MEMORANDUM DES ORGANISATIONS DE
MEMORANDUM DES ORGANISATIONS DE
LETTRE OUVERTE A MONSIEUR MICHEL
DJOTODIA Par Marie-Reine HASSEN, ancien ministre
Le Président BOZIZE a été renversé
par les rebelles de la coalition Séléka dont vous êtes le chef. L’entêtement de
l’ancien Président était devenu un grave danger pour
Vous vous êtes posé comme le nouvel
homme fort de
L'accord de paix signé le 11
janvier 2013 à Libreville mettait en place un gouvernement d'union nationale
composé du clan au pouvoir, des rebelles et de l'opposition dite démocratique,
dont la principale tâche était de respecter un calendrier électoral. En ma
qualité de responsable politique et ancien ministre, j’avais ouvertement dénoncé
cet accord qui, de toute évidence, ne réglait pas les difficultés profondes de
J’en conclus que juridiquement
et politiquement ces accords sont caducs et ne peuvent suffire à déterminer
votre politique, puisque l’un des acteurs désigné dans l’accord, François
Bozizé, ainsi que la durée et les attributions du mandat qui lui étaient
reconnus, ne sont plus d’actualité aujourd’hui.
Le départ de François BOZIZE est
la somme de nombreux combats menés pour la liberté par l’ensemble des
centrafricains de tous bords. C’est également le combat de nombreuses
institutions et organisations telles que Human Rights Watch, International
Crisis Group... La somme de toutes ces revendications devait nous mener vers
plus de démocratie, plus de respect du droit humain, plus de liberté dans la
paix, la sécurité l’unité nationale et le développement.
Pour tous ces efforts et pour le
peuple centrafricain meurtri, il ne sera pas supportable qu’une autre voie
s’ouvre vers une dictature encore plus violente.
Ne reproduisez pas le même
schéma que celui de l’ancien régime. Ne perpétuez pas cette sorte de
jurisprudence historique douloureuse qui s’est installée depuis quelques
décennies.
Ce coup d’Etat ne peut pas être
validé car :
1°) Il est condamné par l’ensemble
de
2°) La coalition Séléka est trop
disparate pour construire une politique cohérente et une vision unifiée de
sortie de crise pour
3°) On ne sait pas encore
précisément ce que va être la réaction des militaires de métier appartenant aux
Forces Armées Centrafricaines (FACA) qui n’ont pas fait alliance avec
4°)
Personne ne peut justifier trois
années de fonctionnement en situation d’exception et en état d’urgence, et qui
ne constituent nullement une gouvernance démocratique à laquelle aspirent
l’ensemble des Centrafricains. Dans ces conditions, un Premier Ministre est
parfaitement inutile. Sans ses Institutions solidement installées, le pays
restera paralysé et personne ne pourra travailler. Aucun investisseur sérieux ne
viendra en RCA si l’atmosphère n’y est pas propice. Le risque est celui d’isoler
notre pays
Pour que votre régime naissant
ne soit pas black-listé, il serait bon de faire preuve de sagesse. Les
Centrafricains n’ont pas besoin de 3 ans pour remettre leur pays en ordre de
fonctionnement. Dès lors qu’on a mis en place le principe ORC (la définition des
orientations des politiques publiques, l’organisation des réglementations et des
régulations pour le fonctionnement de l’Etat, et l’installation des organes de
contrôle à tous les niveaux du pays), l’Etat met en place tous les mécanismes de
bonne gestion (politique, économique, administrative, sociale).
Le problème étant la défaillance de
la gouvernance démocratique, la construction d'une paix durable doit passer par
les réformes nécessaires et incontournables de la gestion publique et le suivi
d’un bon projet de société.
Vous seriez bien inspiré de
prendre exemple sur le Président Amani Toumani Touré (*) qui en son temps a fait
prévaloir la raison en conservant les Institutions et en organisant les
élections au bout de six mois. Ce processus, ainsi que celui d’une grande
conférence nationale, dans l'intérêt supérieur du pays, nécessite une
mobilisation nationale et devra inclure tous les acteurs de la scène politique
centrafricaine, y compris les représentants des syndicats et de la société
civile.
Je vous demande de trouver
rapidement une solution pacifique qui permettra le rétablissement de l'ordre
public, l’accès immédiat aux besoins vitaux pour la population (soins de santé,
logements, alimentation, protection et sécurité des personnes), le respect de
l'Etat de droit et le retour rapide à l'ordre constitutionnel. Il faut
impérativement que nos institutions fonctionnent afin de revenir sans tarder à
une situation normale.
Une période de six (6) mois à un an
est largement suffisante pour ramener la sécurité sur tout le territoire et
organiser des élections. En attendant, chaque Centrafricain doit pouvoir
s’impliquer dans le retour de l’ordre et le respect de la loi.
Il est extrêmement urgent de
s'attaquer très rapidement aux racines de l'instabilité pour éviter un
affrontement armé généralisé déjà prévisible. Dans mon analyse du 10 décembre
2012 publiée dans la presse locale, j’avais déjà souligné qu’un dialogue
national, un de plus, n’est pas la solution de sortie de crise rapide. Seul un
véritable changement de gouvernance apportera une paix durable.
Dans ces conditions, et si vous
vous engagez à un agenda qui respecte le retour à la démocratie, l’implication
de tous les Centrafricains à la reconstruction de notre pays, à son
développement économique sur l’ensemble de notre territoire et au progrès pour
tous, je pourrais apporter ma contribution aux efforts du gouvernement.
Paris le 29 mars
2013
(*) En mars 1991, après les
manifestations populaires réprimées dans le sang, Amadou Toumani Touré participe
au coup d'État contre Moussa Traoré et prend la présidence du Comité de
transition pour le Salut du peuple. Il assure les fonctions de chef de l’État
pendant la transition démocratique. Il organise ensuite la conférence nationale
(qui s’est déroulée du 29 juillet au 12 août 1991), puis des élections
législatives et présidentielle en 1992. À l’issue de ces élections, il remet le
pouvoir au nouveau président élu Alpha Oumar Konaré. On le surnomme alors le «
soldat de la démocratie »
Vendredi 29 Mars 2013 - 22:37
(Source : bêafrika
Sango)