Les dernières heures du sergent Konguende, yakoma loyaliste, exécuté


Une foule compacte de femmes et de vieillards en pleurs se lamentait jeudi autour du cercueil du sergent Emery Konguende, un yakoma loyaliste exécuté par des éléments de la garde présidentielle au lendemain du putsch avorté du 28 mai à Bangui, selon ses proches.

Le corps est exposé devant la maison familiale du quartier populaire de Lakouanga, près du centre de la capitale centrafricaine, surplombé de sa photo en tenue civile.

Il a été récupéré jeudi matin à la morgue, portant des traces de brûlures à la poitrine et une large entaille de couteau au flanc et a été enterré dans la journée.

Membre de l'ethnie minoritaire yakoma, comme l'auteur de la tentative de coup d'Etat, l'ex-président André Kolingba, le jeune sergent avait pourtant tout tenté pour rejoindre son unité dès les premiers coups de feu afin de défendre le régime.

"On avait passé la journée en famille pour la fête des Mères. Emery avait la fièvre. Il voulait rentrer dormir chez sa femme. Quand les coups de feu ont éclaté, il a dit à maman qu'il allait partir au régiment de soutien", se souvient un proche parent sous couvert d'anonymat.

Le jeune sergent prend alors sa voiture, et embarque un gendarme du voisinage. Arrivé à la gendarmerie, on l'arrête une première fois, lui confisque son arme et les clefs du véhicule.

Selon des témoignages recueillis plus tard par la famille, il insiste pour rejoindre son régiment. Mais la situation est critique et la circulation bloquée au niveau de la résidence du chef de l'Etat, lui explique-t-on.

Pour passer, il lui faudra attendre le passage d'un cortège militaire, lui dit encore un officier de gendarmerie. Ce qu'il fait le mardi 29 mai au matin, à bord de sa voiture, en direction de la caserne.

Sur place, "un commandant lui a dit de le conduire là où se trouvait la garde présidentielle pour aller prendre des munitions", ajoute le parent du défunt.

Le jeune homme proteste: "Non, je ne veux pas aller là-bas, j'ai un nom yakoma". Le commandant insiste. Le sergent obtempère. Ils s'en vont avec un soldat de 1ère classe.

Arrivés à destination, les trois hommes sont arrêtés. Après vérification, on demande au commandant et à l'homme de troupe de partir et au sergent de rester.

"Il a attrapé le commandant. Il lui a dit: +Pourquoi tu me laisses?+. Mais les éléments de la Garde présidentielle sont venus l'arracher des bras de l'officier qui est reparti".

"C'est comme ça qu'ils sont allés le tuer. On l'a laissé sur la route, près de la maison du président. Quand mes soeurs l'ont vu pour la première fois à la morgue, il avait les mains liées", raconte ce proche parent.

Officiellement, 59 personnes, dont 25 militaires et 34 civils, ont trouvé la mort à la suite de cette tentative de putsch et 87 ont été blessées. Mais de plus en plus de témoignages font état d'un bilan beaucoup plus lourd, notamment parmi la population yakoma.

Conscient de cette situation, le Premier ministre centrafricain Martin Ziguélé a pris le soin d'affirmer mercredi que les événements de Bangui ne constituaient "pas une guerre tribale mais bien un coup d'Etat", mené par l'ex-général Kolingba.

(AFP, Bangui, BANGUI, 14 14 juin 2001 - 17h20)