Professeur Abel
GOUMBA, combattant de la démocratie, de la dignité et de la justice en
Afrique
Cayenne, le 12 mai 2009.
Un père fondateur de
C’est un
devoir devant l’histoire pour moi, de rendre hommage à ce grand homme que tu
es, et qui a inspiré ma liberté de ton, mon engagement invariable pour le bien
être de notre peuple. C’est une
responsabilité aussi en ces temps de recul des droits des centrafricaines et
des centrafricains, de souligner l’héritage politique et droit-de-l’hommiste que
tu nous lègue, Abel Nguende Goumba. Je l’assume !
-J’ai rencontré cet artisan historique de la fondation de
-Abel m’a reçu chez lui à Malimaka, en compagnie de
plusieurs de mes pairs de
-J’ai ensuite côtoyé le Professeur avec qui nous
avons pesé dans les luttes du début des années 1990, de sorte que dès avril
1991, l’acceptation du pluralisme politique, la création d’un poste de Premier
Ministre, confirmaient l’amorce de notre entreprise de démolition du pouvoir
personnel. La relative liberté de la presse aujourd’hui, les organisations
de défense de droits de l’homme et les syndicats « libres » qui
existent au pays, sont en partie les
acquis des résistances menées à cette époque. Ce sont des données de la
« démocratisation de la vie publique » nationale qu’il faut
renforcer !
-C’est dans le cadre de la concertation des forces
démocratiques (CFD), que nous avions réussi la seule fois de la vie politique
centrafricaine, à avoir un candidat
unique à la présidentielle de 1993, même si les démons du carriérisme se
sont manifestés après ! Le Professeur Abel GOUMBA a porté ce défi et au
2ème tour, seule l’opposition était en position de prendre le pouvoir
de l’Etat. Cette opportunité de changement a été gâchée. C’est pourquoi, il me
paraît important en cette circonstance difficile, de souligner les valeurs
portées par l’homme Abel Goumba.
-Je retiens en premier une fierté et une conscience patriotique
profondes. Abel ne se cachait jamais d’être centrafricain et africain, même
s’il reconnaissait volontiers les vertus de l’universalité du genre humain.
C’est au nom des valeurs universelles qu’il a longtemps œuvré au sein de l’internationale
socialiste.
-Je témoigne de la grande culture de l’intellectuel
qui nous a longuement instruits plusieurs fois chez lui, à propos du système
économique mondial, de ses iniquités ; mais aussi de la traite des noirs
par les pays arabes, avant l’esclavage transatlantique. Il répétait volontiers
que ces mécanismes étaient contemporains, sous des formes nouvelles et
particulièrement insidieuses ; par exemple les injustices portées par les politiques
d’ajustement structurel…
- Abel Goumba était imbu des valeurs de la démocratie.
Cette dimension de l’homme a été le fil conducteur de son parcours et de sa vie
politique. Je me souviens qu’à la manifestation populaire de « café sato » vers le PK 10 (1992),
au niveau du marché de Gobongo, le professeur était allé plus vite en courant,
que de nombreux jeunes du quartier. La charge des manifestants par les forces de
l’ordre par des gaz lacrymogènes, avait été soutenue ! Quelques jours
après, le Professeur était avec nous à nouveau dans la
rue.
-La conquête du pouvoir par les armes qui fleurit
dans l’espace politique, me semble t-il, ne l’a que très relativement emballé.
Je n’ai pas eu l’opportunité d’en discuter avec lui à Bangui, lorsqu’il a
accepté et assuré le poste de Premier Ministre de transition en
2003-2004.
-Abel Goumba est un politique qui restera aussi dans
l’histoire, comme un résistant. De
l’exil, en passant par les nombreux séjours en prison, il a été la caution, à de
nombreux temps forts de la lutte pour la démocratie, la dignité des gens et la
justice sociale. Sa seule présence
conférait de la crédibilité à de
nombreuses tentatives d’organisation populaire, pour faire aboutir le
changement. Il apparaît que la constance en politique, ne semble pas être une
valeur répandue dans le personnel dirigeant de ce
pays !
-Abel a été aussi professeur de faculté de médecine
en Centrafrique et au Bénin. Apprécié de nombreux de ses étudiants, je notais
depuis hier (sms et mails ), que ceux-ci exprimaient leur déférence, et leur
respect. Ils revendiquent que la nation lui rende un hommage à la hauteur de
l’Homme.
-Je souhaite que les archives monumentales de ce
collaborateur très proche de Barthélémy BOGANDA, soient numérisées pour
permettre la recherche et la vulgarisation historique. Ce travail vaut
sauvegarde d’une parcelle précieuse de notre histoire collective, et partant de
notre identité nationale. Bien entendu, il va falloir l’inhumer le plus
dignement possible, avant de se lancer dans ses expectatives d’intérêt
général.
- Chef d’une lignée nombreuse qui faisait sa fierté,
Abel était un homme dont la dimension publique conduit à une appropriation
intellectuelle et symbolique, des générations présentes et à
venir.
La circonstance de sa disparition n’autorise pas,
conformément à notre tradition et à la décence, d’ouvrir la polémique sur son
bilan politique. Il n’en demeure pas moins qu’Abel Goumba s’est éteint, à un
moment tragique pour notre pays et notre continent. La crise financière
internationale va encore faire des ravages jusqu’à chez nous, alors que la
prospérité n’a jamais gagné les rives de l’Oubangui, en tout cas de façon
significative…
Des hommes et des femmes errent en brousse et ne
peuvent se nourrir convenablement. Notre modèle « démocratique » n’en
est probablement pas un, si ce n’est que nous sommes dans une « cité tragique des
morts-vivants »…
Ma conviction est que la démocratie ne portera pas
ses fruits à l’échelle d’un seul pays comme le nôtre, encerclé de part en part
par des pays frères, enclin à la guerre civile, aux clanismes, à la gestion
patrimoniale, à la gabegie, bref ; à une enivrante bêtise humaine !
C’est une ambition nouvelle que nous devons inventer.
Le Professeur Abel Goumba nous a enseigné les vertus de la fierté patriotique,
de la justice et du courage pour assumer nos convictions. Nous devons être à la
hauteur de ce legs en approfondissant ce qui nous rassemble, pour la
transformation rapide des potentialités de notre pays.
Adieu Abel, tes confidences empreintes d’authenticité
et de finesse vont nous manquer. Condoléances à Mme
Jean-Pierre REDJEKRA
Guyane Française