Patassé à recourir systématiquement à la force brutale pour réprimer toutes les manifestations pacifiques et empêcher ainsi que le peuple exprime son opinion par rapport à la gestion de la chose publique et aux différentes crises qui secouent notre pays, qu’elles soient politiques, sociales, militaires, etc.

A ce sujet, on est en droit de demander si sur le plan politique, le modèle libyen est à copier, de même, sur le plan social et économique la question suivante s’impose : " qu’a fait concrètement, jusqu’ici la Libye, pour aider le peuple centrafricain à résoudre durablement les multiples problèmes sociaux à l’origine des crises récurrentes ? "

Sur le plan politique, la Libye ne traîne t-elle pas, dans son sillage, l’image d’un pays intégriste qui rêve d’exporter sa révolution islamique partout en Afrique et surtout, dont le nom restera pour longtemps encore associé à plusieurs actes terroristes parmi lesquels l’explosion du DC10 d’UTA en plein désert du Sahara dans le Ténéré, et la destruction en vol du DC8 de la PANAM au-dessus de l’Ecosse dans la ville de Lockerby ? Plus récemment, on se souviendra des agressions et des assassinats à caractère raciste commis en septembre 2000 par les populations libyennes sur des milliers de travailleurs africains noirs immigrés en Libye, d’autant plus que dans le même temps Mouammar Al Kadhafi entreprenait sa croisade pour l’Union Africaine.

Par ailleurs, notre pays a-t-il vraiment la même conception, la même philosophie du pouvoir que la Libye ? Labàs, tous les pouvoirs sont concentrés entre les mains d’un guide suprême, un véritable autocrate, qui décide de tout, en lieu et place de tout le monde. L’accès au pouvoir y tient moins des élections pluralistes, de l’alternance démocratique que de la succession à l’instar des monarchies arabes où le pouvoir politique et la religion ne font qu’un.

On sait que la RCA s’est, quant à elle, engagée de manière irréversible dans la voie d’une démocratie pluraliste et moderne dans laquelle le vote de chaque citoyen au suffrage universel direct peut s’exercer effectivement et favoriser l’alternance au pouvoir, le contrôle du pouvoir par le peuple, la liberté d’opinion et d’expression, le respect des droits, des libertés individuelles et de l’intérêt général. L’Etat dans notre pays est laïc.

S’il y a un domaine où la Libye, pays producteur de pétrole et qui dispose d’importantes réserves financières pouvait être utile à la RCA, pays enclavé, sans ressource, c’est celui de la coopération financière et économique. Mais les diplomates ont beau vanter la grande amitié entre le guide de la Révolution libyenne et le président Patassé démocratiquement élu, qu’a fait concrètement la Libye, depuis 1993, pour aider la RCA à résoudre les problèmes qui sont à l’origine des tensions sociales et des crises récurrentes que sont :

Pour les partis politiques d’opposition, les nombreuses livraisons d’armes de guerre que ne cesse de faire la Libye au président Patassé, l’envoi dans notre pays des troupes libyennes d’occupation et leur usage pour réprimer les populations alors qu’elles souffrent déjà des conséquences de la mauvaise gouvernance, sont une véritable déclaration de guerre et un défi au peuple centrafricain.

L’envoi de quelques dattes et friperies par la Libye ne constitue-t-il pas une atteinte à la dignité de l’homme centrafricain et une moquerie à la mémoire de nos compatriotes, victimes innocentes des troupes libyennes ?

La Libye aura beau chercher à établir de bonnes relations avec les forces vives de la nation, elle n’y parviendra que si elle commence d’abord par retirer immédiatement ses troupes d’occupation et à prendre en considération le rejet, par la population, de sa force dite de maintien de paix, de sécurité et de stabilité.

Les partis politiques d’opposition sont pour l’amitié entre les peuples centrafricain et libyen. C’est pourquoi ils souhaitent entre les deux pays des relations empreintes de paix, de respect réciproque, de confiance. Ils souscrivent résolument pour l’amitié entre les peuples, plutôt que celle des dirigeants, surtout si celle-ci se fait au détriment des peuples.

Fait à Bangui, le 19 décembre 2001

Ont signé :

ADP : Nonoré DOUBA MESAN-Boganda : Dieudonné-Stanislas MBANGOT FC : Thimothée MALENDOMA UNDD : Djibrine SHOW
MDI/PS : Daniel NDITIFEI-BOYSEMBE FODEM : Jean DOZIMOGNAN PUN : Léa KOYASSOUM-DOUMTA FPP : Jean-Claude GOUANDJIA
ASD : Christophe BREMAIDOU MNR : Paul BELLET FND : André DENAMSEKETTE  

Actualité Centrafrique - Dossier 8